Portrait

 

HENRI KASSAGI
Illusionniste et Prestidigitateur
 


Henri Kassagi, fut l'un des plus célèbres illusionnistes et l'un des prestidigitateurs les plus doués du XXe siècle. Il émerveilla petits et grands par ses tours de magie présentés avec probité et élégance sur toutes les scènes du monde. Artiste renommé, il se refusait à dévoyer le noble art de la prestidigitation en se livrant à la tricherie qui consiste à se faire passer pour un mage, doté de pouvoirs surnaturels, comme l'ont fait tant d'autres, notamment Uri Geller, les guérisseurs philippins et la plupart des soi-disants sujets PSI. Kassagi n'est plus parmi nous, mais le souvenir de sa gentillesse, de son intelligence et de son talent demeurent.

 
Une vocation

A l'âge de 12 ans, en Tunisie, Kassagi assiste au tour d'un magicien qui se saisissait d'un foulard blanc, le faisait coulisser dans sa main et le foulard devenait rouge. A cette époque il n'était qu'un enfant et trouvait cela fabuleux.

 
Comme il était curieux, il revint plusieurs fois assister au spectacle, observant les gestes du prestidigitateur et finit par trouver le truc. Heureux d'avoir découvert l'astuce, il cria aux spectateurs où se trouvait le foulard, et du coup le magicien perdit le contrôle de son tour de magie et le foulard tomba!

 
Avec le recul, Kassagi regrette son cri, mais ce qui le peina, ce fut le manque d'humour du magicien qui descendit de scène pour gifler le jeune perturbateur. A cet instant le garçon se jura de devenir lui aussi magicien et de lui rendre sa gifle. Ce fut le début de sa vocation.

 
La physique amusante

«Mon art relève non de la magie, mais plutôt de "la physique amusante" connue depuis la plus haute antiquité et revenue à la mode au XIXe siècle.

 
En 1815, Jules de Rovere un illusionniste italien créa le mot fabuleux de prestidigitateur à partir de prestus, rapide et digitus, doigt, ajoutant un suffixe qui musarde entre acteur et amateur...

 
La prestidigitation est un art à la fois manuel et de réflexion, résultat d'un travail acharné et non d'un don imaginaire ! Pour avoir des doigts agiles, il faut une discipline de tous les instants et s'exercer pendant des heures, des jours, des mois. Dans la réalisation d'un tour de magie, la moindre "fausse note" devient catastrophique. Nous n'avons d'autre choix que la perfection, le parcours sans faute...»

J'aimerais bien qu'on me surprenne

«Avec regret et une certaine humilité je dois avouer que jamais, au cours de ma carrière pourtant bien remplie, je n'ai assisté de visu à un phénomène paranormal ou psi dont je n'aie pu démonter la mécanique. Pourtant j'aimerais bien rencontrer un jour quelqu'un ou quelque chose qui me surprenne. On lit beaucoup de relations de miracles dans les livres et les journaux. La réalité en produit hélas très peu. Sinon ce ne seraient plus des "miracles".

 
Les seules personnes qui m'ont vraiment étonné et surpris ce sont des confrères surdoués, illusionnistes ou prestidigitateurs, dont je n'ai pas encore réussi à élucider certains tours qu'ils exécutaient devant moi.

 
Mais je savais qu'il s'agissait d'un truc, ou d'un tour de main que j'ignorais, et non de pouvoirs surnaturels, comme voudraient nous le faire croire tous les faiseurs de miracles du monde.

 
Vous allez me demander comment je puis être si sûr de ce que j'avance? Eh bien imaginez qu'il soit possible à un individu de voir les choses cachées, d'agir sur la matière par la force de la pensée, ne serait-ce qu'une fois sur mille?

 
Les espions, les services secrets deviendraient vite obsolètes et leurs enquêteurs inutiles. Les gouvernements n'auraient plus besoin d'entretenir à grands frais des agences de renseignement !»

 
J'ai confiance en l'homme de science

«Or, on ne constate rien de tout cela. De même pour la télépathie: si cela marchait vraiment, plus besoin de téléphone. On communiquerait de cerveau à cerveau !

 
Cela viendra peut-être un jour, mais nous n'en sommes pas là ! J'ai confiance en l'homme et en la science. Nous autres prestidigitateurs, nous utilisons toutes sortes de trucs, mais nous ne trompons personne quant à la réalité des faits.

 
Je propose donc que toutes les équipes qui entreprennent des investigations dans le domaine du paranormal, invitent un prestidigitateur compétent à participer à leurs recherches. J'ai constaté qu'il est plus facile de tromper l'attention d'un intellectuel que celle d'un manuel. Il est plus sensible au verbe, et se laisse manipuler par une belle démonstration théorique, tandis qu'une personne de sens commun restera plus proche de la perception brute des faits.

 
Maintenant, après ce long monologue, il me reste à vous convaincre que je ne suis pas un charlatan. Alors venez voir mon spectacle ! Je vous attends le vendredi et le samedi soir à l'Orée du Bois.»

Témoignage recueilli par André Jimenez en 1993.
Copyright Marc Schweizer

 
CE QUE J'AI VU
«L'illusionnisme et la prestidigitation sont un art très ancien, déjà connu des Mèdes, des Perses, des Égyptiens de l'antiquité.

