Jacques Arnal
(1912-1995)

Le fluide magnétique
Conférencier, animateur de télévision (l'Inspecteur mène l'enquête), philosophe et écrivain (le Cosmos Vivant), Jacques Arnal entra « en police » un peu par hasard et il exerça son travail comme un véritable sacerdoce. Patron de la célèbre « Brigade Mondaine », il eut souvent l'occasion d'exercer des commissions rogatoires chez des guérisseurs et d'autres empiriques. Ci-après, il nous raconte avec humour l'une de ses missions. Dans le témoignage suivant « Un Diagnostic tiré par les cheveux » Jacques Arnal rend hommage à un thérapeute non conventionnel qui l'a guéri grâce à son pendule.

Noël Bayon, journaliste scientifique, pourfendeur infatigable des praticiens illégaux et des empiriques, (magnétiseurs, rebouteux, guérisseurs), qu'il appelait les « Bâtards d'Esculape », par ailleurs tortionnaire de Mme Soleil dont il avait ridiculisé l'Ordinastral, me disait un jour :

– Demandez à un magnétiseur de vous chauffer les mains ou les pieds, ou tout ce que vous voudrez : s'il y arrive, ce sera un vrai, s'il n'y parvient pas, ce sera un charlatan ! »

J'étais alors chargé du deuxième cabinet des Délégation judiciaires dont une section s'occupait des « guérisseurs ». A cette époque, dans les années 55-56, la simple imposition des mains à but thérapeutique était considérée comme un acte médical et tombait sous le coup de la loi pour « exercice illégal de la médecine ». Ce qui était une absurdité.

L'imposition des mains est un acte de foi précisé dans l'Evangile de saint Marc, XVI, 18 (ils imposeront les mains et les malades seront guéris...), mais ce geste ne peut en aucun cas être considéré comme un acte médical. D'ailleurs, très rapidement le Conseil de l'Ordre ne poursuivit plus que les « empiriques » ajoutant à leurs pratiques des opérations telles que le diagnostic ou la prescription des médicaments.

Alalouf, qui soignait tous les grands de ce monde – et même les petits – Alalouf, dont la renommée avait passé les frontières, et qui, malgré cela avait été plusieurs fois traîné devant les tribunaux, s'intitulait prudemment « masseur-kinésithérapeute » et se trouvait ainsi en principe, à l'abri des poursuites.

J'ai donc « visité » des dizaines de guérisseurs et de magnétiseurs à qui j'ai demandé chaque fois, fort de l'observation de Noël Bayon, de me « chauffer les mains », ce qui les mettait fort mal à l'aise car, dans la quasi totalité des cas, ils ne me chauffaient rien du tout, sinon les oreilles, avec leurs boniments.

Pourtant une fois !

Muni de la sacro-sainte commission rogatoire délivrée par le Juge d'instruction sur plainte du Conseil de l'Ordre des médecins, je me suis rendu, accompagné de mon inspecteur-greffier, qui se nommait Sainte Cluque, au 93, rue Jean-Pierre Timbaud dans le 11e arrondissement de Paris, au domicile d'un certain Derain, guérisseur-magnétiseur.

L'homme, jeune, sympathique, blouse blanche de carabin, recevait chez lui, au 3e étage d'un vieil immeuble craquelé par les intempéries. Dans l'entrée, suspendues au mur, quelques planches anatomiques, inquiétantes comme toutes les planches anatomiques, prévenaient le visiteur que c'était du "sérieux". Et comme Derain était aussi un grand humoriste, il avait épinglé une pancarte où j'ai pu lire : N'interrompez jamais un traitement médical, surtout s'il ne vous fait rien ! Ce qui expliquait peut-être la hargne du Conseil de l'Ordre des médecins peu porté à l'humour.

Commission rogatoire
Présentations réduites au strict minimum. Un commissaire n'a pas besoin de faire un discours pour se présenter. Au plus me suis-je risqué dans le cas présent à une plaisanterie d'un goût douteux : « Je viens vous voir pour cette ordonnance » lui dis-je en tendant ma commission rogatoire. A quoi Derain, décidément très en forme me répondit : « Vous savez, celle-ci est moins dangereuse que bien d'autres ! » Après cette courtoise escarmouche, j'attaquai dans la meilleure tradition Bayon :

"Vous êtes guérisseur-magnétiseur ?

– Oui, monsieur le commissaire.

