VOYANTS, ASTROLOGUES
PROPHÈTES ET DEVINS
EN TERRE D'ISLAM
Albumasar - Al Kindi - Abd-al-Hasan
Ziryab - Al Farabi - Aladin Ali Alvari Al Biruni - Ibn Azra (Avenanus) - Al-Tusi - Ibn Abu Ridshal - Al-Zarkali (Arzachel)
Probablement née en Chaldée
(basse Mésopotamie, aujourd'hui Irak) l'Astrologie essaima vers
la Perse, l'Égypte puis la Grèce d'où elle se répandit
peu à peu à travers l'Empire romain pour s'établir
durablement à Alexandrie. Le Christianisme, malgré une Église
hostile aux sciences divinatoires, l'adopta avec réticence.
Les Arabes ont fortement encouragé
l'astronomie et les mathématiques qui permirent à leurs astrologues
d'accomplir d'immenses progrès. L'invention de l'astrolabe, des
chiffres dits "arabes" importés de l'Inde, l'adoption du zéro
et du système décimal, les fit progresser dans l'établissement
des cartes du ciel par des moyens algébriques. Grâce à
cette technique, ils pouvaient déterminer la position exacte des
"maisons" intermédiaires entre chaque angle du ciel, l'astrolabe
facilitant la lecture directe des pointes de ces maisons.
Si le Coran proscrit explicitement
toutes les formes d'idolâtrie, la croyance musulmane en la prédestination
s'est fort bien conciliée avec les doctrines astrologiques antiques
notamment la croyance dans un déterminisme planétaire et
son influence sur la destinée humaine.
L'Astrologie a donc toujours joui
d'une grande popularité en terre d'Islam comme en atteste "Le Livre
des Nativités" rédigé au XIe siècle par Albumasar
(787-886), l'un des astrologues musulmans les plus réputés.
En réalité, on peut
considérer l'astrologie en terre musulmane comme une Astrologie
savante.
En effet, aidés par la rapide
progression de la langue du prophète de l'Atlantique jusqu'aux confins
de la Chine, les astrologues arabes ont opéré une synthèse
dynamique en rassemblant les différents savoirs de l'époque.
Puisant dans les diverses cultures
rencontrées dans les pays conquis, les astrologues arabes butinèrent
de fleur en fleur, faisant leur miel des éléments empruntés
aux traditions de l'hermétisme, aux néo-platoniciens, à
la gnose, au védanta, s'enrichissant des connaissances ésotériques
des initiés égyptiens, chaldéens, judéo-chrétiens,
hindous.
Dans le monde islamique médiéval,
mathématiques, astronomie et astrologie sont très proches.
Basée sur un savoir astronomique transmis des Grecs aux Arabes,
l'astrologie étudie le mouvement des planètes afin d'expliquer
comment il influe sur le destin des nations et des hommes, affectant leurs
activités quotidiennes.
A l'apogée de son rayonnement,
Bagdad, verra sous le règne de Haroun al-Rachid (766-809), le célèbre
héros des Mille et Une Nuits, Commandeur des croyants, contemporain
de Charlemagne, le triomphe des astrologues.
Le Calife sera leur protecteur attitré
et leur fera construire un observatoire remarquable, où travaillèrent
une pléïade d'hommes de lettres et de sciences, à la
fois astronomes, philosophes, alchimistes, médecins, mathématiciens,
astrologues, ayant légué à l'Histoire une impressionnante
liste de traités divers.
L'histoire de l'astrologie arabe
s'étend des années 750 à 1550 environ et a rayonné
du Moyen et Proche Orient vers l'Afrique du Nord, l'Inde Occidentale, l'Espagne,
la Sicile et, à l'apogée de la conquête sarrasine,
jusqu'au Languedoc.
À l'opposé de l'astrologie
grecque qui fut surtout "utilitaire" et, à quelques exceptions près,
exercée par une majorité d'individus avides et incultes,
l'astrologie arabe fut le domaine réservé des plus grands
et authentiques savants.
Les grands astrologues arabes se
proclamaient héritiers d'une lignée d'initiés remontant
à Hermès trismégiste, prétendant avoir opéré
une synthèse de la philosophie grecque et de l'expérience
spirituelle hébraïque et égyptienne. lls empruntèrent
aux prêtres persans et aux initiés chaldéens antiques
l'idée d'un temps cyclique indissociable d'une conception astrologique
hermétiste. Ils perfectionnèrent les horoscopes mis au point
par les Grecs tout en les accompagnant d'une méthodologie rigoureuse.
Contrairement à la religion
musulmane, l'astrologie arabe n'est pas fataliste. Ses adeptes ont repris
une ancienne tradition égyptienne celle des amulettes astrologiques,
pratique nouvelle qui se développa beaucoup en Occident au Moyen-Age.
ALBUMASAR OU ALBUMAZAR
(Abu Ma' Shar Al Balhi - Ahmad
Abu Machar)
(787 - 886)
Albumasar fut l'un des plus célèbres
astronomes et astrologues du monde musulman. Ami et disciple d'Al-Kindi,
il est né à Balkh (aujourd'hui en Afghanistan). La tradition
voudrait qu'il se soit converti au christianisme.
En tant qu'astrologue, il a joui
d'une renommée considérable, durant tout le Moyen-Age, renommée
dépassant les limites du monde musulman.
Sous son influence, l'astrologie
prend le nom de El hakam el noud'joun ou «jugement
des étoiles».
Ce fut lui qui popularisa le «système
des parts » qui permettait, par exemple, de prévoir «
la part de la Fortune» réservée à chaque homme
dès sa naissance.
Son De magnis conjunctionibus
(Des grandes Conjonctions) relate en effet la plus ancienne description
des quatre-vingt-dix-sept parts qui seront reprises et décrites
en détail dans le Liber astronomiae de Guido Bonatti au 13e
siècle, reflet de la pratique astrologique au Moyen Age.
Albumasar soutenait que le monde
a été créé lorsque les sept planètes
étaient en conjonction dans le premier degré du Bélier,
et prendrait fin quand cette même conjonction se reproduirait dans
le dernier degré des Poissons.
Pour l'astrologue de Balkh, le passage
de Saturne dans les signes cardinaux, selon un cycle d'environ 300 ans,
correspond aux grands tournants politiques et religieux. Sans préciser
de date, Albumasar signale Alexandre-le-Grand, Jésus-Christ, Manès
ou Mani (manichéisme), Mahomet, ce qui correspond effectivement
à des dates espacées en gros de trois siècles et prévoit
les Croisades et la reconquête de Jérusalem.
