Une famille de «Trompe-la-Mort»
 

Inès da Silva Malafuente


En 1977, Mme Inès da Silva Malafuente «décéda» dans la région d'Alicante, en Espagne.

Il faut noter que, dans ce pays, le permis d'inhumer est réglementairement délivré dans la journée qui suit le constat de décès, et, bien souvent, lorsque une personne est déclarée morte le matin, elle est enterrée dans l'après-midi. Cela correspond à des impératifs d'ordre climatique datant d'avant l'époque des réfrigérateurs.

En effet, dans la saison chaude, si on ne mettait pas immédiatement le mort en terre, la putréfaction accélérée par la chaleur, hâtait la décomposition, à tel point que le trépassé n'était plus très présentable à sa famille, et encore moins au public.

La corruption rapide des tissus musculaires et l'autocombustion des graisses, entraînaient tant elles pouvaient être rapides - notamment chez les sujets obèses et ballonnés - des secrétions et de gaz malodorants, s'échappant régulièrement par les orifices naturels. Bref un corps monstrueusement bouffi et en cours de putréfaction.

Inès da Silva, âgée à l'époque de cinquante-deux ans, fut enterrée dans l'après-midi, après que le médecin de son village, qui buvait beaucoup, eut constaté son décès. La mort d'Inès faisait suite à un traumatisme cérébral résultant de sa chute au volant de son vélomoteur percuté par une automobile.

La mise en terre eut lieu en présence de témoins proches de la victime, et comme il est de coutume en Espagne et dans d'autres régions méditerranéennes, la famille et les amis demeurant au loin furent conviés à des obsèques plus solennelles, avec messe, repas et séances de recueillement et de prières, qui eurent lieu six jours après la mise en terre de la malheureuse.

On déterra le cercueil

Au jour dit, on déterra le cercueil, on le nettoya avant de les transporter en grande pompe à 1'église où, selon l'usage et le protocole, un service funèbre avec grand messe accompagnée de chants liturgiques, déploya ses fastes en présence de la famille et des autorités.

Or, lorsque les employés déposèrent la bière sur les tréteaux, l'assistance constata avec effroi, qu'il s'en échappait d'abondants et nauséabonds liquides, ce qui n'est pas inhabituel car les corps décomposés abandonnent volontiers leurs sanies. Mais, ce qui était moins habituel, était que dans le silence s'éleva un bruit de grattement provenant du cerceuil.

Devant l'incompréhension et la terreur qui s'empara de l'assistance, lorsque les préposés aux pompes funèbres furent convaincus que ces grattements n'étaient pas une simple illusion, le service funèbre fut interrompu.

Le cercueil fut ouvert et l'on put constater que la pauvre Inès n'était pas tout à fait morte, mais plongée dans un coma profond. Un docte professeur expliquait à ses voisines terrorisées qu'Inès se trouvait probablement en situation d'économie d'énergie métabolique et en état de déshydratation, car elle n'avait pas bu depuis plus de six jours. Cela lui avait permis de conserver une vie végétative jusqu'à cette minute.

Le savant homme

Le savant homme, désignant ses doigts sanglants et tuméfiés, aux ongles rongés jusqu'à l'os, ses coudes à vif jusqu'aux tendons, affirma que la pauvre avait désespérément gratté les parois du cercueil et vainement tenté de les défoncer de l'intérieur.

La pauvre Inès avait, bien sûr, uriné et déféqué sous elle, voilà pourquoi le cercueil coulait plus abondamment que dans le cas d'une décomposition normale.

On transporta d'urgence la victime dans un hôpital où un service de réanimation permit de la garder en vie pendant plus de trente jours. Inès reprit conscience ensuite, et put même parler et s'alimenter seule durant une autre semaine. Mais après cette «résurrection» provisoire, une embolie cérébrale provoquée par une phlébite l'emporta brutalement alors qu'elle revenait à la vie.

Selon un médecin de la ville voisine appelé à son chevet, il s'agissait d'une embolie provoquée par un caillot de sang coagulé dans les artères maltraitées de ses jambes en raison d'une trop longue immobilisation accompagnée d'une déshydratation excessive.

Le caillot ainsi constitué se détacha, fila dans la circulation sous l'influence de la pression sanguine, et alla se loger dans une artère cérébrale, provoquant la destruction en chaîne de tissus neuroniques entraînant une paralysie des quatre membres, et une mort rapide par paralysie respiratoire.

La grand-mère maternelle

L'histoire rapporte que Juana, la grand-mère maternelle d'Inès, avait elle aussi été enterrée vive quarante ans auparavant et avait été sauvée de la même manière après plusieurs jours passés sous terre.

Quant à son grand oncle Balthazar, laissé pour mort sur le champ de bataille lors de la guerre civile, il avait poussé un grand cri juste à temps, lorsque les croques-morts qui l'avaient jeté avec cent autres corps décomposés dans une fosse commune, allaient recouvrir les cadavres de chaux vive et de terre.

Le plus incroyable

Le plus incroyable arriva, il y a vingt ans, à la petite fille d'Inès baptisée Juana du nom de son aïeule, qui fut déclarée morte à la suite d'une infection pulmonaire.

Inhumée le jour même de son décès, comme le furent sa mère et son aïeule, elle séjourna deux jours au cimetière avant d'en être exhumée à la demande de sa famille en vue d'un second service funèbre.

Dans son cas aussi, le miracle s'accomplit. Lorsque l'on ouvrit son cerceuil après que l'assistance eut entendu des bruits suspects, des toussotements et divers soupirs, on vit apparaître l'enfant bien en vie, les yeux ouverts et la bouche souriante malgré les quarante-huit heures passées sous terre.

Juana survécut, et, paraît-il vit toujours (2004).

Quant au Dr Jimenez il fut attaqué par la famille pour ce permis d'inhumer quelque peu hâtif rédigé selon les enquêteurs, en "état d'ébriété".

L'affaire fit grand bruit en Espagne et les autorités ayant pris conscience du risque engendré par l'habitude de mettre les morts en terre dans la journée même de leur supposé décès, envisagèrent de faire voter une loi exigeant un examen plus fiable de la personne décédée et un délai d'au moins trois jours avant les funérailles.


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