Une personnalité hors du commun

CHEIRO
Comte Louis Hamon


Prince des chirologues

cheiro

La Vie étonnante de Cheiro
La Main Magique
Alvin Thompson: parieur et tricheur professionnel
Une Illusion tragique : La 999e représentation

William John Warner naquit le 1 novembre 1866 à Bray, petite bourgade irlandaise située au sud de Dublin, et décéda à Hollywood le 8 octobre 1936.

Après une enfance et une adolescence dont nous savons peu de chose, il émigra vers l'Angleterre, comme la plupart des jeunes Irlandais d'alors, animé par une légitime ambition.

En fait, la chance du jeune William fut la rencontre d'un voyou : Greg Dawson, personnage picaresque, tour à tour pickpocket, nécromant, illusionniste, faussaire, chiromancien, manipulateur de génie, parfois escroc lorsque la chance venait à lui faire défaut.

Ce fut Greg, de dix ans son aîné, qui initia le jeune William, dès son arrivée à Londres, à la savante débrouille, à la resquille, à la roublardise, à dévaliser le bourgeois sans torture ni violence, à narguer les flics, à déménager à la cloche de bois, mais également à lire dans les lignes de la main et à interroger les étoiles.
 

Une identité plus distinguée

Greg suggéra d'emblée à Greg de se choisir une identité plus distinguée que la sienne - celle d'un immigré irlandais sonnant plutôt mal aux oreilles d'un citoyen britannique méprisant pour les ressortissants de ce pays de va-nu-pieds.

William se fit donc appeler "Louis Hamon" s'inventant une filiation normande remontant au Moyen-Age. Il affirmait descendre en ligne directe d'un certain Robert Hamon, Count of Worcester, compagnon de Guillaume le Conquérant. Puis il s'attribua un titre de noblesse correspondant: "Comte Louis Hamon".

Charmeur, hâbleur, habile, plaisant aux dames de la bonne société et idole de leurs suivantes, il devint, sous le pseudonyme de Cheiro, un des plus célèbres numérologue, chiromancien et voyant de son temps.

Ses mémoires, ou plutôt le "roman de sa vie" paru sous le titre de Cheiro's Memoirs seraient, selon les spécialistes qui ont essayé de reconstituer sa biographie, un récit légendaire plein de rebondissements, voué à la seule gloire de son auteur.

Une fois lancé dans le monde, le grand monde, "Count" Louis Hamon oublia Greg Dawson mais pas son enseignement.

Ce fut une jeune britannique excentrique, appartenant au "demi-monde" qui prit la relève de Greg Dawson qui acheva tristement sa vie dans une prison, rongé par l'éthylisme et la tuberculose, abandonné par son élève.
 

Lady Valancy

Lady Valancy Crawford, était comme William d'une très modeste origine et usurpait elle aussi un patronyme plus attractif que ne l'était le sien : Daisy Skimp (skimp=lésiner). Entretenue par un vieux Lord amoureux fou de ses charmes, Daisy, enfant de la balle était à la fois danseuse, acrobate et courtisane comme un grand nombre d'artistes de cette époque.

Elle présenta son jeune amant à ses amis, et, en quelques semaines, Louis Hamon alias Cheiro, qui lisait volontiers leur destin dans les lignes de la main des jeunes et jolies femmes qui gravitaient dans le cercle de Lady Valancy, fut promu voyant attitré du Tout-Londres.

Il fréquenta la Cour, se vanta d'avoir été consulté par la reine qu'il aurait conseillée dans une affaire épineuse.

Il poursuivit avec succès sa carrière de mage et de voyant en Amérique où il fut reçu et applaudi dans les cercles les plus fermés de la nouvelle bourgeoisie du Nouveau-Monde. C'est là, au cours d'une soirée chez Mary Stobbart, qu'il connut le romancier Morgan Robertson et devint son ami.
 

Une main de momie aux pouvoirs magiques

La petite histoire prétend que Cheiro acquit de Robertson une main momifiée d'origine égyptienne, aux pouvoirs magiques surprenants. Activée selon les règles de la magie opératoire, la "Main" était réputée procurer à son propriétaire légitime les dons de clairvoyance, de précognition, d'extralucidité, de télépathie, de sensibilité au monde invisible mais également la dextérité manuelle, l'agilité intellectuelle, le dons d'invention et le génie artistique.