Ainsi, dès le IXe siècle,
Albumasar avait calculé que «l'année mil sept cent
quatre-vingt-neuf serait féconde en révolutions sociales»,
à cause de l'une des grandes conjonctions de Saturne.
Dans la seconde partie de son De
magnis conjunctionibus, il prédit que lorsque la conjonction
des planètes se produira dans la « triplicité de feu
», les habitants d'Orient auront puissance et victoires sur les autres
habitants de la terre. Nous n'en sommes plus très loin !
De cette triplicité, Sagittaire
est le signe le plus influent et le Lion (céleste) moyennement et
le Bélier faiblement. Il faut savoir que selon la tradition chaldéenne,
les planètes demeurent dans une triplicité (par 12 fois en
y faisant leur conjonction) l'espace d'environ 240 ans.
Une des rares anecdotes marquantes
de sa vie qui nous soit parvenue et qui fit beaucoup pour sa renommée,
fut qu'en 812, âgé de 25 ans, Albumasar prédit que
les Alides, partisans d'Ali, le 4e calife, se rendraient maîtres
de toutes les villes saintes de l'Islam, ce qui advint en 814, deux ans
plus tard.
Principaux ouvrages:
-
La Grande introduction à
la science de l' astrologie (Kitab al Madkhal al-Kabir'ala'ilm ahkam
al nujum)
-
Le Livre des conjonctions (Kitab
al qiranat)
-
Le Livre des révolutions
des années du monde (Kitab Ahkam tahawil sinil-mawalid )
-
Le Kitabal-Uluf : abrégé
d'astrologie persane, indienne et grecque où il évoque la
légende des trois Hermès.
-
Le Livre des nativités
-
Les Fleurs de l' Astrologie. Cet
ouvrage figure parmi les trois premiers livres imprimés par Gutenberg.
ABD AL-HASAN ZIRYAB ou ZIRIYAB
(ou Ali ibn Nâfi)
(Bagdad 789 - Cordoue v. 857)
Chanteur et musicien irakien du IXe siècle, Ziryab, esclave persan affranchi, appelé le "Merle noir" pour son teint foncé, fut présenté à la cour du Calife Haroun al-Rachid par son maître, Ishak al-Mawsili (767-850).
On dit qu'à l'âge de douze ans, Ziryab savait déjà chanter à merveille et jouer de l'ud*. A 19 ans, il améliora cet instrument d'origine persane, le "barbat", en lui ajoutant une cinquième corde et des barrettes. Ce luth à 5 cordes, à manche court, sans touche, à la caisse en forme d¹amande fut considéré dans tout l'Orient comme le roi des instruments de la musique savante.
* luth : ud signifie bois.
Le monarque séduit par sa voix d'or et ses mélodies originales, le combla de cadeaux somptueux. En quelques années, le prestige du jeune chanteur surpassa celui d'Ibrahim al Mahdi "le rossignol kurde (743-806), le plus célèbre musicien du royaume. Son maître Ishak al-Mawsili en prit ombrage et succombant à la jalousie le menaça de prison ou de mort.
Il choisit l'exil
Ziryab choisit l'exil, quitta Bagdad pour Kairouan (Tunisie) où fêté comme à Bagdad, il s'attira les foudres de l'émir pour un poème frondeur.
Après un bref séjour au Maroc, il s'établit à Cordoue en 822, où le Calife omeyade Abd al-Rahmân II l'accueillit princièrement et le traita avec les plus grands honneurs.
Ali ben Nâfi reçut deux cents pièces d'or par mois, d'abondants dons en nature, des maisons, des jardins et des champs valant une fortune.
Ziryab avait un goût certain pour le luxe. Il introduisit à Cordoue des modes vestimentaires venues de Bagdad et les notables imitèrent son élégance et ses manières distinguées. C'est aussi lui qui fit découvrir le jeu d'échecs et le jeu de polo en Espagne.
Musicien de génie
À son arrivée à Cordoue, il créa une école de musique, premier conservatoire d'Europe ouvert à tous, financé par la cassette du Calife. Inventeur d'un style musical raffiné qui fit le succès de la musique arabo-andalouse, Ziryab, artiste de génie, eut à son actif bien d'autres inventions artistiques majeures.
Chanteur, il mit au point les techniques poétiques et vocales tel le Muwashsha ou Zagal qui donnèrent naissance au flamenco. Compositeur, il créa un millier de poèmes mélodiques qui seront joués et chantés en Andalousie et dans tout le bassin méditerranéen.
Ali ben Nâfi fut également le créateur de la nouba, suite de pièces vocales et instrumentales organisée en neuf mouvements qui, exécutée dans son intégralité, correspondait à un cérémonial de cour (entrée du roi, défilé des dignitaires, etc). Nouba veut dire "attendre son tour" : ainsi chaque musicien attendait son tour pour chanter devant le calife.
Ziryab introduisit dans les churs de la nouba des "chanteurs n'ayant pas mué", ces fameux castrats dont la voix angélique charmera les mélomanes jusque à Rome, dans la chapelle pontificale.
Technicien précis, Ziryab codifia le chant, limitant les improvistions. Pédagogue, il fit travailler ses élèves en les initiant à la pratique des vocalises.
Musicien extraordinaire, il va explorer et tenter d'assimiler les musiques du Nord, les romanceros profanes, les musiques religieuses chrétiennes comme le chant grégorien qu'il transposera dans le malouf.
Une mémoire prodigieuse
Grâce à sa prodigieuse mémoire, c'est par lui que des milliers de chansons orientales de lointaine origine gréco-persane entrèrent en Andalousie.
Mais Ziryab se révéla aussi un fin lettré, un poète précieux, qui perfectionna le sawf, délicat poème monorime. Il fut un conteur intarissable.
La musique arabo-andalouse sera fortement inspirée par son uvre et les techniques qu'il a développées.
C'est encore Ziryab qui introduit à la cour le système des noubas, fondement de la tradition musicale andalouse. Nouba veut dire "attendre son tour". Chaque musicien, en effet, attendait son tour pour chanter devant le calife. Indissociable de la danse, la nouba est une suite de pièces vocales et instrumentales dont le nombre de mouvement et de pièces, basé sur les modes, s'est enrichi au fil des siècles.
