JACQUES ARNAL

 

LE COSMOS VIVANT
Brève histoire de la Vie



Livre III
L'HOMME ET SES POUVOIRS

 
"J'accorde volontiers
que ce qui me paraît inconcevable
à la lueur du peu que je crois savoir
pourrait cesser de me le paraître
à la lumière de tout ce que j'ignore."

Jean Rostand

La cinquième force
Le programme

 
Nous venons de la poussière! Oui, mais de la poussière d'étoiles. Nous venons du Cosmos! Oui, et d'un Cosmos devenu vivant.Toute la grandeur et toute la misère de l'esprit humain dépendent d'un amas de 50 milliards de cellules nerveuses connectées par plusieurs trillions de liaisons fibreuses reliées en un système compliqué d'échanges de nature électrique et chimique. Ces cellules parlent entre elles, se donnent des informations réciproques, reçoivent et transmettent des ordres, peuvent agir en certains cas de leur propre initiative. Que quelques unes d'entre elles viennent à mourir et le prodigieux équilibre est rompu. L'œil qui découvrait l'empire des galaxies, sondait les profondeurs du corps humain, le cerveau qui pesait les particules, la main qui sculptait, peignait ou écrivait s'effondrent sur eux-mêmes, anéantis, vaincus, allant rejoindre dans un monde extérieur d'autres équilibres et d'autres harmonies. Le colosse aux pieds d'argile infiniment puissant et faible infiniment. L'Homme inventa l'esprit pour refuser la mort.

 
L'Homme tridimensionnel:
mental, viscéral et cosmique

L'animal était-il construit pour fabriquer un jour l'esprit et dominer le monde? Sans aucun doute. Si le grand primate a quitté le couvert des bois, s'il s'est redressé, s'il a déclenché la plus hallucinante métamorphose, c'est que cela était dans l'ordre des choses. C'est que la matière vivante portait en elle cet élément supplémentaire, cette étincelle miraculeuse qui venait du fond des temps et correspondait à la volonté de la Vie pour trouver son apogée dans cette boule de 1 400 centimètres cubes, chiffonnée, plissée, molle, troublante: la cervelle humaine.

 
Maladie, mort, l'Homme supporte stoïquement l'une sans comprendre et tente d'écarter l'autre en pénétrant ses secrets. Résultats concluants? Sans doute puisque l'espérance de vie qui était de trente ans sous Louis XIV est passée à 70 ans aujourd'hui. Parviendra-t-on à supprimer totalement l'échéance de la mort? Non, car le résultat serait contraire à la grande loi cosmique de la transformation.

 
Au long des milliards d'années le vivant s'est doté d'un puis de deux systèmes nerveux pour le défendre efficacement contre tous les périls. De sorte que l'Homme offre d'emblée l'image de deux corps étroitement imbriqués, en communications réciproques constantes mais n'ayant ni les mêmes sources d'information ni les mêmes attributions: un corps mental dominé par le cerveau, la conscience et la volonté, et un corps viscéral représentant la vie obscure des organes.

 
Le corps mental est à l'écoute du monde extérieur. Le corps viscéral, par son rôle et sa nature est incontestablement plus près des réactions profondes de la matière vivante, plus près des commencements. Ses manifestations dans le comportement instinctif représentent vraiment l'intelligence cosmique adaptée au vivant, une intelligence au premier degré, pure de toute préoccupation qui ne correspondrait pas à la satisfaction de besoins essentiels.

 
La vie des organes est une vie intense, multiforme, complexe dont les aspects reflètent la nécessité qui les a fait naître et se transformer au cours des âges. Les viscères sont plongés dans le liquide chaud du milieu intérieur mais il est certain qu'eux aussi, comme les organes des sens, sont à l'écoute du Cosmos dont les forces les enveloppent et les traversent. De sorte qu'il n'est pas inconcevable d'estimer qu'au fond, et contrairement aux apparences, les connaissances de toutes sortes stockées par les viscères sont plus vastes que les connaissances télégraphiées au cerveau par les seuls organes sensoriels.

 
Nous savons en effet que les viscères, les humeurs, les tissus, les glandes, réagissent constamment les uns sur les autres, se communiquent des informations, fabriquent en cas de besoin les éléments nécessaires au voisin. Cette incessante activité se développe dans une harmonie merveilleuse, chaque cellule sachant exactement ce qu'elle doit faire, où et quand elle doit le faire. Elle est dotée d'une mémoire héréditaire nourrie au cours de milliards d'années d'évolution, mémoire qui a gardé jalousement la succession précise et l'enchaînement des organes créés au rythme d'une horloge moléculaire que seules la maladie, la vieillesse et bien entendu la mort peuvent dérégler.