– Alors chauffez-moi les mains ! »

Je tendis mes deux paumes ouvertes et n'espérais rien d'autre que la confusion du praticien. Il y eut une confusion, en effet, mais ce fut de mon côté car, dès que Derain eut étendu ses mains au-dessus des miennes, je ressentis une myriade de minuscules décharges électriques qui me parcouraient le bout des doigts. Il ne s'agissait pas de chaleur proprement dite, mais de l'impression que pouvait donner le contact avec une dynamo de faible puissance. "Une pluie d'étincelles obscures" aurait dit un poète.

Une sensation extraordinaire

En fait, il est bien difficile de définir un phénomène qui échappe à toute classification précise. Je dus avoir l'air complètement idiot pendant quelques secondes, et j'appelai mon inspecteur à la rescousse. « Sainte Cluque, tendez vos mains paume en l'air au-dessous de celles de monsieur, et dites-moi ce que vous ressentez. »

L'inspecteur tendit docilement ses mains et sa stupeur s'ajouta à la mienne.

« Oh ! patron, je sens comme de l'électricité, c'est extraordinaire. »

C'était effectivement extraordinaire et aujourd'hui, 35 ans plus tard, je ressens par la pensée la même sensation.

Ce jour-là, Derain m'administra la preuve que le magnétisme humain existait bel et bien. J'ajoute que je n'ai jamais enregistré de sensation similaire chez d'autres praticiens, preuve que les vrais, les branchés, comme disait Bayon, ne courent pas les rues.

Le magnétisme humain est-il bénéfique ? C'est une autre histoire qui ne peut recevoir de conclusion qu'en fonction des résultats obtenus. Or, beaucoup de témoins qui étaient passés par les mains d'un empirique m'ont affirmé sous la foi du serment qu'ils avaient été sauvés par lui. A quoi le juge Golléty m'a répondu :

« Oui, mais le drame, c'est qu'on ne peut pas interroger ceux qui sont morts. » Sans doute ! Mais je sais, Sainte Cluque sait aussi, que le fluide humain n'est pas une formule creuse et qu'il existe bel et bien. Je pense très sincèrement qu'il fait partie de cette « énergie psychique », cinquième force de l'Univers, que la science isolera bien un jour.

Jacques Arnal Paris
Commissaire divisionnaire honoraire
Un diagnostic tiré par les cheveux
Aujourd'hui, des médecins, ayant prêté le serment d'Hippocrate, conscients des limites scientifiques de leur art, laissent tomber leurs stéthoscopes, abandonnent leurs microscopes pour s'armer du pendule des radiesthésistes et étudier les éphémérides des astrologues afin de tenter de saisir la vérité de la maladie au-delà des apparences.

Depuis nos trois « compères » de l'antiquité, les amis Socrate, Platon et Aristote, nous savons que l'Apparence de quelque chose n'est qu'une partie souvent infime de la Vérité.

Regardez un arbre ! Ça paraît simple un arbre, avec son tronc, ses branches et ses feuilles. Eh bien ! songez à la multitude d'opérations chimiques, physiques, électroniques qui ont été nécessaires à la réalisation de ce tronc, de ces branches et de ces feuilles, sans parler des vers qui se lovent sous son écorce et des petits oiseaux qui se posent dessus. Ajoutez-y le fabuleux laboratoire de la photosynthèse et vous vous direz en vérité que tout cela n'est pas simple du tout. Si vous n'en savez rien, vous êtes des heureux, et le royaume des cieux vous appartient.

Tout ceci pour dire que les hommes ont toujours cherché à saisir la Vérité vraie derrière les apparences. Ils le font d'abord avec les moyens du bord, par la prière, par la magie, ensuite, par des pratiques plus élaborées mais tout aussi empiriques : l'astrologie, la psychométrie, l'oniromancie, l'acutomancie, la nécromancie, la pyromancie, l'ornithomancie, le pendule, la baguette... en aurais-je oublié ?

Certainement ! car l'imagination dans ce domaine n'a pas de limite. J'ai même connu un Mage qui faisait lancer à ses clients une poignée de pierres de différentes couleurs dans une grande bassine de cuivre rouge où elles rebondissaient avec un bruit effrayant. Il avait inventé la pétromancie. Sans parler de la phallomancie, qui prétend lire l'avenir dans l'interprétation de la forme, des rides, des replis ou du réseau des veines apparentes de notre appareil génital !