Ziryab jouit d'une grande influence
Grâce à son excellente mémoire, il savait par cur plus de dix mille chansons et leurs mélodies correspondantes.
Considéré comme le meilleur chanteur de l'Espagne musulmane et l'auteur de réformes ayant profondément marqué l'art musical de l'époque, Ziryab est devenu l'idole des foules.
Arbitre des élégances
Par son charisme et son talent, il devint l'arbitre de l'élégance d'Al-Andaluz, y révolutionna les modes vestimentaires et la cosmétique. Il imposa à la Cour l'art raffiné de la cuisine irakienne, celle des Mille et Une Nuits, et un ordre protocolaire strict pour l'ornement de la table et l'ordonnancement des mets.
Par son charisme et son talent, il devint l'arbitre de l'élégance d'Al-Andaluz, y révolutionna les modes vestimentaires et la cosmétique. Il imposa à la Cour l'art raffiné de la cuisine irakienne, celle des Mille et Une Nuits, et un ordre protocolaire strict pour l'ornement de la table et l'ordonnancement des mets.
C'est au raffinement de Ziryab et à ses préceptes que l'on doit le remplacement des nappes en lin par celles de cuir ouvragé et celui des gobelets d'or ou d'argent par les coupes cristal.
Il apporta également dans une société musulmane réputée austère et fermée, surtout celle des femmes, et plus particulièrement aux recluses des harems et à leurs eunuques, les recettes secrètes de la magie et de la divination chaldéenne.
Si en terre musulmane la divination
est réprouvée par la religion, l'astrologie traditionnelle
reste l'apanage des devins professionnels attachés aux grands de
ce monde (un émir ne prend une grande décision, ne signe
un traité ou n'entre en campagne qu'au jour et à l'heure
propice prescrite par son astrologue).
Magie pratique et Astrologie populaire
Fort de sa célébrité, Ali ben Nâfi offrit à ses admiratrices une magie pratique et une astrologie populaires moins obscures et moins savantes mais plus intimes que celles de ses confrères, sans renoncer à ses connaissances astronomiques et mathématiques. Ses prédictions chantées, accompagnées de son luth, étaient un régal pour ses auditrices.
Ziryab, au courant de tous les secrets
de la cour, eut une grande influence sur l'Émir Abd al-Rahmân
II et fut un de ses confidents et conseillers les plus écoutés.
La petite
histoire lui attribue de nombreuses bonnes fortunes, tant féminines
que masculines.
Sources :
Al-Tifashi, Ibn Khaldoun, Idriss Belajoun Kitab al-musiqi al Kabir, le Grand Livre de la Musique, d'Al-Farabi.
AL FARABI
(Abu Nasr Muhammad ou Wasidji
Farab)
(Wasidj près de Farab
au Turkestan en 870 mort à Damas en 950)

Il fut l'un des esprits les plus
brillants et les plus cultivés de tous les temps. Initié
à Bagdad par des penseurs chrétiens nestoriens, imprégné
de philosophie grecque, Al Farabi fut le trait d'union entre la pensée
grecque et l'Islam. Il estimait qu'Aristote et Platon, malgré leurs
divergences, avaient apporté au monde la vérité universelle
(philosophia perennis) seule capable d'éclairer et de résoudre
les problèmes philosophiques qui se posaient aux penseurs musulmans.
Al Farabi exerça une forte influence sur Avicenne, Avempace et Averroès.
Philosophe mystique, il proposa à ses pairs une philosophie du "bonheur"
qui tranchait avec le pessimisme inhérent à la religion chrétienne.
Ce fut au cours d'une nuit dans
le désert que l'ange Gabriel lui apparut et qu'il eut la vision
extraordinaire de tout l'avenir du monde, de l'instauration sur terre de
la Cité juste, du Royaume de la joie et du bonheur. Depuis cette
expérience mystique, Al Farabi vécut en parfaite harmonie
avec le monde, prévoyant en toutes circonstances les événements
avant qu'ils ne surviennent.
Conseiller et astrologue de l'émir
hamdanide Sayt al-Dawla d'Alep, il fut souvent appelé en consultation
par les grands et les puissants de l'époque. Il nous a laissé
de nombreux ouvrages.
AL KINDI (ALKINDUS)
(Abû Youssouf Ya'qûb
Ibn Ishâq Al-Kindi )
(Koufa 800 - Bagdad 873)

Abû Youssouf naquit vers 800
après J.-C. sous le Califat de Haroun-al-Rachid, à Koufa
(Al-Kûfah en Irak), ville qui avait été la première
capitale abbasside. Son père ayant été nommé
gouverneur de Bassora, la famille s'établit dans cette cité
proche du golfe persique. Al-Kindy y effectua ses premières études
avant d'aller les poursuivre à Bagdad.
Al-Kindi vécut sous les califats
de plusieurs souverains: Abdallah al-Mamoun (813-833), Al-Mutasim (833-847),
Al-Mutawakkil (847-861), époque privilégiée durant
laquelle la culture musulmane atteignit un développement extraordinaire.
Dans tous les domaines de la philosophie, des arts et des sciences, cette
époque faste bouillonna d'idées, de dynamisme et se permit
toutes les audaces.
Tout en adoptant les principes de
la science grecque qu'il fut l'un des plus éminents savants à
traduire en arabe, Al-Kindi poursuivit en ces matières une réflexion
personnelle et originale: il veut à la fois transmettre le travail
des Anciens mais aussi le compléter et l'épurer. Pas question
pour lui de faire du sur place, de laisser le savoir se scléroser,
se momifier. Il n'oppose pas la science à la philosophie ni la philosophie
à la foi.
Pour Al-Kindi, les mathématiques,
la physique et les autres sciences naturelles sont des sciences vivantes
nécessaires au développement de la philosophie et de la religion
au même titre que la logique.
Philosophe et mathématicien
Abû Youssouf sera donc philosophe,
mathématicien, physicien, astronome, médecin, géographe,
expert en musique etc., acquérant un savoir encyclopédique
universel. En plus des sciences traditionnelles, il exerça son intelligences
aux domaines les plus variés comme l'astrologie, les rêves,
la météorologie, l'optique, la pharmacologie, l'étude
des marées, la cryptographie.
Reconnu comme le premier et le plus
grand philosophe arabe, sa renommée rayonna dans tout le monde antique.