Cheiro confiait parfois à ses visiteurs que son pouvoir de divination lui venait de la possession de cette main.

Cet objet magique possédait, selon Cheiro, un autre pouvoir: celui d'accomplir un seul et unique souhait émis par celui à qui elle appartient. Après quoi, une fois le vœu émis, son propriétaire doit immédiatement l'offrir, la céder, l'échanger, la donner ou la vendre pour que son vœu se réalise.

Offerte, cédée ou vendue à un nouveau propriétaire, le pouvoir de la Main perdure au profit de son nouveau maître.

Qui plus est, elle transmettrait une partie des pouvoirs de tous ses propriétaires précédents à celui à qui elle est cédée selon les règles.

Lorsqu'il faisait visiter son "musée" personnel et dévoilait l'objet, Cheiro, affirmait que s'il venait à perdre son don de chiromancien, il lui suffirait de recourir au pouvoir magique de cette "main" pour devenir immensément riche.
 

Ses prédictions

La prédiction faite à Oscar Wilde au cours d'une soirée donnée en 1892 par Blanche Roosevelt a fait le tour du monde. Dissimulé derrière un rideau, Louis Hamon avait été prié par la maîtresse de maison d'examiner les lignes sillonnant la paume des invités dont il ne voyait que les mains, passées l'une après l'autre à travers un rideau. Quand Oscar eut présenté les siennes, Cheiro lui dit, sans savoir qui il était : «La main gauche est celle d'un roi, mais la droite est celle d'un monarque qui s'enverra lui-même en exil». Sans-doute Oscar Wilde fut-il frappé par cet oracle, car, après avoir demandé : «À quelle date ?» et qu'il lui fut répondu «Dans quelques années, quand vous atteindrez la quarantaine», il quitta la soirée sans un mot, méditant sans doute sur le mystère de son destin. Oscar avait alors trente-huit ans, il venait d'obtenir un triomphe avec Une femme sans importance, et trois ans plus tard, le compte à rebours allait commencer pour lui, jusqu'à son départ pour la France, illustrant étrangement la prédiction de Cheiro.

Cheiro prétendit avoir été consulté par d'autres artistes de renom : Mark Twain, Sir Conan Doyle, Sarah Bernhardt; des têtes couronnées : le prince de Galles futur roi Edouard VII, la reine Victoria, la reine Alexandra ou le pape Léon XIII; des hommes politiques prstigieux : William Gladstone, Stephen Grover Cleveland ou Joseph Chamberlain; des aventuriers tels Mata Hari ou Raspoutine; des célébrités tels Lord Carnavon, Thomas Edison, et bien d'autres.

Homme de cour, choyé par le public et les médias, il portait beau, se vantait de son appartenance à une très ancienne famille normande. Il pérorait avantageusement dans les salons. On lui doit quelques prédictions retentissantes qui se sont réalisées et beaucoup d'autres plus farfelues ou plus risquées qui ne se sont pas ou pas encore réalisées.

En voici quelques-unes faisant partie de sa "légende" :

En 1905, il prédit les morts violentes de Raspoutine et du Tsar Nicolas II.

En 1924, quelques années avant la fameuse traversée de l'Atlantique par Lindberg, il prédit que les Etats-Unis allaient acquérir la maîtrise du ciel et la suprématie mondiale dans le domaine de l'aéronautique.

Cheiro aurait prévenu Lord Carnavon de sa fin prochaine en Egypte deux années avant qu'elle ne survienne.

La même année, il prédit la naissance de l'Etat d'Israël en tant que nation indépendante et cela avec l'aide des Etats-Unis !

Dès 1927, Cheiro prédit l'abdication du futur roi Edouard VII suite à une idylle amoureuse.

En 1927, il prédit que l'Allemgne et l'Italie seraient bientôt en guerre avec la France et l'Angleterre.

Ses prédictions furent abondamment reprises ou plagiées par des voyants contemporains aussi célèbres qu'Edgar Cayce ou Michael Scallion qui, proclamèrent à sa suite la prochaine réapparition de l'Atlantide suite à un violent séisme et la destruction de Los Angeles et de New-York dans les 100 prochaines années, pour les mêmes raisons sismiques.

