Témoignage
LE SAUT DANS LE
VIDE
A demi paralysée, marchant à l’aide de deux
cannes, les vertèbres bloquées, véritable rente viagère
ambulante pour les médecins, n'ayant plus de goût à
la vie, je m'abandonnais peu à peu sans lutte à mon destin.
Pourtant, ce n'était pas mon genre. Je suis plutôt du style
"battante".
Or, voici quelques mois, je lus dans une revue italienne
une petite annonce insolite qui m'intrigua.
« Guérisseur suisse recherche malades volontaires,
abandonnés par la médecine officielle, pour essayer thérapie
inédite. »
Je répondis à l’annonce en gardant une certaine
méfiance. Je domiciliai mon courrier à la poste restante.
Un tout jeune homme
Après un échange de correspondance qui me mit
en confiance, je finis par donner mon téléphone et mon adresse,
et j'eus la surprise de recevoir à Milan la visite d'un tout jeune
homme. Magnétiseur et guérisseur, il exerçait son
art en Suisse, et, devant mon cas tout à fait désespéré,
il me convainquit de tenter la thérapeutique inédite de son
invention.
Il ne m'expliqua pas tout d'abord ce dont il s'agissait.
Il ne me demanda pas d'argent. Il m'emmena lui-même à
Vevey dans sa voiture.
Sous ses directives je subis de nombreux examens dans un
hôpital de Lausanne, examens qui confirmèrent la gravité
de mon mal et son issue inéluctable.
Alors, un soir, dans sa belle maison du bord du lac Léman,
le jeune thérapeute me projeta un film d'amateur pris par lui-même,
où il me montrait en gros plan, d'impressionnants sauts à
l'élastique du haut d'un viaduc désaffecté.
L'effet était saisissant.
- Voilà, me dit-il ! Demain, vous viendrez avec moi
dans l'Oberland bernois et là, vous aussi, vous sauterez dans le
vide ! Après quoi, vous serez complètement et définitivement
guérie !
- Moi ? balbutiai-je ahurie. Vous n'y pensez pas !
- Si ! J'estime que c'est votre dernière chance de
guérison ! Le choc psychologique d'un tel saut vous sera salutaire.
Je suis certain de ce que j'avance !
- Mais, j'ai soixante-neuf ans, mon coeur me lâchera
avant !
- N'ayez aucune crainte de ce côté-là !
Votre coeur tiendra ! Vous avez un organe de centenaire ! Tenez, pour passer
une bonne nuit, vous allez prendre, deux heures après votre dîner,
trois de ces granules homéopathiques.
Je décide de m'enfuir
Le lendemain je me réveillai tôt. Me rappelant
le film et la conversation de la veille, je décidai de m'enfuir
de cette maison de fou. Mais comment faire sans aide ? J'avais beaucoup
de peine à me mouvoir et je n'osai sonner pour appeler une domestique.
A huit heures, le guérisseur m'invita à
déjeuner sur la terrasse ensoleillée. L'endroit était
très beau. Au loin, les montagnes couvertes de neige formaient un
décor de rêve. A nos pieds le lac scintillait sous la brise.
Des cygnes magnifiques passaient sous les saules. Sans me consulter davantage,
le guérisseur me prit par le bras et m'accompagna jusqu'à
sa grosse Mercedes et m’aida à m’installer sur le siège,
mon fauteuil roulant dans le coffre. Deux jeunes gens et une jeune fille
sont de l'expédition. Après un long périple dans la
montagne, nous nous retrouvons dans une vallée étroite, boisée
et très encaissée, avec un torrent tumultueux en contrebas.
Devant nous, un viaduc désaffecté relie les deux pentes de
la montagne. Celui du film de la veille !
Fascinée par cet ouvrage d'art en pierres de taille
jeté par les hommes en travers d’une nature sauvage, je regarde
s'affairer sur le viaduc les jeunes gens qui nous accompagnent. Ils sont
en train d'y installer une sorte de ceinture d'acier brillant au soleil,
à laquelle ils accrochent un long boudin qui se termine en harnais.
Plus je les vois faire, plus mon angoisse grandit.
Le mage se veut rassurant.
Auprès de moi, le mage se veut rassurant.
- Vous verrez, chère Madame, tout se passera bien !
Vous arrivez meurtrie, vous allez repartir d'ici guérie et
vous vous sentirez hirondelle.
Lorsque tout est en place, il m'accompagne sur l'étroite
chaussée du viaduc. Je suis complètement paniquée.
Clopinant au-dessus du vide, appuyée sur mes cannes, soutenue par
son bras, je me sens irrésistiblement gagnée par le vertige.
Soudain, à quelques dizaines de mètres de moi,
un jeune homme harnaché, s'élance dans le vide. La courbure
du viaduc me permet d'assister à cet étrange et fantastique
bond. Quelques secondes plus tard, je le vois danser telle une marionnette
au bout de son filin, cent mètres en contrebas.
Un treuil le remonte. L'autre jeune homme et la jeune fille
sautent à leur tour. Puis le mage lui-même s'élance
dans le vide.
Lorsqu'il a repris pied sur le viaduc, il s'approche de moi,
souriant, décontracté. Quant à moi, je me sens totalement
paralysée, comme si maladie avait envahi tout mon corps. Une véritable
terreur s'empare de moi.
Le thérapeute se fait rassurant, me parle gentiment,
ses beaux yeux bleus me fascinent. Il doit être en train de me mettre
sous hypnose.
Pendant ce temps, les jeunes gens sanglent le harnais sur
ma carcasse docile et tremblante.
Je crois que je vais mourir
Puis soudain, j'ai comme un éblouissement. Je me sens
aspirée par l'espace. Je crois que je vais mourir. Le lit du torrent
se rapproche à toute vitesse. Je vois déjà mon corps
se disloquer sur les rochers qui le bordent. Une brusque tension. Une sensation
d'étouffement. L'apnée. Maintenant c'est l'ivresse, l'extase
de l'envol. Je me sens soulevée par les épaules et propulsée
dans les airs... Je remonte comme une fusée... je plane tel
un oiseau. Je retombe, l'angoisse me reprend. Je rebondis encore...
Lorsque le treuil me remonte lentement jusqu'au parapet,
je me sens ivre.
Une fois en sécurité sur le viaduc, c'est de
moi-même, sans aide, sans béquilles, que je marche résolument
vers la Mercedes.
Je trottine allègrement et je me sens complètement
guérie.
Voici six mois que je marche sans canne, que tous les symptômes
de ma maladie ont disparu !
Maria Vitale - Milan
Souvenons nous aussi de ces paralytiques incurables d'un
hôpital américain dont on raconte qu’ils ont miraculeusement
recouvré leurs forces en échappant aux flammes de l'incendie
qui ravageait leur établissement !
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