Il vécut à la Cour, honoré par les Califes successifs,
qui lui confièrent des charges souvent importantes: précepteur
du prince héritier, traducteur diplomatique, astrologue privé,
conseiller politique.
Protégé des
Califes
Il fut notamment le protégé
d'Al-Mamoun (Calife de 813-833) le plus jeune fils d'Haroun Al-Rachid,
(qui accéda au Califat après qu'il eut tué son frère).
Al-Kindi remplit auprès du souverain, entre autres missions délicates,
celle de cryptographe, chargé de coder et de décoder les
courriers secrets.
Al-Mamoun fonda en 832 une académie
royale appelée La Maison de la Sagesse (Beit Al Hikmat) Il confia
à Al-Kindi le soin de choisir les ouvrages dignes d'entrer dans
la bibliothèque, de faire traduire les uvres grecques, latines,
persanes ou sanskrites en arabe. Cette bibliothèque devait devenir
l'une des plus importantes du monde après celles d'Alexandrie et
de Byzance.
Le rêve d'Al-Mamoun
En temps que conseiller privé
d'Al-Mamoun, Al-Kindi avait accès auprès de lui de jour comme
de nuit. La petite histoire a retenu l'anecdote suivante :
Le Calife ayant reçu la visite
du philosophe grec Aristote en rêve raconta dès son réveil
son étrange songe à son conseiller. Selon le récit
du Calife, Aristote, vénérable vieillard, chauve, les sourcils
joints, le teint pâle, vêtu d'une robe blanche, se serait paisiblement
assis près de sa couche.
Al-Mamoun interrogea le philosophe
grec sur le Bien. Aristote disserta alors longuement sur ce vaste sujet,
à la manière d'un de ces théologiens rationalistes
musulmans appelés mutazilites, expliquant que la raison ('aql) doit
être placée au-dessus de la révélation et de
la foi religieuse (charia), tout en assurant qu'il n'y avait pas de différence
intrinsèque entre la raison et la loi religieuse, toutes deux émanant
du Dieu unique régissant l'univers.
La révélation
au-dessus de la philosophie
Tout en affirmant que les thèses
essentielles de la philosophie et de la religion étaient en harmonie,
Al-Kindi plaçait néanmoins la révélation au-dessus
de la philosophie et les intuitions prophétiques au-dessus de la
raison, n'adoptant jamais tout à fait l'idéologie mutaziliste.
En effet, - par prudence ou par
conviction - si Al-Kindi opposait la lumière de la philosophie à
l'obscurantisme religieux, il refusa les thèses des philosophes
grecs, dès lors que leurs idées entraient en conflit avec
la révélation du Coran.
La fin de l'âge d'or
La mort d'Al-Mamoun en 833 annonça
la fin de l'âge d'or de l'Islam.
Abou Ishak al-Moutasim succéda
à son demi-frère à l'âge de 37 ans. Il régna
9 ans (833-842). Fils d'Haroun al-Rachid et d'une esclave turque, il vainquit
les Byzantins, protégea les mutazilites et, n'ayant plus une très
grande confiance en son armée arabe, s'entoura d'une garde turque
dont le chef prit le nom de "Sultan". Sur son conseil il quitta Bagdad
devenue peu sûre et transféra sa résidence à
Samara.
Aux yeux de l'histoire, ce fut une
erreur car l'influence grandissante des Turcs entraîna la perte d'autorité
des souverains abbassides. Tout en se livrant à ses études
et travaux personnels, Al-Kindi demeura le conseiller privé du Calife
Moutasim et le précepteur de son fils Haroun (qui régna de
843 à 847), dont il devint le collaborateur de confiance à
la mort de son père.
La prédiction d'Al-Kindi
En l'an 840, Al-Moutasim, en butte
à de nombreuses difficultés et sentant le pouvoir lui échapper,
demanda à Al-Kindi de dresser son horoscope et celui de sa descendance.
Le compte rendu de cette étude ne nous est parvenu que par le biais
d'une tradition orale recueillie 100 ans plus tard par l'historiographe
damascène Ali Hassan Boulassam.
Al-Kindi aurait lu dans les astres
la prochaine décadence du Califat, de la perte de son unité,
du transfert du pouvoir vers Damas puis vers l'Égypte et l'Occident,
suivi de la fulgurante ascension de l'Empire Turc qui allait connaître
à son tour une inéluctable érosion. Il annonça
le début de la renaissance de l'Islam pour l'an 1379 de l'Hégire
(2001).
Disgrâce
Sous le règne de Djafar al-Moutawakkil
(Calife de 847 à 861), restaurateur brutal de l'orthodoxie sunnite,
Al-Kindi fut relégué par le nouveau souverain à un
poste subalterne: calligraphe officiel de la Cour. Ses opinions philosophiques
et religieuses proches de la théologie spéculative mutazilite
qui affirmaient le libre arbitre de l'homme, déplurent au souverain.
Il tomba en disgrâce et Al-Mutawakkil confisqua tous ses livres (848).
Ils lui furent néanmoins rendus plus tard, peu avant sa mort. Al-Kindi
mourut en 873, sous le règne d'Al-Mutamid.
Al-Kindi savant, philosophe
et croyant
Touche-à-tout de génie,
Al-Kindi étudia passa au crible toutes les connaissances de son
époque.
En mathématiques, il contribua
largement à l'élaboration du système de numération
dit "arabe" développé par Al-Khawarizmi (780-850) emprunté
aux Hindous via la Perse. Al-Kindi rédigea quatre livres sur le
système numérique, posant les assises de l'arithmétique
moderne. En outre, il participa au développement de la géométrie
sphérique indispensable aux études astronomiques.
Al-Kindi a écrit quatre livres
sur le système des nombres et ses travaux ont permis la création
de l'arithmétique moderne.
En chimie, il s'opposa à
l'idée de transmutation chère aux alchimistes qui affirmaient
que des métaux aussi vils que le plomb ou le fer pouvaient être
transformés en métaux précieux grâce à
des réactions chimiques secrètes, induites en agissant sur
leurs éléments.
En physique, il apporta une riche
contribution à l'optique géométrique et rédigea
un livre sur ce sujet, ouvrage qui inspira par la suite d'éminents
scientifiques tels que Roger Bacon.
Prescription des ordonnances
en médecine
En médecine, son incontournable
contribution réside dans le fait qu'il fut le premier à déterminer
la précision du dosage des médicaments administrés
aux malades, prenant ainsi le contrepied de l'anarchie qui régnait
jusqu'alors dans la prescription des ordonnances chez les médecins
de son temps.
