NOSTRADAMUS
(1503-1566)
 

Michel de Nostredame prophète de l'ère moderne.

La famille

Arnauton de Vélorgues, l'arrière grand-père de Michel de Nostredame, tenait boutique de grainetier en Avignon. D'origine juive, il se maria trois fois et eut plusieurs enfants. De son mariage avec Venguessone, une belle genevoise (1449), naquit Guy, le grand-père de Michel, lui aussi marchand de grains et de fourrage. Par précaution - l'époque était difficile pour les Juifs qui devaient soit émigrer soit se convertir, - Guy changera de nom. Il est connu sous le nom de Guidon (Guy) Gassonet, Peyrot (Pierre) de Sainte-Marie, avant d'adopter le patronyme de Pierre de Notredame (ou Nostredame), lors de sa conversion au christianisme. (On retrouve ses différents noms dans les archives notariales, et celui de Pierre de Nostredame, sur le registre des Juifs de Provence convertis dans les archives de Louis XI.)

En premières noces, Pierre (Guy) épousa l'accorte Astrugue, dont le père, Jessé Gassonet, notaire en Avignon, se convertira également, prenant le nom de Richaud. Mais très attachée à sa religion, la belle Astrugue refusa de devenir chrétienne. En 1463, le néophyte Pierre de Nostredame fut autorisé à la répudier, selon la loi juive, devant une assemblée de coreligionnaires, réunie à Orange près de l'Hostellerie de l'Épée rouge, puis d'épouser, en secondes noces, Blanche de Sainte-Marie. Blanche lui donna quatre enfants, dont Jaume (appelé aussi Jaumet ou Jacques, selon les chroniques), qui s'installe à Saint-Rémy-de-Provence en qualité de marchand de grains, avant de s'établir notaire.

Jaume (ou Jacques) épouse Reynière (Renée) de Saint-Rémy, petite-fille de Jean de Saint-Rémy, médecin du duc de Calabre, fils de René-le-Bon, roi de Navarre et comte de Provence. Jean de Saint-Rémy, lui aussi juif converti, homme fortuné et d'une grande culture, achèvera sa carrière comme clavaire (trésorier-receveur) de sa ville. Il dote richement sa petite-fille.

Enfance et adolescence

Michel de Nostredame, notre futur prophète, naquit rue du Viguier à Saint-Rémy-de-Provence, le 14 décembre 1503, (la légende dit que ce fut sur le douzième coup de midi). Premier né des 18 enfants du couple, il fut baptisé cinq jours plus tard. C'est Jean, l'arrière grand-père maternel de Michel, médecin, botaniste, astronome et humaniste, qui assure l'éducation de son petit-fils jusqu'à sa quinzième année et lui inculque le goût de la médecine et des étoiles.

L'adolescent poursuit des études classiques en Avignon où il obtient son titre de bachelier ès arts. On dit qu'il témoigna très tôt d'un don de clairvoyance et se passionna pour l'étude des plantes médicinales, les "simples médecines".

La grande peste

La grande épidémie de peste de 1526 qui ravage la Provence voit le jeune étudiant interrompre ses études pour voler au secours des pestiférés de Narbonne puis de Marseille, où il fit preuve d'une efficacité médicale certaine et d'un courage qui lui valurent l'admiration de ses concitoyens.

L'année 1529 le retrouve sur les bancs de la faculté de Montpellier, pour parfaire ses études de médecine. La légende voudrait qu'il eût pour compagnon d'études François Rabelais, de 9 ans son aîné. Est-ce le futur auteur de Gargantua et de Pantagruel qui donna l'idée à son jeune condisciple de composer un "almanach", publication populaire alors furieusement à la mode, et qui permettait à son promoteur de s'assurer de confortables revenus ?

Dans ses livres, Rabelais se moque pourtant abondamment de ses confrères qui, sous le couvert de prophéties, annoncent de terrifiantes calamités, comètes vengeresses, inondations diluviennes, pestes monstrueuses, et ridiculise au passage leur ton divinatoire et leur crédulité astrologique. Nostradamus lui, exploitera bientôt avec grand succès cette veine littéraire.