La science se méfie des apparences
Mais la Science, dans ce remue-ménage ? La science frileuse qui se méfie des apparences ? La science ligotée par les cartésiens, la science bâillonnée par les savants, comment vit-elle ? Elle vit plutôt mal entre les cauchemars et les remords, étouffant sans cesse ses rêves sous la froide indifférence de ses laboratoires.

Car il faut bien comprendre que toutes les "pratiques" énumérées plus haut ne sont qu'un moyen pour éveiller les pouvoirs cachés de l'esprit humain, les "pouvoirs endormis" ou parvenir à un stade supérieur, c'est-à-dire à tout ce qui échappe au bistouri des scientifiques.

Justement, dans le domaine de la médecine, quelques docteurs de bonne foi, ayant prêté le serment d'Hippocrate, laissent tomber leurs stéthoscopes, abandonnent leurs microscopes pour s'armer du pendule des empiriques parce qu'ils se sentent capables de saisir la vérité au-delà des apparences par ce seul moyen.

Or, la vérité pour le médecin ce sont les causes des maladies, que les méthodes classiques du diagnostic ne permettent pas toujours de préciser clairement.

Une expérience personnelle
Au bout de dix ans d'un surmenage intensif, dix ans pendant lesquels j'avais ignoré tous les conseils de mon médecin, la maladie me flanqua brutalement au tapis : accidents nerveux d'une violence inouïe, allant jusqu'aux crises de tétanie avec troubles, vertiges et paralysie des membres supérieurs "en col de cygne" comme disent les carabins qui sont presque tous des poètes. Transport à la Salpêtrière, où je fus soumis à la question ordinaire et extraordinaire, électro ceci, électro cela, prises de sang, analyses... pour me laisser dire au bout de trois semaines que j'étais un épileptique ! Gardénal trois fois par jour.

Après un mois de ce régime je n'étais même plus à ramasser à la petite cuiller, je n'existais plus. Alors, bienheureux hasard, j'entendis parler d'un médecin spécialiste des maladies nerveuses qui exerçait à Rennes et faisait, disait-on des miracles. J'allai voir ce bienfaiteur de l'humanité souffrante. Homme à la cinquantaine bien enveloppée, sourire avenant, ce qui est très important chez un médecin. Il me fit asseoir dans un cabinet semblable à tous les cabinets médicaux que j'avais connus, relut attentivement la lettre que je lui avais adressée et me ditÊ: « Ne soyez pas surpris de ce que je vais faire. » Dans l'état où je me trouvais j'aurais été bien incapable de m'insurger ou de m'étonner. L'homme de l'art prit une paire de ciseaux et me coupa une mèche de cheveux. Puis il saisit un pendule et s'installa devant une petite table qui supportait une bonne dizaine de tubes en verre opaque.

Il interroge les "témoins"
Pendant 20 minutes, ma mèche de cheveux dans la main gauche et son pendule dans la main droite, il « interrogea » chacun des tubes. La boule argentée suspendue au bout de la chaînette réagissait de diverses manières et même parfois ne réagissait pas du tout. Enfin, après un silence qui dura l'éternité, le médecin retourna s'asseoir à son bureau en face de moi, hocha plusieurs fois la tête, ce qui me semblait de mauvais augure, et dit :

« Vous n'avez rien d'autre qu'une terrible fatigue qui a entraîné des carences dangereuses. Supprimez complètement le gardénal. Je vais vous prescrire un fortifiant et je vais écrire à votre médecin pour qu'il vous octroie un mois de convalescence. Après ça, vous viendrez me dire comment vous vous portez, mais je suis sûr que vous vous porterez très bien. » J'ai cru voir et entendre le bon Dieu !

Un mois plus tard, rafistolé, guéri, heureux, j'ai repris le chemin de Rennes où le grand docteur sorcier coupait toujours les cheveux de ses clients.

J'ai sû quelque temps plus tard ce que contenaient ses fameux tubes-témoins. Ils renfermaient les éléments fondamentaux de la matière vivante et de son développement : soufre, chlore, phosphore, potassium, magnésium, hydrogène, oxygène, carbone, azote, sodium, des protéines, des acides aminés et des acides nucléiques, de sorte que, par la grâce de son pendule et d'une sensibilité inexplicable autant que mystérieuse, le médecin pouvait savoir ce qui manquait dans le fonctionnement de la mécanique humaine.

Moyennant quoi, ses ânes de collègues, le traitaient de charlatan !

Jacques Arnal – Paris
Magnetisme
Jacques Arnal : Le Cosmos vivant

 
 
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