C'est en homme de science qu'Al-Kindi
étudia la musique et les sons, à partir d'observations et
d'expérimentations personnelles. Il constata que la pleine harmonie
naît de la juxtaposition et de la répétition des notes
dans un certain ordre et dans un certain registre, que les notes trop hautes
ou trop basses contrarient le plaisir de l'écoute. Il mit aussi
en évidence qu'en se propageant dans l'air un son génère
des vagues sonores qui font vibrer le tympan. Il fut l'un des premiers
à établir une notation précise de la hauteur des sons.
Écrivain prolifique
Écrivain prolifique on attribue
à Al-Kindi 241 livres, dont la plupart sont aujourd'hui perdus.
Abû Youssouf, en effet, écrivit
sur à toutes les sciences connues, y compris l'astrologie, mais
il ne croyait pas en l'alchimie qu'il réfuta dans ses écrits.
On a retrouvé récemment en Mauritanie un curieux manuscrit
attribué sans conteste à Al-Kindi, faisant le bilan de tous
les procédés de divination connus à son époque,
et dressant la liste des diverses mancies en usage chez les différents
peuples de l'antiquité.
Il rédigea également
plusieurs monographies concernant les marées, les instruments d'astronomie,
les roches, les pierres précieuses et autres.
OEUVRES QUI NOUS SONT PARVENUES
:
-
Risâlat Dâr At-Tanjîm
(Lettre de l'Observatoire)
-
Ikhtiyarât Al-Ayyam (Les Choix
des Jours)
-
Ilâhiyyât Aristou (Théodicée
d'Aristote)
-
Al-Mûsîqâ (La
Musique)
-
Madd wa Jazr (Marée haute
et Marée basse)
-
Adwiyah Murakkabah (Remèdes
préparés).
SOURCE :
Ali Hassan Boulassam - Ibn Al-Nadim
- Jean-Jacques Norbert
AL-BIRUNI
Abu al-Ryhan al-Biruni
(973-1050)

Al-Biruni est né en 973 à
Kath, près de Hawarizm, capitale du Khwarizm ou Kharezm (aujourd'hui
Ouzbékistan) et décéda à Ghazni (Afghanistan)
en 1050. Cette région d'Asie centrale fut envahie par les Arabes
en 712 puis par les Turcs en 999. Ces derniers furent des conquérants
moins brutaux, éclairés, protégeant les arts et les
sciences.
Selon Mohamed Souissi, "biruni"
signifie étymologiquement celui qui habite en dehors du périmètre
de la ville (en langage moderne on dirait : "le banlieusard"), d'où
le nom Al-Biruni.
Issu d' une famille d'artisans pauvres
- il fait lui-même allusion à la gêne qu' il connut
dans son enfance, et parle de sa mère en la désignant comme
« porteuse de bois ».
Ce milieu modeste mais actif lui
donna très jeune le goût des choses solides et des activités
concrètes, et un vif intérêt pour les sciences.
Son maître, le mathématicien
Abu Nasr Mansur al-Djilani favorisa chez lui ce penchant et guida ses premiers
pas.
Très sociable, curieux de
tout, se liant facilement, le tempérament d'Al-Biruni le portait
à rechercher et à cultiver les contacts humains plutôt
que de rester confiné dans une école à se nourrir
de spéculations intellectuelles.
La situation privilégiée
de sa ville natale à un carrefour où se croisaient les caravanes
de marchands, de voyageurs et d'hommes de science, lui permit d'apprendre
auprès d'eux ce qui se passait ailleurs dans le monde et de nouer
des relations fructueuses.
Kériakès, un
médecin et botaniste grec
La rencontre de Kériakès,
un médecin et botaniste grec ayant de bonnes connaissances des choses
de la nature fut décisive. Il herborise dans la campagne alentour
en sa compagnie, apprenant à identifier les plantes, à dissocier
les vénéneuses des médicinales, les aphrodisiaques
des stupéfiantes. C'est de lui qu'il apprit le grec ce qui lui permit
de lire dans le texte, les ouvrages de Dioscoride, Galien, Oribase, Paul
d' Égine.
Al-Biruni apprit à parler
et à écrire plusieurs langues : le sogdien*, l'arabe, le
turc, le persan, le syriaque, l'hébreu et le grec. Plus tard, il
apprit le sanscrit et divers dialectes de l' Inde. Son insatiable curiosité
portait sur tous les phénomènes de la nature, les murs,
les civilisations et l'ensemble des activités humaines.
* Le sogdien est une langue iranienne
qui joua entre le IV et le Xe siècle le rôle d'une véritable
langue internationale.
Al-Biruni, devenu plus tard l'un
des très grands noms de la science, mena jusqu'à l'âge
de 22 ans une vie paisible consacrée à ses chères
études et à ses travaux. Mais une guerre civile éclata
dans la région qui l'obligea à fuir.
En 995, Al-Biruni effectue des mesures
astronomiques dans le sud du Khwarizm, sur la rive gauche de l' Amou Darya,
avec des instruments dont l'importance semble prouver qu' il travaillait
pour un observatoire officiel.
Al-Biruni effectue un court séjour
dans sa ville natale, en 997. En effet, le 24 mai de cette année,
il est de retour à Kath pour y observer l'éclipse de Lune,
tandis que son confrère Abul al-Wafa faisait simultanément
de même à Bagdad. La différence de temps entre ces
deux observations leur permettra de calculer la longitude exacte des deux
villes.
Il se rend ensuite (997-999) auprès
du sultan samanide Mansour II Nuh, dont il a dit que ce fut son premier
bienfaiteur.
Mais des troubles ont lieu dans
le pays : le prince de Gurgandj, Mahmoun Muhammad, renverse l'ancienne
dynastie et prend le titre de Khwarizm shah.
Al-Biruni quitte alors son
pays
Le jeune savant séjourne
à Rayy où il étudie les uvres de Rhazès avant
d'écrire sa biographie, puis à Djurdjan (en 998) où
il est reçu à la cour de Qabus dont il devient l'astrologue
et qui l'honore de son amitié.
Pendant son séjour à
Djurdjan, au sud-est de la Caspienne, Al-Biruni s'intéresse à
la mesure exacte du degré du méridien terrestre.
Djurdjan était un centre
intellectuel animé où cohabitaient de nombreux savants et
un nombre encore plus grand de bateleurs et de charlatans.