 
De sorte qu'au niveau de la vie organique le corps viscéral est évidemment mieux renseigné sur la marche de "l'usine" que le corps mental dont l'action s'étend principalement vers l'extérieur. Le corps viscéral "sait" avant le corps mental ce qui va lui arriver dans un avenir prochain. Si la nouvelle est de peu d'importance elle ne parvient pas, ou à peine, au niveau de la conscience, le cerveau ne l'enregistre pas et par conséquent ne peut en discuter. Elle reste dans l'inconscient. Mais si la nouvelle est d'importance le cerveau la reçoit et la soumet à son jugement pour en déduire les conséquences. On a vu par exemple des moribonds sortir brusquement du coma, réunir leurs proches autour d'eux pour l'adieu final, dicter leurs dernières volontés et mourir. Une sensation aigüe venant du corps viscéral était montée jusqu'à la conscience pour lui révéler une vérité que lui seul pouvait connaître dans sa tragique fatalité.

 
Au moment même de sa mort, Anatole France sortit du coma pour murmurer "C'est donc cela la mort." Et Sacha Guitry eut la force de dire à sa dernière femme "Ne regardez pas, madame, ce n'est pas un spectacle." On a même vu des personnes semblant en bonne santé éprouver le pressentiment de leur mort que rien ne paraissait annoncer... et mourir. Là aussi le corps viscéral responsable de l'avertissement avait exprimé dans une information précise un état qui montait sourdement du peuple des organes et n'était pas saisissable par les moyens ordinaires de la pensée.

 
Les médecins connaissent bien cette sorte de prémonition qui ne repose sur aucun critère expérimental. Ils savent également que le corps viscéral se trompe rarement.

  
Le troisième corps et la force psychique
Transmission de pensée. Télépathie

Corps mental volontaire ou cervical, corps viscéral autonome et automatique, fondus l'un dans l'autre, à la merci l'un de l'autre, composent l'individu. Ils reposent sur les mêmes bases matérielles, c'est-à-dire sur le monde des molécules, des cellules et sont par conséquent fixés dans un espace aux mêmes dimensions, celles du corps humain. Ils sont donc soumis l'un et l'autre à des possibilités identiques de déplacement physique.

 
C'est là où le psychologue dresse l'oreille car il est de plus en plus évident que des phénomènes étranges dépassent l'individu dans ses dimensions et ses possibilités normales. Par exemple la transmission de pensée à distance sans aucun support matériel est entrée aujourd'hui dans la réalité des études scientifiques auxquelles se livrent des laboratoires de parapsychologie dans les plus grands pays.

 
Ce phénomène de dédoublement du moi, connu depuis l'antiquité, a donné lieu bien entendu à des interprétations diverses dans lesquelles les démiurges avaient leur part, preuve supplémentaire de ce besoin qui porte les hommes à chercher des associés, voire des complices ailleurs que dans la société des humains. De nos jours où la parapsychologie n'est plus la maladie honteuse de l'esprit, la question se pose plus clairement en ces termes: comment la pensée peut-elle voyager dans l'espace et dans le temps sans recourir aux organes naturels des sens?

 
Les deux corps, mental et viscéral, étant liés sans possibilité de rupture, comment peut-on comprendre et expliquer l'évasion de la pensée avec toutes ses facultés d'observation, de constatation et de mémorisation?

 
Réfléchissons à ce problème sans faire appel aux enchanteurs, mages ou prophètes. La pensée voyage hors du corps humain, c'est un fait indiscutable. Elle rapporte des informations trouvées dans d'autres pensées ou dans n'importe quel coin du vaste monde, c'est un autre fait non moins indiscutable.

 
Comment cela est-il possible puisque seul le corps mental, siège de la conscience, pourrait se charger de ce prodige? Or, on sait que le cerveau n'est renseigné que par ses organes sensoriels et que ces derniers sont limités dans leurs possibilités. Le corps viscéral? Il est bien trop occupé par l'administration du peuple dont il a la charge et l'entretien. Alors?