Louis Hamon mourut à Hollywood, de sa belle mort, le jour même qu'il avait prédit dix-huit ans auparavant, léguant à la postérité quelques ouvrages intéressants:

  • - When were you born? - Palmistry, the Language of the Hand (1894)
    livres édités à compte d'auteur.

  • - Cheiro's Palmistry for All.

  • - Cheiro's Book of Numbers.

  • - Cheiro's Book of Astrology.

  • - Cheiro's Memoirs (1912).

  • - Cheiro's Book of World Predictions, (1925).

Plusieurs de ses ouvrages sont parus en français, notamment : Ce que disent les mains. Précis de chiromancie.

Malgré ses succès mondains et son immense renommée tant en Europe qu'en Amérique, Cheiro fut considéré par nombre de ses pairs comme un charlatan mythomane et un fieffé coquin, doublé d'un parfait mégalomane.
 

© Marc Schweizer

ÉTRANGE HISTOIRE DE LA MAIN MAGIQUE

Son plus ancien possesseur connu serait l'écrivain Morgan Robertson, né en 1861 aux USA, qui passa la première partie de sa vie en mer, à explorer le monde, visitant les lieux les plus mystérieux et les plus énigmatiques de la planète.

Il ramena la "Chose" de l'un de ses voyages, variant souvent de version quant à son origine, créant autour d'elle un halo de mystère, un parfum de légende, affabulant selon la qualité de son interlocuteur du moment.

Tour à tour "objet volé dans un monastère", ou "échangé dans un bazar arabe" ou encore "acheté à un sorcier indien", le romancier donna plusieurs versions différentes de la manière dont il acquit le mystérieux objet.

Romancier besogneux mais à l'imagination féconde, réputé pour son intérêt pour l'occulte et les faits mystérieux, familier des cercles spirites, Morgan Robertson a certainement inventé de toutes pièces le pouvoir magique de la "Main" de façon à faire monter les enchères.
 

Guide psychique

Ayant mis sac à terre, Morgan Robertson se mit à écrire des romans d'aventures de mer, de fabuleux trésors engloutis, de pirates et de naufrages. Ce qui lui valut une certaine notoriété. Mais, pas assez à son goût!

Vers la fin du XIXe siècle, à court d'argent, à court d'idées, Morgan Robertson activa cette main de momie qu'il appelait son "Guide psychique", afin de libérer son mystérieux pouvoir de réaliser un seul et unique souhait émanant de celui à qui elle appartient.

Il demanda à la "Main", qu'un de ses romans devienne un best-seller, lui rapporte beaucoup d'argent, et passe à la postérité. Puis, selon la règle qu'il avait lui-même édictée, il la revendit, très vite, à son ami Cheiro.
 

Un suprenant roman d'anticipation

Mais son vœu tarda à se réaliser. Ce ne fut que dans la nuit du 14 au 15 avril 1912, que le terrifiant naufrage du Titanic, fit de "Futility", une nouvelle parue en 1898, le plus surprenant roman d'anticipation de tous les temps.

En effet, il prédisait de manière incroyablement exacte la conception du plus grand paquebot de tous les temps baptisé "Titan", frère prémonitoire du "Titanic", et son singulier naufrage. Réédité en grande pompe, sous le feu des projecteurs médiatiques, son ouvrage fit le tour du monde, et Robertson connut quelques mois de célébrité.

Mais il mourut en 1915, oublié de tous, sans avoir pu rééditer son succès car le talent l'avait quitté.
 

Alvin Thompson, illusionniste
parieur et tricheur professionnel

Selon Gordon L. Stamp, Cheiro revendit la main magique, après avoir largement bénéficié de ses pouvoirs, à un certain Alvin Thompson, prstidigitateur et illusionniste, mais surtout joueur et parieur professionnel. Grâce à la possession de son fétiche, Alvin devint l'une des plus célèbres vedettes de music-hall de son temps.

