Témoignage
 

 

MON CHAT M'A SAUVÉ LA VIE
L'expérience de Roland Bonnet
 


 
Le chat est un animal mystérieux.
Il devine et voit des choses
que les humains ne perçoivent pas.
(...)
Le sphinx est son cousin.
Il parle le même langage
mais il est plus ancien que lui
et se souvient de ce que le sphinx a oublié.

(H.P. Lovecraft)
Depuis sa plus tendre enfance, Roland entretient des relations privilégiées avec les chats qui le lui rendent bien : par trois fois, à quelques années de distance, des chats lui ont sauvé la vie. Doudou, le dernier de ses compagnons, s'en est allé il y a quelques mois après douze ans d'affectueuse présence. Le jour il s'appelait Doudou ou Boudou, mais la nuit il devenait "Doc", assistant silencieux des travaux de son maître. Très choqué par le départ de cet ami fidèle, R.B. nous livre ce témoignage sur l'âme des bêtes.

MES CHATS ET MOI

Disparu de notre monde tridimensionnel pour cause de vieillesse, "Doc" laisse dans mon existence un vide encore plus vaste que le cratère béant ouvert dans ma vie par la mort de mes parents.
Désemparé par cette absence, le mécréant que je suis se laisse aller à ses fantasmes. Devant le tombe de mon cher disparu, une étrange interrogation m'est venue à l'esprit : "Si, comme beaucoup le supposent, les humains ont une âme, pourquoi les animaux en seraient-ils dépourvus ?"
Oh! bien sûr, je n'irai pas jusqu'à imaginer une âme aux vers de terre, aux puces, aux cancrelats ni même aux méduses. Mais nos frères mammifères, nos compagnons de toujours, apparus avant nous sur la terre, n'ont-ils pas en commun avec nous, quelque part au plus secret d'eux-mêmes, cette petite flamme d'immortalité que nous appelons âme ?

La vache est vénérée en inde

Pourquoi, sinon, les hommes de différentes civilisations auraient-ils vénéré le cheval, symbole des ténèbres et des pouvoirs magiques, le chien, guide des âmes et gardien des lieux sacrés, le chat élevé au rang de divinité par les Egyptiens, les Hindous et les Celtes ?
Si l'éléphant est pour l'Africain le symbole de la connaissance, la vache est vénérée en Inde comme personnification de la terre nourricière. Honoré au Tibet comme ancêtre de l'homme, le singe symbolise l'ironie, l'agilité et la sagesse. Les religions extrême-orientales et les civilisations précolombiennes le considèrent comme un animal sacré.
Plongé dans ma douleur, je laissais mon esprit divaguer, confronté tour à tour au néant et au pourquoi des choses.

Qu'est-ce que l'âme ?

Philosophes, théologiens, occultistes, spirites ont chacun une opinion différente et souvent contradictoire de ce concept.
Notre âme, est-elle l'anima antique, le souffle de vie de nos ancêtres gréco-romains ? Ou bien le siège de notre activité psychique par opposition à l'esprit, siège de notre activité mentale ? Pour le croyant, elle incarne le principe immortel de la spiritualité humaine, séparable de son corps mortel, responsable devant Dieu.
Selon Allan Kardec et les spirites, la joie, la souffrance, les émotions seraient des manifestations de l'existence de l'âme, principe intelligent se séparant de l'enveloppe charnelle après la mort et lui survivant individuellement en tant qu'«esprit». Depuis trois mille ans qu'il est ouvert le débat sur l'existence de l'âme humaine n'est pas clos, alors que penser de celle des bêtes ?
Amis des animaux, nous savons que nos frères prétendus inférieurs possèdent des traits de caractère semblables aux nôtres. Nous les voyons tour à tour affectueux, jaloux, dédaigneux, fidèles, possessifs, paresseux ou fiers.
Il en est de vigilants, comme ce hérisson que j'avais surnommé Cerbère qui, en échange de pâté de foie, de biscuits trempés dans du lait, montait une garde nocturne devant la porte d'entrée de la maison de mes parents, se hérissant à l'approche d'un intrus, allant jusqu'à l'attaquer.
D'autres se montrent serviables comme ce matou du voisinage qui, chaque jour, servait de guide à mon vieux chat Tonton. Devenu aveugle, mon matou tenait la queue de son compagnon dans sa mâchoire édentée et le suivait fidèlement dans sa promenade quotidienne dans le jardin, avec une petite halte pour déguster du lait aux oeufs battus.
Quant à mon chien Toto, il se laissa mourir de faim après le décès de mon père qu'il adorait.