 
Alors la seule solution possible est l'intervention d'un élément invisible, d'un troisième corps qui remplirait cet office. D'ailleurs, à y regarder de près, à retourner le problème sous tous ses aspects, on ne voit pas d'autre solution: un troisième corps calqué sur les deux premiers, entretenant avec eux les rapports qu'ils ont eux-mêmes entre eux, participant au moindre élément de leur vie, doué d'une autonomie complète et pouvant dans certaines circonstances se séparer des deux premiers qu'il viendra rejoindre par la suite. En quelque sorte une empreinte fidèle, une émanation dotée des facultés d'observation, de constatation et de mémorisation, animée par une énergie particulière.

 
Donnons à cette entité le nom de "corps cosmique" puisqu'il va puiser son énergie aux sources de la vie, elle-même résultat du jeu des forces universelles.

 
Ainsi apparaît l'Homme tridimensionnel, mental, viscéral et cosmique, synthèse minuscule et gigantesque à la fois de tous les éléments composant l'Univers, particule de Cosmos en mouvement.

 
Récepteur, transformateur, émetteur, ainsi apparaît l'Homme sous ses trois aspects. Tout au long de sa vie terrestre il est soumis aux grandes forces qu'il transforme à son bénéfice et, comme tous les objets, il rayonne lui-même de l'énergie, rendant d'un côté sous une forme nouvelle ce qu'il avait reçu dans son berceau.

 
Le corps viscéral écoute le "tumulte silencieux" des organes. Le corps mental tend ses antennes vers l'univers visible de la matière en imaginant l'univers invisible des idées. Le corps cosmique traduit les autres influences que ses deux associés ne peuvent expliciter.

  
Les pouvoirs endormis

La différence essentielle entre le mental, le viscéral et le cosmique réside dans leur rôle respectif et l'étendue de leurs pouvoirs. Le premier et le second sont limités par l'enveloppe corporelle qui les abrite. Le viscéral tourne ses yeux vers l'intérieur sans pouvoir sortir des frontières du corps physique. Le mental lève les siens vers le ciel mais dépend lui aussi du fonctionnement des inévitables cellules nerveuses. Seul le corps cosmique par sa nature et parce qu'il est l'esprit, l'énergie à l'état pur, s'évade à son gré de la prison corporelle pour voyager où bon lui semble.

 
Cependant s'il peut ainsi se soustraire à toutes les contraintes, la traduction au cerveau de ses découvertes, c'est-à-dire l'apport à la conscience du résultat de son voyage, est une faculté rare que possèdent bien peu d'individus. Ceux qui sont capables de déclencher dans l'esprit comme dans le corps des phénomènes parapsychologiques précis et interprétables se comptent sur les doigts de la main alors que chaque cerveau humain possède en lui une organisation nerveuse qui ne demanderait qu'à fonctionner. Peut-être, sans doute même, le développement de ces pouvoirs encore endormis s'inscrit-il dans le développement du cerveau de l'Homme futur.

 
On peut évidemment réfuter et même rejeter purement et simplement cette construction qui semble relever de la pure imagination. (La première idée théorique du neutrino, fantôme de particule élémentaire, remonte à 20 ans. Son existence réelle vient seulement d'être démontrée.).

 
On peut évidemment balayer ces vaticinations imprudentes au nom de la pensée cartésienne. Cependant, devant la réalité de plus en plus éclatante des phénomènes parapsychologiques, notamment devant la télépathie, l'un des plus spectaculaires d'entre eux, devant les observations faites en laboratoire par d'indiscutables savants, on est bien obligé de reconnaître, comme Candide, "qu'il y a quelque chose".

 
Or, on ne peut trouver une explication satisfaisante à ce quelque chose qu'en faisant intervenir un élément nouveau de liaison et de détection entre tous les supports de la vie. Il devient alors patent que le corps cosmique de l'Homme, le troisième corps, répond parfaitement à cette attente et permet de comprendre du même coup tous les phénomènes paranormaux jusqu'à présent si mystérieux.

 
Rappelons en passant que nous avons en France dans ce domaine beaucoup de retard et que les laboratoires spécialisés de Russie ou des U.S.A. ont déjà récolté une moisson de résultats dont l'avenir fera le plus grand profit.

 
Nous ne demandons pas aux doctrinaires de nous suivre, d'ailleurs ce livre ne leur est pas destiné. Il s'adresse à ceux qui cherchent comme nous, humblement, modestement, une explication aux questions que nous nous posons tous.