En tout cas, la lecture de leurs écrits, montre que tout oppose les deux étudiants. Sans être athée, du moins sans trop le montrer - ce serait trop dangereux - Rabelais affirme : «Tout ce que nous lisons de la vie éternelle, n'est escrit que pour assurer et repaître d'une vaine espérance les pauvres idiots».
Il ne croit pas davantage à l'astrologie et aux prédictions : «De l'Astronomie, saches-en tous les canons. Laisse-moy l'astrologie divinatrice, l'art de Lullius, comme abuz et vanitez.»

Un personnage étrange

Les seuls dénominateurs communs entre le joyeux Rabelais et le sévère Nostradamus, sont leur passage à l'université de Montpellier vers 1530-1531, et leur séjour à Agen, auprès de Jules-César Scaliger. Ce dernier, personnage étrange et sulfureux, grand manipulateur d'idées, souvent dangereuses, en coquetterie avec la foi et la religion officielles, surveillé par l'inquisition, était un maître à penser digne de leur génie.

On a retrouvé l'inscription de l'auteur de Gargantua sur le registre des étudiants en date du 17 septembre 1530. Trois mois plus tard il sera reçu bachelier, (promotion fulgurante qui prouve l'étendue du bagage de ses connaissances). Il fera un cours public sur les Aphorismes d'Hippocrate, et le Petit art médical de Galien. En 1532, Rabelais quitte Montpellier pour Lyon, où paraît la première édition de Pantagruel, et l'année d'après son fameux Almanach. Nostradamus sera reçu docteur en médecine vers 1533.

Médecin ambulant

Nanti de son diplôme de carabin mais point riche, Nostradamus parcourt durant quelques années le midi de la France, pratiquant la médecine ambulante, soignant ici et là des pauvres mais également des notables qu'attire sa jeune renommée. En chemin, il herborise, cueille des simples dans la garrigue, confectionne lotions, poudres et onguents, prépare de succulentes confitures à l'auberge, le soir, marchandises qu'il vend à la criée les jours de marché. Il se livre aussi à sa passion secrète, l'astrologie, délivrant horoscopes et prédictions aux belles qui viennent le consulter. Profitant de l'engouement qu'il suscite auprès de ses pratiques, il leur offre aussi des fards de beauté, des élixirs de jouvence et des philtres d'amour qui accroissent de beaucoup sa renommée.

Il fait ainsi étape à Narbonne, à Collioure, à Perpignan, à Carcassonne, puis à Toulouse où, dit-on, il guérit le légat du Pape d'une fluxion de poitrine. Est-ce là qu'il rencontra César de l'Escalle (ou de l'Escallet), qui se faisait appeler Jules-César Scaliger, un épicurien philosophe, quinquagénaire qui venait d'épouser Audiette de Roque-Lobajac, une charmante gamine de seize ans.

Scaliger invite le médecin à séjourner auprès de lui en sa bonne ville d'Agen, où, durant trois ans, les deux compères philosophent, disputent et refont le monde en compagnie des plus éminents clercs et lettrés de la région. Reconnu loin à la ronde comme médecin-astrologue fort versé dans les vertus des plantes, Nostradamus devient aussi célèbre dans la contrée que son hôte.

Une anecdote peu confortée par des documents sérieux dit que "les meilleures familles de l'Agenais, invoquaient toutes sortes de maladies pour envoyer leurs filles à marier chez le réputé médecin encore célibataire."

Un jour, Anne de Cabrejas, une jeune catalane de Perpignan acheta un philtre d'amour à Nostradamus. Fine mouche, elle eut le culot de le provoquer en lui disant «qu'elle ne croirait en l'efficacité de son philtre que s'il voulait bien l'essayer avec elle.» Le toubib lui répondit en badinant qu'il relevait le défi à la condition qu'elle voulût bien l'épouser. C'est ainsi qu'Anne et Michel unirent leur sort par les liens du mariage et donnèrent naissance à deux enfants. La composition des premières Centuries semble dater de cette époque.

Le cénacle d'Agen

Mais, le cénacle d'Agen, fréquenté par des gens de toutes sortes, parmi lesquels plusieurs Juifs convertis, des clercs flirtant avec la réforme, des alchimistes se livrant à des travaux occultes, devint suspect aux dévôts, et l'Inquisition s'y intéressa de si près que Nostradamus, tenant à sa liberté, quitta la région.