Connu sur toutes les scènes et dans tous les casinos du monde sous une dizaine de pseudonymes, il possédait tous les dons: golfeur époustouflant, don juan couvert de femmes, tireur d'élite, admirable joueur de poker, tricheur invétéré, funambule de génie, il réussit les paris les plus invraisemblables et fit sauter à son profit la banque de plusieurs casinos.

Ambidextre, Alvin était imbattable dans les jeux de cartes, parvenant à distribuer à ses compères les donnes de poker ou de black-jack les plus inattendues, sans jamais être pris sur le fait.

Alvin Thompson fut également l'un des témoins de l'incroyable meurtre de Charlie Bronstein, prestidigitateur comme lui, survenu sur scène à la fin des années 20, singulière affaire que nous raconte Barbara Warner.
 

LA 999e REPRÉSENTATION

«:J'en étais à la 975e représentation de mon numéro d'illusionniste. Il avait été convenu avec la direction du cirque que ma millième exhibition ferait l'objet d'une grosse campagne de publicité à travers tous les Etats-Unis.

Mon numéro, mis au point il y a près de cent ans par le célèbre Houdini, est un classique du genre. Il consiste à m'asseoir dans un fauteuil, en frac, au milieu de la scène, un long poignard dans la main. Profitant de la pénombre et de la diversion apportée par un numéro de lévitation, venu détourner momentanément l'attention des spectateurs, je me tranche la tête et la prends dans ma main.

Je n'entrerai pas dans le détail des trucages nécessaires à la réussite de ce numéro, qui fait toujours son petit effet sur les enfants et le public populaire.
 

La 979e représentation

Mais, au soir de la 979e représentation, juste avant d'entrer en scène, je reçus un coup de téléphone bizarre dans ma loge. Une voix grave m'annonçait, le plus sérieusement du monde, qu'avant la millième représentation, la tête que je couperais sur la scène serait la vraie!

Je rigolai de la plaisanterie. J'étais habituée aux farces de mes amis et collègues de travail. Enfant de la balle, je vivais dans l'illusion et la magie noire depuis le plus jeune âge et je ne craignais pas du tout la plaisanterie. Au contraire. Mais, comme tous les artistes du cirque, j'étais très superstitieuse.
 

Le soir de la 987e représentation

Le soir de la 987e représentation, je trouvai un rat décapité cloué sur la porte de ma loge. Je frémis et m'insurgeai contre cette blague idiote, de très mauvais goût. Sans être vraiment dangereux, mon numéro n'était pas des plus faciles à exécuter, et le moindre faux mouvement risquait de me blesser.

J'arrivai sur scène, moins bien dans ma peau que d'habitude. Cependant, dès les premiers accords de la musique envoûtante qui accompagnait mon numéro, je me retrouvai dans l'ambiance.

Or, à l'instant même où les lumières s'éteignaient et que, mon couteau levé, je disposais tout juste d'une fraction de seconde pour réussir mon tour de passe-passe, je vis très distinctement, au premier rang des spectateurs de l'orchestre, un homme décapité!

Une onde d'angoisse me noua l'estomac. Courageusement, j'exécutai mon tour de passe-passe. Ouf!, une fois encore, je parvins à trancher ma tête sans problème, à la poser sur mes genoux... La salle éclata en applaudissements. J'avais eu chaud!
 

Je ne me connaissais pas d'ennemi

Je me demandais qui m'en voulait à ce point. Je ne me connaissais pas d'ennemis. Je vivais heureuse entre un mari affectueux, mage et illusionniste comme moi, et deux adorables bambins déjà jongleurs de talent. Il y avait bien Charlie, le vieux prestidigitateur de la troupe! Un ancien soupirant éconduit en douceur, qui mit plus de trois ans à comprendre que j'étais heureuse en ménage avec José, avant de renoncer à me poursuivre de ses assiduités... Il m'adorait en silence, et paraissait tellement inoffensif!

Chaque soir, un nouvelle menace téléphonique ou un billet anonyme, venait me mettre les nerfs en pelote, accompagné de mises en scène répugnantes. Une fois je trouvais du sang dans mes pots de maquillage, une autre des centaines de limaces rampant dans ma loge. Malgré l'enquête et les recherches du service de sécurité du cirque, le harcèlement se poursuivit. Complètement terrorisée, je voulus arrêter mes exhibitions. Mais la direction, qui venait d'investir plusieurs dizaines de milliers de dollars dans sa campagne de publicité, me menaça d'un procès si je rompais mon contrat et annulais mes représentations.