 
Depuis que je vis de mon art, j'ai parcouru le monde entier, côtoyé les plus grands illusionnistes et les plus éminents prestidigitateurs. Toujours à l'affût de tours nouveaux, de trucs inédits, j'ai étudié et décortiqué les phénomènes étranges, naturels ou artificiels qu'il me fut donné d'observer.

 
Or, à part quelques tours de magie exceptionnels, exécutés par des confrères surdoués dont je n'ai pas encore réussi à percer le secret à ce jour, et que je suis donc, pour le moment, incapable de reproduire, je n'ai jamais rencontré d'hommes possédant des "pouvoirs surnaturels". Mais j'ai croisé des centaines de charlatans, de tricheurs, d'artistes plus ou moins doués se faisant passer pour des mages inspirés par des esprits de l'au-delà, ou par une quelconque divinité.

 
Ce qui m'étonne encore

Ce qui m'a beaucoup étonné, et qui m'étonne encore, c'est le nombre de gens prêts à croire n'importe quoi, à suivre comme des moutons de panurge le premier gourou venu, plutôt que de s'assumer, d'enrichir leurs connaissances, de développer leurs propres talents.

 
Il est vrai que l'exploitation de la crédulité humaine ne date pas d'aujourd'hui. De tous temps, les grands de ce monde, pour se maintenir au pouvoir, ont eu recours à la magie du verbe, à des tours de passe-passe auxquels leurs administrés ne voyaient que du feu, et même aux trucs des illusionnistes et des prestidigitateurs.

 
Depuis le lait miraculeusement sécrété par des statues égyptiennes ou hindoues, aux guérisons à mains nues des thaumaturges philippins, en passant par les Vierges qui pleurent des larmes d'huile et les torsions de barres de métal de nos modernes "phénomènes PSI", je ne peux m'empêcher de voir la main manipulatrice de fraudeurs sans vergogne.

 
Robert-Houdin

On se souvient peut-être, comment, au XIXe siècle, en Algérie, le général Bugeaud ne parvenant pas à venir à bout de l'Émir Abd el-Kader, eut recours à l'illusionniste Robert-Houdin pour contrer l'emprise superstitieuse que les marabouts exerçaient par leurs "miracles" sur les guerriers et la population indigènes.

 
Un des tours les plus fameux de Robert-Houdin, était d'essuyer sans dommage des coups de pistolet tirés sur lui à bout portant.

 
Ainsi, devant la foule assemblée, l'illusionniste tendait son pistolet chargé au chef de tribu, avant de s'adosser, décontracté, contre un mur. Le chef tirait sur lui, à 5 mètres.
Indemne, Houdin sortait de sa bouche, la balle signée par un notable présent, et montrait le mur derrière lui, taché de son sang.

 
Son truc était simple, mais il impressionna tant les foules algériennes, qu'elles le proclamèrent Sidi, (seigneur), et admirent sincèrement qu'elles ne sauraient vaincre une armée possédant un tel "génie".»

 
Une mise en scène

«Il y a quelques années, je me rendis aux Philippines avec une équipe de télévision et des médecins accompagnant une dizaine de leurs patients atteints de cancers et autres maladies graves. Grâce à des caméras ultra rapides, nous pûmes démontrer la supercherie des soi-disant "opérations à mains nues".Dois-je ajouter qu'aucun malade, hélas, ne survécut longtemps à ces interventions magiques.

 
Chaque tour de magie ou de prestidigitation, est une mise en scène de théâtre, avec des mots, des gestes qui séduisent, inhibent, suggèrent, font illusion. Leur exécution demande un immense travail de la part de l'artiste. Ceux qui oeuvrent dans le surnaturel, le paranormal, - plus lucratifs -, usent exactement des mêmes trucs. Mais, dans l'esprit de nombreux spectateurs, leur "talent" devient "pouvoir".»

 
Une anecdote

«Roger Nicolas qui, au cours de nos nombreuses tournées de théâtre, suivait tous mes tours et savait que tout cela n'était qu'illusion, habileté d'exécution et truc, tomba gravement malade. Un jour, il m'appela et me demanda le plus sérieusement du monde si je ne pouvais pas l'aider à guérir  ! Lui aussi, pourtant prévenu, crut un instant à mon "pouvoir magique"  !»

 
Le pouvoir magique n'existe pas

«Personnellement, je souhaite sincèrement rencontrer une personne possédant un réel pouvoir inexplicable. Mais, depuis le temps que j'observe, que je suis à l'affût du moindre indice, je n'ai rencontré que des confrères, qui, par insuccès, manque de contrats ou vulgaire esprit de lucre, dévoient la prestidigitation et l'illusionnisme, arts nobles, en exploitant sans vergogne la crédulité humaine.

 
Réfléchissez  ! S'il existait dans le monde un homme qui eût un réel pouvoir magique, aucun gouvernement ne le laisserait travailler à son compte. Le pouvoir magique n'existe pas, mais la magie, si  ! Et la réalité est beaucoup plus belle que le mensonge.»

 
Pierre Genève et André Jimenez
Entretiens avec Kassagi 1992-1993
Copyright Marc Schweizer


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