On ne sut jamais ce qu'il advint de sa famille, sur laquelle il courut mille légendes. Il semblerait qu'en 1538, le mage-médecin dut soutenir un procès en restitution de dot intenté par le sieur de Cabrejas, son beau-père. En tout cas, ni Nostradamus ni son fils César, issu d'un autre lit, n'y feront jamais allusion.

Le voyageur

De 1538 à 1544, il voyage. Ses biographes affirment que ses voyages ont un caractère initiatique. On retrouve sa trace en Bretagne en compagnie de druides, à Paris où il s'initie à l'alchimie, en Lorraine, à l'abbaye d'Orval, au Luxembourg. La légende voudrait même qu'il traversât l'Italie et visitât l'Egypte.

Agé de 41 ans, Nostradamus revient au pays, mûri et sûr de son art. Il a beaucoup étudié et appris en chemin, exercé la médecine dans tous les milieux, conversé avec les plus éminents savants de ce temps.

La peste noire

Dès son retour en Provence, il fut confronté à une nouvelle épidémie de peste, appelée le "charbon provençal", car elle laissait derrière elle ses victimes noires comme du charbon. A Aix, la plus touchée, Nostradamus s'attaque au mal avec sa ténacité coutumière, perfectionne son remède mis au point une décennie auparavant, et sauve bon nombre de malades.

Très en avance sur son temps, Nostradamus préconise de sévères mesures d'hygiène pour enrayer le mal, entreprenant le nettoyage systématique des maisons et des rues. Mais sa réputation ne lui vaut pas que des honneurs.

Les médecins qui avaient fui la peste sans prendre la peine de lutter contre l'épidémie, prétendent que c'était par "magie" et "sorcellerie" qu'il obtient ses succès. Or cette accusation peut se révéler mortelle en ces temps où l'inquisition se déchaîne contre les mal pensants, les penseurs originaux et les hérétiques de toutes sortes.

Médecin et astrologue


 
Il y a quelques mois je me trouvais à une garden-party chez des amis. La réunion était très gaie. A un moment donné, l'un d'entre nous proposa de faire une photo souvenir de notre groupe au polaroïd. La photo prise, je me rendis compte qu'elle circulait de mains en mains sans que personne ne se décidât à me la montrer. Mes amis chuchotaient entre eux tout en me regardant à la fois d'un air bizarre. Quand je pus enfin l'intercepter, je m'aperçus avec surprise et effroi que l'emplacement de mon image entre mes amis était resté vide, absolument vide, comme si je n'existais pas...

Pour éviter tout mauvais procès, Nostradamus évite les polémiques et s'établit comme médecin à Salon de Provence où vit son frère Bernard, et où sa réputation de thérapeute et d'astrologue lui vaut une bonne clientèle parmi la bourgeoisie.

Le 26 novembre 1547, il épousa Anne Ponsard Jumelle (que divers textes orthographient aussi Pons ou Ponce, Gimelle ou Gemelle). Elle lui donnera six enfants. A Salon, Nostradamus vit bourgeoisement. Pour éviter que l'on jase sur ses travaux occultes, il se montre très pieux, assidu à la messe. Il se confesse régulièrement, exerce ostensiblement ses aumônes, se mettant au mieux avec clercs et curé.

Almanachs et centuries

La publication de ses Almanachs et ses consultations d'astrologie lui valent une réputation flatteuse très loin à la ronde, faisant davantage pour sa renommée que ses prouesses médicales. Au printemps 1555 paraissent les trois premières Centuries complètes et une partie de la quatrième.

L'ouvrage comprend aussi la fameuse Lettre à son fils César. L'engouement pour ces prophéties obscures et incompréhensibles est immédiat. L'auteur expose à plusieurs reprises les raisons de cette obscurité : en ces temps d'Inquisition, on a vite fait de vous traîner devant un tribunal sous l'accusation d'hérésie ou de sorcellerie.

Cette publication vaut d'ailleurs à Nostradamus une comparution devant le Parlement de Dijon, où il doit s'expliquer. L'auteur se présente non comme devin, mais comme mathématicien et astrologue, affirmant que c'est par de longs calculs et des observations astronomiques qu'il parvient à déduire certains événements à venir. Cette science étant parfaitement licite et reconnue, il ne sera pas inquiété.