Je ne dormais plus, je devins excessivement nerveuse. Malgré le dévouement de mon entourage, qui se relayait jour et nuit pour me protéger, j'avais très peur. Un journaliste, mis au parfum de l'affaire par mon attachée de presse, pondit un article à sensation qui déchaîna les médias. Invitée à plusieurs shows télévisés, je devins une véritable vedette.
 

La date fatidique

Plus la date fatidique de la millième représentation approchait, plus les menaces se faisaient agressives. Au soir de la 996e, on m'apporta sur la scène une magnifique gerbe de roses.

Mais, à l'instant même où, venant de reprendre ma physionomie normale, après qu'un compère eut escamoté mon couteau et la tête factice, je me levais de mon fauteuil pour saisir le bouquet, je vis avec horreur dix serpents s'échapper des fleurs et grouiller à mes pieds. Les spectateurs éclatèrent en applaudissements croyant que c'était un nouveau gag. Je tombai, évanouie pour de bon.
 

Le jour de la 999e arriva

Le jour de la 999e arriva. Je n'étais plus que l'ombre de moi-même. Je vivais comme un zombie, assommée par les tranquillisants. Je tenais à peine debout. Je me demandais comment j'allais tenir le coup jusqu'à la fin de la représentation. Juste avant d'arriver au théâtre, je vis par la portière de gauche un énorme corbeau noir qui me regardait fixement.

Je portai ma main à la bouche pour étouffer un cri. J'étais vraiment à bout! Il était temps que tout cela finisse.

On dut me porter sur la scène tellement j'étais faible. Le régisseur était sur le qui-vive, une dizaine d'accessoiristes, de machinistes, d'aides étaient à l'affût derrière les piliers du décor, pour venir m'assister en cas de défaillance. La salle était archicomble! La musique éclata à l'instant même où le rideau montait lentement vers les cintres sous des applaudissements à tout rompre.

Mon compère présenta mon numéro comme d'habitude, précisant que ce soir c'était la 999e et avant-dernière représentation.

Un frémissement de jubilation craintive agita la foule.
 

La lame d'acier de mon poignard...

Le pinceau de lumière des spots vint éclairer mon visage d'une lumière blanche, mettant en valeur mes beaux cheveux roux et mes bijoux de strass. La lame d'acier de mon poignard scintillait dans ma main.

Derrière moi, j'entendis à peine le chuintement du filin de nylon qui enlevait Dolly, sanglée dans le harnais invisible qui la transformait en ange, pour son numéro de lévitation. Je tendis mon bras, le poignard levé. Durant la fraction de seconde où la lumière s'éteignait avant d'éclairer Dolly planant au-dessus de ma tête, je procédai comme d'habitude. Je fis disparaître mon buste dans l'habit truqué et m'enfonçai d'un cran dans le fauteuil escamotable.

Dans la salle le public retenait son souffle.

Lorsque le compère m'eut glissé entre les mains la tête factice que j'étais sensé m'être tranchée, le rayon de lumière m'éclaira en plein et je hurlai!

A la place du postiche en plasticiline qui me représentait, je sentis entre mes mains une tête véritable, encore tiède, à la chair visqueuse, dégoulinant de sang: La tête de Charlie!»
 

Voici l'histoire macabre que me raconta ma mère, chanteuse de cabaret et illusionniste de renom. Elle est morte il y a bien des années déjà, mais je me souviens très bien que, petite fille, je fus le témoin indirect de cette horrible affaire. Après mon numéro de jonglerie, je me trouvais encore dans les coulisses du théâtre au moment du drame.
L'enquête conclut au suicide de l'illusionniste, sans vraiment expliquer comment il s'y était pris pour exécuter son dernier numéro!
Je me suis toujours demandée si au soir de la 987e représentation, c'était bien la tête de Charlie que maman vit en état de clairvoyance prémonitoire, ou si cet épisode macabre fut un des ultimes numéros de son admirateur éconduit?
Barbara Warner


Haut de page           Accueil Science & Magie          Accueil N° 49