Zététicien avant la
lettre, Al-Biruni écrit un opuscule critique: Avertissement contre
l'art de faire illusion que sont les jugements astrologiques et l'ouvrage
Livre des soleils guérisseurs des âmes mettant en garde
contre la croyance établissant la durée de la vie humaine
uniquement sur la conjonction des astres et la situation des planètes
à l'instant de la naissance.
Dans son Histoire des Mubayyida
et des Qarmates," il vitupère les "pseudo-prophètes"
tandis que dans le Livre des merveilles de la nature et des étrangetés
de l'art il disserte sur les incantations, les charmes et les talismans.
Il revient dans sa patrie
Le renversement de Qabus (1012)
l'oblige à repartir sur les routes et Al-Biruni revient s'établir
dans sa patrie dont le souverain Abul Abbas Mamoun le prend comme conseiller
et soutient financièrement ses travaux.
Al-Biruni devait jouer un rôle
politique important sous le règne (1010-1017) d'Abul Abbas Mamoun
pour lequel il accomplit quelques missions délicates. Collaborant
avec le frère du monarque qui l'appréciait pour "sa langue
d'or et d'argent", il fut officiellement l'astrologue personnel du souverain.
Nous connaissons un peu ce que fut
son activité politique et diplomatique à cette époque,
grâce à quelques extraits de son Histoire du Khwarizm
qui sont parvenus jusqu'à nous. Son action visait avant tout à
maintenir l'indépendance de son pays, menacée par une aristocratie
militaire, soucieuse de ses seuls intérêts.
Durant ces années, Al-Biruni
écrit alors son traité sur les poids spécifiques de
différents métaux et pierres précieuses.
De cette époque date également
sa correspondance avec Avicenne sur des questions de physique et de philosophie
de la nature (question du vide, de la propagation de la chaleur, de la
dilatation des corps, de la réflexion et de la réfraction
de la lumière).
Il y critique l'application à
la physique des thèses spéculatives issues de la philosophie
d'Aristote, mais, selon son habitude, il prend un ton très polémique
et Avicenne cesse de répondre à ses courriers.
Prisonnier de Mahmud le Ghaznévide
La guerre ravage à nouveau
la contrée et, en 1017, Mahmud le Ghaznévide annexe le Khwarizm
après avoir tué Abul Abbas Mamoun et toute sa famille mâle.
Al-Biruni est emmené enchaîné à Ghazna (Afghanistan)
où il sauve de justesse sa tête, après avoir été
dénoncé comme sympathisant qarmate. (Secte ismaélienne
fondée par Hamdan Qarmat, paysan irakien, communiste avant la lettre,
qui prônait un égalitarisme social. L'insurrection des Qarmates
faillit, au Xe siècle, renverser le califat abasside.
Malgré le dur traitement
auquel il est soumis et son statut de prisonnier, Al-Biruni est autorisé
à poursuivre ses travaux grâce à la protection d'un
vizir lettré, qui apprécie son intelligence et sa culture.
Si sa situation reste difficile
Al-Biruni se voit souvent appelé à la cour où Mahmud
a recours à ses conseils éclairés et le consulte en
tant qu'astrologue.
Astrologue officiel
Sans lui rendre sa liberté,
Mahmud finit par le considérer comme son astrologue officiel et
l'emmène dans ses expéditions au cours desquelles le savant
peut enrichir ses connaissances. Il effectue ainsi plusieurs voyages en
Inde dont il tirera une intéressante étude de la civilisation
indienne sous tous ses aspects : coutumes, langues, sciences et géographie.
Il y enseigne la science grecque,
traduit des ouvrages indiens en arabe et dirige ou réalise lui-même
des traductions en sanscrit des Éléments d' Euclide,
de L'Almageste de Ptolémée, et d' un de ses propres
livres sur l' astrolabe.
De la même époque date
son ouvrage : Livre de la fixation des limites des lieux, manuel
de géographie qui présente aussi un grand intérêt
paléontologique et géologique, et qui contient un projet
de construction d'un canal entre la Méditerranée et la mer
Rouge.
Il écrit aussi pour le souverain
un curieux ouvrage : Le Livre pour faire comprendre les principes de
l'astrologie dans lequel tout en exposant les bases de cette discipline
il en décrit les limites.
A la mort de Mahmud
Lorsque Mahmud meurt en 1030, son
fils Massoud prend sa succession. Al-Biruni est alors toujours officiellement
prisonnier mais la surveillance dont il est l'objet se relâche et
il peut désormais se déplacer plus librement.
Il dédie au prince son monumental
ouvrage d'astronomie: Al-Qanun al-Massudi (Le Canon...), terminé
en 1066. Dans son manuel, Al-Biruni suit l'incontournable Ptolémée,
mais s'en écarte sur plusieurs points : il affirme, par exemple,
que l'apogée du Soleil n'est pas immobile.
S'il admet le géocentrisme,
il montre cependant que "les faits astronomiques peuvent tout aussi bien
s'expliquer à partir de l'hypothèse que la Terre tourne autour
du Soleil". On lui doit du reste un traité sur le Repos de la
Terre et son mouvement.
Vers la fin de sa vie, Al-Biruni
composa un petit ouvrage en partie autobiographique qui fait le bilan de
ses propres úuvres. Il y parle de ses espoirs de jeunesse, de ses controverses,
de ses difficultés, de ses prisons, de ses enthousiasmes, de ses
maladies.
La lecture de cet ouvrage peu connu
nous permet d'entrevoir la volonté et la ténacité
qu'il a déployées et qui l'ont soutenu à travers les
aléas de son existence.
Avant de s'éteindre, il consacre
un ouvrage à la minéralogie: Recueil des pierres précieuses
et écrit le Livre des drogues médicinales.
Al-Biruni meurt à Ghazna
en 1050, connu et admiré par les plus grands savants de son époque.
Une úuvre considérable
Parmi la somme considérable
d'écrits qui lui sont attribués (on parle de quelques 13
000 pages de texte), un grand nombre traitent de l'astronomie et de l'astrologie.
Mais l'intérêt d'Al-Biruni ne se limita pas à ces domaines.
Il a également écrit des traités de mathématique,
des études portant sur l'astrolabe, l'optique, la géographie,
la minéralogie, la médecine, la mécanique, la chronologie,
l'histoire et la philosophie.