Ami et confident des grands de ce monde

Passionnée par l'astrologie et les sciences occultes, Catherine de Médicis qui entend parler des prédictions remarquables qu'on attribue au médecin provençal, demande au gouverneur de Provence de faire venir Nostradamus à la cour. Le mage arrive à Paris, le 15 août 1556, jour de la fête de Notre Dame, et s'installe au premier hôtel venu, l'hôtel Sainct-Michel, ce qui lui parut de bon augure après un voyage harrassant. Reçu d'abord par le connétable de Montmorency, il est ensuite interrogé par Louis de Bourbon, archevêque de Sens, avant d'être autorisé à rejoindre la cour installée pour l'été au château de Blois. Catherine le reçoit, lui présente ses enfants et lui ordonne de dresser leur horoscope.

On peut supposer que le mage doit déployer des trésors d'astuce et de diplomatie pour éviter de troubler et de choquer la reine dans l'interprétation qu'il lui donne de ce qu'il voit dans le thème des jeunes princes. La seule prédiction de cette consultation qui soit parvenue jusqu'à nous est, selon certains auteurs : "Trois des quatre garçons porteront la couronne."

(D'autres sources prétendent que Nostradamus affirma : "Tous les quatre porteront la couronne" La reine semble satisfaite de Nostradamus et le récompense. Plus tard, elle le fera nommer médecin et conseiller du roi Charles IX (1564). Elle le consultera encore à plusieurs reprises.

Dans la fameuse épitre à Henri II, Nostradamus dit : "Si je voullois à un chacun quatrain mettre le denombrement du temps, le pourroit faire : mais à tous ne seroit agreable, ne moins les interpreter jusques à ce, Sire, que votre Majesté n'aye octroyé ample puissance pour ce faire, pour ne donner cause aux calomniateurs de me mordre." Car de deux choses l'une, soit Nostradamus connaît vraiment l'avenir, soit il ne le connaît pas. S'il "sait", comment traduire au roi sa voyance exprimée dans la première centurie, 35e quatrain, publiée dès la première édition des Centuries :
"Le lion jeune le vieux surmontera,
En champ bellique par singulier duelle :
Dans caige d'or les yeulx luy crevera
Deux classes une puis mourir mort cruele."
On connaît la suite. Pour honorer les noces de sa fille Elisabeth de France, le roi organise un tournoi le 1er juillet 1559, rue saint Antoine. Il y participe lui-même et se mesure à plusieurs adversaires jusqu'au soir. A la tombée de la nuit, les joutes se poursuivent, mais le duc de Savoie prie le roi de ne plus s'exposer à combattre alors qu'on n'y voit plus goutte. Henri II ne l'écoute pas et fait venir Montgomery. Le jeune comte, au faîte de son art, célèbre pour sa vaillance se récuse à plusieurs reprises, refusant de combattre le roi.

Pressé de toutes parts, il saute à cheval et, les deux cavaliers courent l'un à la rencontre de l'autre. Montgomery atteint Henri II de sa lance, lui porte un coup si rude qu'elle se brise. Frappé à la tête, son heaulme doré percé, la pointe de la lance du jeune capitaine traverse l'oeil de son roi. Durant 11 jours, le monarque demeure entre la vie et la mort, avant de succomber.

La réalisation de la prédiction _ pourtant bien obscure _ devient transparente pour tous après le drame, et fait sensation, d'autant plus qu'un autre astrologue, Luc Gauric, aurait, selon la princesse de Clèves, annoncé le même événement.

Gloire et renommée

Mais le succès des Centuries, la renommée populaire du mage, la protection de la reine et de quelques grands de ce monde, éveillent la jalousie des envieux et lui suscitent bien des calomnies.

Nostradamus demeure prudent et sybillin dans ses prognostications, et se garde de provoquer ou de déplaire aux Seigneurs et à l'Eglise. En octobre 1564, la reine mère lui rend visite, en compagnie de son fils Charles IX et de son gendre Henri de Béarn, futur Henri IV. C'est l'apothéose. Nostradamus meurt deux ans plus tard, le 2 juillet 1566, à l'heure et dans les conditions qu'il avait lui-même prédites.