 
Pour moi il ne fait donc aucun doute que les animaux ont une Âme

Voulant abréger les souffrances de notre chatte Poupoute, je la conduisis moi-même à la clinique vétérinaire de la ville voisine. Je n'oublierai jamais les miaulements déchirants d'imploration, de supplication de ma chatte, les regards pathétiques qu'elle me jeta tout au long de la route.
Car elle "savait" où je la conduisais, et pourquoi je le faisais, Poupoute était voyante!
Misère, recueillie par mon père le jour de ma naissance, me sauva la vie quelques semaines plus tard alors que j'allais mourir brûlé vif dans mon berceau, en alertant mes parents par ses miaulements et ses bonds contre la porte de leur chambre.
Que penser de Rouquin, ce chat qui se colla des heures durant contre mon flanc dans mon lit de malade. Il «aspira» littéralement ma pleurésie et en mourut...
Par expérience, je sais que les chats sont dignes devant la mort. Misère, Tonton et Doc s'éloignèrent de moi quand ils sentirent venir leur mort, ils s'isolèrent, se cachèrent pour rendre l'âme...
Pour en revenir à Tonton, je me souviens que, lorsque, enfant, je m'énervais sur un problème en faisant mes devoirs, Tonton venait se frotter en ronronnant contre mes jambes nues. Ce contact avait le don de me calmer instantanément.
Or, des semaines et des mois après la disparition de mon vieux compagnon, lorsque je piquais ma crise face à une équation impossible ou une analyse de texte rébarbative, je sentais la caresse de Tonton sur mes mollets, comme si son esprit venait encore me visiter et me protéger. Pour moi il ne fait donc aucun doute que les animaux ont une âme.

 
DOUDOU

 
Dès son adoption à la fois rocambolesque et fantastique, - c'était en 1983 -, mon épouse Nina, le baptisa Doudou. Pourquoi ? Mystère!
Moi, futur esclave domestique de ce chat adulte et castré, je le surnommai Boudou, en souvenir d'un air que fredonnait mon père lorsqu'il était de bonne humeur : "On l'appelait Boudoubadou, il jouait de la flûte en acajou... etc." Dans la chanson, Boudoubadou était un soldat français... noir.
Doudou-Boudou était un chat noir lui aussi. Avec une tache sur le nez, des bottes et un jabot blancs. Notre nouveau maître accepta ces deux patronymes avec une royale indifférence. Cela dura quatre ans.
Quatre années qu'assuma Nina confrontée à un chat traumatisé et psychotique afin de le rééquilibrer. Femme et chat sortirent chacun vainqueur de cette dure épreuve.
Durant cette période, je n'avais été qu'un modeste observateur et serviteur occasionnel mais très dévoué à cet animal auquel j'avais une peur maladive de m'attacher. En vain.
Doudou-Boudou avait trop de qualités. Dans la nuit du 31 octobre au 1er novembre 1987 (Toussaint!), entre 22 heures et 5 heures du matin, Doudou-Boudou et moi commençâmes à converser, progressivement.
A partir de cet instant fatidique Doudou-Boudou (le jour) ne répondit qu'au nom de Doc (la nuit). Il m'expédiait des sensations, puis des images, puis des mots et enfin des phrases que je transcrivais sur le papier, puis sur ma machine à écrire, comme un médium inspiré par une entité quelconque.
Chaque nuit, au fil des mois, puis des années, pendant sept ans, Doc devint mon compagnon, mon collaborateur et mon conseiller.
Ensemble, nous écrivîmes 7 des 21 "Sortilèges du Docteur Cernunos", une série de romans à paraître.
Je passai ainsi des heures magiques avec Doc, qui disparut le 1er avril 1994 de notre monde tridimensionnel. Non, ce n'était pas un poisson d'avril, mais un vendredi saint, où selon la croyance chrétienne, Jésus serait mort crucifié.
Doc, être pourtant exceptionnel, n'était pas une nouvelle incarnation de Dieu, mais un modeste représentant des dieux : il ne ressuscita donc pas le troisième jour.

Une vie sauvée trois fois par des chats

En souvenir de notre osmose, Doc a pris quelques miettes de ma personnalité et un fragment de notre vie passée ensemble. Une vie sauvée trois fois par des chats : Misère (1925), Rouquin (1942), et un chat allemand nommé Odin en 1944.
Odin a réservé - Doc me l'a affirmé - un étage du Walhalla aux animaux aussi valeureux que les héros qui, dans l'Au-delà, combattent tout le jour en vue du combat final contre les démons.
N'étant pas un héros, je ne rejoindrai pas Doc dans le palais d'Odin, mais peut-être m'attend-il dans un autre ailleurs en compagnie des chats qui ont emporté un peu de moi-même après m'avoir donné en échange - et eux seuls - de grands moments de joie et de paix intérieure.     Roland BONNET



 


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