Selon quelques auteurs, les premiers
lecteurs occidentaux des ouvrages d'Al-Biruni parvenus en Europe chrétienne
trouvent ses écrits confus, ardus, voire ésotériques.
Les savants se seraient alors moqués de leur contenu et, par dérision,
Al-Biruni fut affublé du sobriquet de Maître Aliboron, que
l'on retrouve dans les fables de La Fontaine, pour signifier une personne
ignare et, par là, un âne :
LES VOLEURS ET L'ÂNE
(fable XIII)
Pour
un âne enlevé, deux voleurs se battaient :
L'un voulait le garder; l'autre
voulait le vendre.
Tandis que coups de poing trottaient,
Et que nos champions songeaient
à se défendre,
Arrive un troisième larron
qui saisit maître Aliboron.
(...)
Oeuvres :
-
Avertissement contre l'art de faire
illusion que sont les jugements astrologiques
-
Livre des soleils guérisseurs
des âmes
-
Histoire des Mubayyida et des Qarmates
-
Livre des merveilles de la nature
et des étrangetés de l'art
-
Histoire du Khwarizm
-
Livre de la fixation des limites
des lieux
-
Le Livre pour faire comprendre les
principes de l'astrologie
-
Le Canon..." Al-Qanun al-Massudi"
-
Recueil des pierres précieuses
-
Livre des drogues médicinales
Sources :
A. M. Belenitski - R. Wright
- Mohamed Souissi - Bert Frölicher
http://www.ifrance.com/Farabi/biruni.html
ALADIN ALI ANVARI
(Khorasan 1126 - Balkh 1190)
Anvari, célèbre poète
et astronome persan a fait ses études à la madrasa de Tun
(aujourd'hui Firdaus). Il vécut quelques années à
la cour du sultan Sandjar, dont il fut le conseiller et l'astrologue.
Le Divan d'Anvari demeure
l'un des plus célèbres recueils poétiques de toute
la littérature persane. Il regroupe plus de 13 000 élégies,
odes et quatrains.
Passionné d'astrologie, il
prédit pour octobre 1186, année où 7 planètes
seraient en conjonction dans la Balance, un grand ouragan arrachant les
forêts et ébranlant les montagnes, provoquant calamités
et désastres dans le monde.
La plupart de ses confrères
partageaient sa manière de voir, car si cet exceptionnel rassemblement
planétaire se révélait exact, la tradition voulait
qu'il soit suivi d'un tel cataclysme.
Rien ne se passa comme prévu
Mais, au jour, dit les éléments
ne se déchaînèrent pas comme prévu et l'effet
physique qu'Anvari en attendait ne se produisit pas. L'ouragan prédit
n'arrivant pas, Anvari fut la risée de ses contemporains et dut
quitter Merv pour Nishapur puis Balkh en Bactriane (aujourd'hui Afghanistan)
où il finit ses jours.
Pourtant, avec le recul du temps,
- et comme le remarque Néroman dans sa Grande encyclopédie
des Sciences occultes - on doit reconnaître que s'il n'y eut pas
de tempête au jour prédit, ce fut un cyclone d'une toute autre
nature mais tout aussi dévasteur qui survint. En effet, 1186 fut
l'année même où le conquérant Gengis Khan prit
son envol et se jeta à la conquête de la Mongolie, de la Chine,
de la Perse, avant d'envahir tout le continent, ravageant tout sur son
passage.
Nouvelles catastrophes
La même terrifiante prédiction
de catastrophe universelle devant se produire en l'an 1236, (année
où toutes les planètes seront réunies dans le signe
du Bélier), circula dans le monde chrétien suite aux prédictions
de Jean de Tolède. Les populations se terrent, les églises
se remplissent.
Curieusement, ce fut en l'an 1236,
que Batou, petit-fils de Gengis khan reçut de son oncle le commandement
d'une armée de 150 000 cavaliers pour conquérir la Russie.
Batou ravagea la Russie, brûla Vladimir et Moscou, conquit Kiev et
approcha de Vienne.
Une même panique se reproduisit
en 1524.
AL TUSI
(Nasir al-Din ou Aladin Al-Tusi)
(Muhammad ibn Muhammad ibn al-Hasan
Al-Tusi)
(Né à Tus Khorasan
(Iran) 1201 - mort en 1274 près de Bagdad en Irak)

Fils d'un père juriste chiite
et d'un oncle passionné de mathématiques et de sciences physiques.
Souhaitant devenir un homme de savoir, Al-Tusi fit de bonnes études
traditionnelles dans une école religieuse tout en étudiant
en parallèle les mathématiques, sous la houlette de son oncle.
Al-Tusi avait 13 ans lorsque, en
1214, Genghis Khan entreprit la conquête de l'Asie centrale à
la tête de sa puissante et cruelle horde de Mongols.
S'ouvrit alors une période
de troubles, peu favorable aux savants et à leurs études
qui exigeaient la paix et la tranquillité ainsi que l'appui financier
des grands.
Mais pour résister à
cette invasion, les successeurs du prophète, assaillis de toutes
parts, avaient besoin de leur argent pour leurs armées et délaissaient
le mécenat des sciences et des arts.
A 15 ans, Al-Tusi quitta Tus pour
poursuivre ses études à Nishapur, ville qui abritait d'excellentes
écoles. Le jeune homme y étudia la philosophie, la médecine
et les mathématiques enseignées par Kamal al-Din ibn Yunus,
élève de son oncle. Sa précocité et son intelligence
exceptionnelle ne tardèrent pas à franchir les murs de son
école et sa renommée se répandit à travers
la ville.
Étudiant zélé,
chercheur de terrain, il délaissait la science livresque pour étudier
la nature sur le terrain et le ciel en observant les étoiles.
Habile de ses mains autant que de
son cerveau, il confectionna lui-même les instruments nécessaires
à ses recherches. Consulté par les notables de la cité,
il dressait volontiers leurs horoscopes et l'on venait le consulter de
très loin à la ronde.
Alamut
L'invasion mongole atteignit la
région de Tus vers 1220, ravageant tout sur son passage. Mais, il
existait dans les montagnes de l'Elbruz un véritable havre de paix,
une forteresse que l'on disait inxpugnable, Alamut (Alamont), repaire où
avait régné jadis le sanguinaire Hasan Ibn Al-Sabbah, le
Seigneur de la Montagne, chef redouté des Assassins, secte d'extrémistes
Ismaéliens.