Les biographies de Nostradamus fourmillent d'anecdotes dont l'authenticité est aujourd'hui invérifiable. Mais elles font partie de sa légende.

Ainsi, Nostradamus aurait exigé que sa tombe ne soit jamais ouverte. Elle le fut cependant, 60 ans après sa mort, et on dit que les profanateurs découvrirent sur la poitrine du défunt "une plaque de cuivre portant une inscription maudissant la perfidie des gens qui, en dépit, des promesses faites, ont troublé sa paix tel jour, telle année, à telle heure !" (Lire : Nostradamus de Eugène Bareste 1840).

 

 


Pour les lecteurs curieux, soucieux de vérité historique, il existe un livre sérieux : "Nostradamus, ses origines, sa vie, son oeuvre" du Dr. Edgar Leroy publié aux Editions Jeanne Laffite reprints. Pour ceux qui aiment le merveilleux et prèfèrent les vies romancées aux ouvrages vrais mais plus austères, il y a La Vie fabuleuse de Nostradamus par Richard Balducci, parue aux Editions Filipacchi. Quant aux Prophéties proprement dites, l'une des dernières éditions complètes et agréablement présentée, elle nous vient du Canada (Editions Jacques Claviez).
Le Musée Nostradamus de Salon-de-Provence distribue ces ouvrages par correspondance à ceux qui ne les trouveraient pas chez leur libraire.


 

LE COCHON DU SEIGNEUR DE FLORINVILLE


 
Un auteur de l'époque, malheureusement anonyme, raconte à propos de Nostradamus, les faits suivants : «La qualité qu'il avait de présager, dit-il, quoiqu'il la tînt cachée, était néanmoins en lui comme un feu qui, bien couvert de cendres, ne laisse pas, de temps en temps, de se manifester par les étincelles qu'il jette.

Comme donc il lui arrivait quelquefois de faire des prédictions et que ces prédictions avaient leurs effets, cela le fit considérer, dans les endroits où il passait, comme un homme d'une vertu extraordinaire, qui, suivant quelques-uns, avait le don de percer dans l'avenir, et selon les autres, n'avait que l'adresse de duper les gens par un semblant de divination, quoiqu'on le regardât comme un très habile médecin.

Ce fut de cette deuxième manière que sa faculté divinatrice fut prise, en Lorraine, par le seigneur de Florinville. Ce seigneur ayant amené Nostradamus dans son château de Fains, il arriva qu'un jour, ce gentilhomme se promenant dans la basse-cour de son château avec son hôte, en devisant de présages, deux petits cochons de lait, dont l'un était blanc et l'autre noir, se présentèrent à eux.

A la vue de ces deux animaux, le seigneur de Florinville demanda à Nostradamus quelle serait leur destinée. A quoi il répondit en même temps qu'il mangerait le noir et que le loup mangerait le blanc. Le seigneur de Florinville, qui n'avait fait la demande que parce qu'il s'imaginait qu'il était en son pouvoir de faire mentir le prophète, ordonna secrètement à son cuisinier de tuer le cochon blanc et de le lui servir à souper.

Suivant cet ordre, le cuisinier tua le blanc, l'habilla et le mit à la broche prêt à être rôti quand l'heure serait venue. Cependant, ayant affaire hors de la cuisine, un louveteau que l'on nourrissait pour l'apprivoiser, y entra et, trouvant le préparatif à sa portée, s'attacha à le manger. Le cuisinier, en rentrant, surpris de l'accident, se saisit aussitôt du cochon noir, le tua, l'apprêta et le servit à table.

Le seigneur de Florinville, qui ne savait rien de l'accident, dit à Nostradamus, avec un air de confiance, qu'on allait manger le cochon blanc, et que le loup n'y toucherait pas. A cela, Nostradamus répartit qu'il ne le croyait point et que c'était le noir qui était sur la table.

Aussitôt, le seigneur ordonna au cuisinier de faire venir le cochon noir, afin de confondre Nostradamus. Mais il fut fort étonné, lorsque le cuisinier étant arrivé, se jeta aux pieds du seigneur et lui déclara le sort des deux cochons.

Comme l'aventure fut trouvée singulière, on la répandit dans tout le royaume.


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