Aimé Richardt
ÉRASME
(1469-1536)

Érasme par Holbein le jeune

Une intelligence au service de la paix
Chaque nouveau livre d'Aimé Richardt est une agréable découverte. De formation scientifique, n'étant agrégé que de lui-même (du moins je le suppose) cet auteur écrit des ouvrages qui ne sont jamais un pensum d'homme de lettres, ne suintent pas l'ennui d'un produit universitaire. Ses biographies secrètent un parfum subtil et nous incitent à mieux connaître la personnalité qu'il décrit sans pédantisme.

Aimé Richardt nous emmène ici à travers une lecture gourmande, à plonger dans l'époque trouble où vécut Érasme et à nous faire aimer ce personnage hors du commun.

Voilà un penseur dont tout le monde parle ou a entendu parler sans l'avoir jamais lu dans le texte - il écrit en latin - et, si les étudiants l'ont abordé en classe de philo, ils n'en ont généralement pas gardé un souvenir époustouflant.

Je ne fais pas exception à la règle. Pourtant, j'aurais dû me méfier, Érasme comptait Rabelais parmi ses amis et tout ce qui touche à Rabelais m'enchante !

Je dois avouer ma stupéfaction et mon enthousiasme en découvrant cet Érasme mythique que vient me proposer Aimé Richardt.

Si l'Éloge de la Folie - titre épatant - recouvre un essai aimable, je confesse avec contrition que je n'ai jamais réussi à le lire jusqu'au bout ! Eh bien je vais m'y remettre, pour voir, si Aimé-le-magicien nous dore la pilule ou si son admiration est fondée.

Érasme, fils de curé est ordonné prêtre à contre-cœur en 1492, l'année même que Colomb découvre l'Amérique. Il se morfond, se caille et se gèle l'esprit dans les tristes institutions où il subit les nourritures avariées qu'on lui sert au propre et au figuré.

Une chance se présente, l'évêque de Cambrai souhaite se faire accompagner par un bon latiniste au cours d'un prochain voyage à Rome.

Érasme est engagé mais le voyage toujours remis. Il demande à son protecteur une bourse pour poursuivre ses études théologiques à Paris afin d'obtenir son doctorat. Il en obtient une, mais l'évêque se montre pingre.

Prenant pension au Collège Montaigu où la nourriture est chiche mais où il a le bonheur de travailler sous la direction de Jean Standonck qui restera toujours son ami.

Érasme par Albert Dürer
Au fil des ans et des enseignements, Érasme acquerra une personnalité forte aux convictions solides, ouvert aux idées nouvelles, lui permettant d'intervenir par la plume, avec fermeté, dans le formidable débat d'idées qui oppose l'Église sclérosée aux partisans de la Réforme.

Tout au long de cette guerre il expose en philosophe, ses réflexions sur les rapports entre la raison et la foi, sachant conserver son sang-froid. Demeurant sur la ligne de crête, il saura raison garder, s'efforçant d'éviter le schisme dévastateur qu'il pressent.

Certes, il est déchiré entre sa fidélité à l'Église et son refus d'approuver les abus de la papauté, entre une réforme nécessaire et la Réforme violente prônée par Luther qui n'apporte pas au monde la paix du Christ.

Au milieu de cette détestable querelle qui déchire les Chrétiens, Aimé Richardt rapporte dans son ouvrage une plaisante anecdote.

Avant d'arriver à Aix-le-Chapelle où il allait recevoir la couronne impériale, Charles Quint s'arrête à Cologne. En tant que conseiller du futur empereur, Érasme faisait partie de sa suite. Frédéric, l'Électeur de Saxe, le protecteur de Luther, souhaita rencontrer le philosophe et lui demande tout à trac : «Dites-moi quel péché a donc commis Luther pour qu'on lui en veuille tant ?» «Deux bien grands, répondit Érasme : il a touché à la couronne des papes et au ventre des moines.»

En fait, le fond de cette querelle meurtrière passe bien au-dessus de la compréhension du commun des mortels, le problème tient à la réponse apportée à ces deux questions : La liberté humaine tient-elle une place dans l'acte de foi ? Et si oui, que devient la grâce de Dieu ? Des dizaines de milliers de morts, la ruine, la destruction et d'incommensurables souffrances, n'y ont toujours pas répondu clairement.

Par ses écrits, Érasme devint l'auteur le plus célèbre et le plus lu de son temps. Un libraire d'Oxford affirmait en 1520, qu'«un tiers de ses ventes étaient des œuvres d'Érasme».

Marc Schweizer

Édition Lethielleux - Groupe D.D.B. - Xavier de Guibert

 


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