Là-haut, les Croyants pratiquaient
entre eux, à l'écart du monde, une forme intellectuelle épurée
et quasi mystique d'un Chi'isme extrême.
Quand Nasir ad-Din 'Abd ar-Rahim,
le chef ismaélien, proposa à Al-Tusi de devenir son astrologue
et l'invita à Alamut, il accepta et devint un personnage considérable
de la communauté.
Il avait été convenu
que le jeune savant serait libre de son temps et de ses mouvements, sachant
que les adeptes de la secte des Assassins restaient soumis à une
discipline de fer.
A Alamut, au début de sa
villégiature, Al-Tusi fut traité avec les plus grands égards.
Il eut le loisir d'étudier, de poursuivre ses travaux et d'écrire
dans des conditions extrêmement favorables. Il eut à son service
de nombreux esclaves et Nasir ad-Din lui fournit à foison adolescents
complaisants et jolies concubines.
Ce fut durant cette période
qu'Al-Tusi composa un ouvrage encyclopédique sur la logique, la
philosophie, les mathématiques et l'astronomie qu'il dédia
à Nasir ad-Din 'Abd ar-Rahim.
Mais tout se gâta lorsque,
au bout de quelques années, étudiant une nouvelle fois l'horoscope
de son protecteur, Al-Tusi lui apprit la chute prochaine d'Alamut et sa
destruction, suivies de sa mort.
Nasir ad-Din prit ombrage de cette
prédiction et priva son protégé de sa liberté,
du jour au lendemain.
Délivré par
les Mongols
Dès lors, se sentant prisonnier,
Al-Tusi souhaita rejoindre sa famille en ville, mais il en fut empêché
et, après deux tentatives d'évasion qui échouèrent,
il fut enfermé dans la citadelle.
En 1256, Al-Tusi se trouvait donc
prisonnier lorsque les forces mongoles conduites par Hulegu, un des fils
de Genghis Khan, s'attaquèrent à la forteresse.
On prétendit qu'Al-Tusi trahit
ses hôtes et favorisa la victoire des Mongols, ce qui peut se comprendre
de la part d'un prisonnier.
Toujours est-il, qu'une fois Alamut
conquise puis détruite, les "Assassins" tués ou dispersés
comme il l'avait prédit, Hulegu traita Al-Tusi comme un ami, avec
de grands honneurs.
Il le garda auprès de lui
comme astrologue et conseiller scientifique, lui confiant également
la gestion de l'épineux dossier des affaires religieuses.
Al-Tusi se trouvait encore auprès
de son nouveau protecteur lorsque, en 1258, les forces mongoles conquirent
la glorieuse et orgueilleuse cité de Bagdad. Al Musta'sim, le dernier
calife abbasside était un être mou au caractère faible
incapable de résister aux forces de Hulegu.
Il mourut égorgé,
sans gloire, en compagnie de 300 soldats de sa garde, tandis que les vainqueurs
pillèrent et brûlèrent la ville tuant beaucoup de ses
habitants.
L'allégeance d'Al-Tusi au
chef mongol lui valut de grandes faveurs et les plus grands honneurs.
Satisfait de sa conquête de
Bagdad et enchanté d'avoir un éminent savant comme Al-Tusi
à ses côtés, Hulegu accepta avec enthousiasme la proposition
de son ami de construire un Observatoire.
Le conquérant avait fait
sa capitale de Maragheh (appelée aussi Mararha ou Maragha en Azerbaïdjan)
et ce fut là que débuta, en 1259, la construction de l'Observatoire
devenu opérationnel en 1262.
Cet édifice monumental devint
un outil de travail extraordinaire que souhaitèrent visiter tous
les astronomes de l'Empire Mongol. Des savants de toute origine, Persans,
Chinois, Hindous, Turcs, vinrent y effectuer des stages.
Des instruments variés comme
des quadrants de cuivre, des astrolabes, des lunettes de visée,
tous objets construits ou inventés par Al-Tusi, se trouvaient à
la disposition des chercheurs.
L'Observatoire de Maragheh possédait
également une riche bibliothèque philosophique et scientifique,
où les savants de l'époque pouvaient effectuer librement,
sans être inquiétés, des travaux dans les domaines
les plus divers, alors que partout ailleurs dans l'Empire Mongol, les travaux
scientifiques, les mathématiques et la philosophie étaient
suspects ou interdits et leurs adeptes pourchassés et emprisonnés.
Les recherches d'Al-Tusi touchèrent
à des sujets variés. En astronomie, il établit des
tables des mouvements de planètes très précises pour
servir à l'astrologie.
Après 12 ans d'observations
il publia les Zij-i ilkhani (Tables Ilkhaniques), ouvrage contenant
des tables aidant au calcul des positions des planètes, et un catalogue
d'étoiles.
Dans son traité d'astronomie,
Al-Tadhkira filim al-haya (Mémoire sur l'astronomie), il
exposa et infirma le système planétaire de Ptolémée,
concevant un nouveau modèle du mouvement lunaire, essentiellement
différent de celui de Ptolémée. (Résolution
du mouvement lunaire par la somme de deux mouvements circulaires). Il y
fit usage d'un théorème conçu par lui-même utilisé
250 années plus tard par Copernic dans son De Revolutionibus.
Une des plus importantes contributions
d'Al-Tusi en mathématiques fut la reconnaissance de la trigonométrie
comme discipline à part entière et non plus seulement en
tant que simple outil dans les applications astronomiques.
Al-Tusi eut un grand nombre d'élèves,
parmi lesquels Nizam al-Raj astrologue et astronome de renom, et Qotb eddine
al-Chirazi, qui donna la première explication scientifique de l'arc
en ciel.
Le manuscrit retrouvé
Au début des années
70 du vingtième siècle, un manuscrit très ancien fut
retrouvé au Yémen avec plusieurs autres. L'examen de ces
précieux vestiges révéla que c'étaient des
reliques ramenées de Perse par les rescapés du désastre
d'Alamut. Remis à l'Aga Khan, cet ouvrage révéla aux
savants ismaéliens à qui il fut confié, que c'était
une sorte de journalier écrit de la main même d'Al-Tusi entre
1250 et 1251. Cet écrit relate entre autres les dates marquantes
de l'avenir du monde telles que l'éminent astrologue les aurait
lues dans le mouvement des astres.
SOURCES:
Rejeb
Al-Whatabi, Isaac Bronstein, Yaël Nazé, Dr Ali ben Malek, Le Livre des Ruses
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