 
Ainsi le corps cosmique, nécessaire au plein épanouissement de l'individu, est à nos yeux plus qu'une réalité, il est un besoin. Sans lui l'Homme serait réduit à deux aspects, complémentaires, certes, mais inachevés et qui surtout n'expliqueraient pas la totalité des phénomènes dont il est le centre.

 
Nous avons parlé de la télépathie qui est l'une des données les plus immédiates de la parapsychologie parce qu'elle comporte la possibilité de vérifications. Il est bien évident cependant que les pouvoirs du corps cosmique ne s'arrêtent pas là. Sa nature, de même essence que l'Energie fondamentale dont elle n'est qu'un avatar, suppose des possibilités illimitées. Autant les corps mental et viscéral sont rivés à la matière dont ils ne peuvent s'évader, leur vie durant, autant le corps cosmique, libéré de toute entrave peut réaliser ce qui paraît impossible: l'instantanéité aussi bien que l'ubiquité, c'est-à-dire qu'il peut être partout instantanément dans le vaste Univers.

 
Nous avons vu qu'il existait une vitesse maximum dans la propagation des grains de lumière, vitesse qui marque l'une des limites de la matière et entraîne la suspension du temps. De même qu'il ne se produit rien au-dessous de 273°15, froid absolu empêchant le rayonnement électromagnétique, il ne se produit plus rien au-delà des 300.000 km seconde dans la course des photons. Le froid absolu rejoint ici la vitesse absolue pour suspendre la marche de la vie.

 
En fait il s'agit de la matière, limitée par sa structure, par sa masse, par son poids, qui rencontre toujours quelque part une résistance quelconque. Il n'en va pas de même de l'énergie pure constituant le troisième corps. Plus de vitesse limite pour l'esprit et, comme l'Energie du Cosmos est présente partout, plus de limite spatiale non plus, si lointaine soit-elle.

 
Le troisième corps peut donc voyager librement dans l'espace et dans le temps. Plusieurs exemples cités par des psychologues établissent que l'esprit, disons la pensée, peut entrer en contact avec des éléments, des objets, des phénomènes indépendants.

 
De la même manière le "voyage" dans le temps passé ou présent rapporté par plusieurs médecins, serait parfaitement inexplicable sans l'intervention du corps cosmique.

 
Des médecins, des exorciseurs officiels (qui sont prêtres et psychiatres à la fois) ont aussi noté des expériences de "xénoglossie" : un individu, plongé dans un état second, se met à parler une langue étrangère, actuelle ou ancienne, qu'il ne pouvait absolument pas connaître.

 
L'état second est déjà un dédoublement plus ou moins accentué de la conscience pouvant provenir d'un traumatisme, d'un toxique stupéfiant, d'une hypnose ou de toute autre cause, qui prépare ou accompagne l'aventure du corps cosmique. Celui-ci entre alors en contact avec des corps cosmiques étrangers et rapporte au corps mental des impressions allant jusqu'aux expressions précises d'un langage.

 
Fantaisie? Absurdité?

 
Alors, expliquez autrement des phénomènes sur lesquels les plus grands savants, tout en reconnaissant "qu'il y a quelque chose", gardent le silence faute de pouvoir les comprendre rationnellement par les moyens habituels de la science.

 
Mais le plus beau de l'histoire c'est que la science pure nous offre la démonstration de ce quelque chose d'inexplicable, la preuve que des liaisons peuvent s'établir en dehors de toutes les normes connues, à un niveau qui ne suppose ni force, ni énergie mais une "influence" directe, occulte pourrait-on dire, sans supports matériels, entre les parties intéressées.

 
En 1935 à l'Université de Princeton (USA), trois chercheurs, et non des moindres: Einstein, Podolsky, Rosen (excusez du peu), démontrèrent que deux particules issues d'une même source restent en liaison, quel que soit leur éloignement l'une de l'autre, le comportement de l'une affectant immédiatement le comportement de l'autre. En des termes différents l'information entre les deux particules est instantanée et infiniment plus rapide que la lumière qui passe pour être la limite absolue du déplacement de toute chose.

 
Panique chez les scientifiques devant cette démonstration paradoxale (connue d'ailleurs sous le nom de "paradoxe EPR", car seule la pensée, élément impondérable, peut dépasser la vitesse de la lumière puisqu'elle est instantanée.

 
Alors, la pensée de l'Univers est-elle partout présente à elle-même, dans toutes ses parties ? et la pensée de l'Univers n'est-elle pas le Dieu des origines ?

 
Vertige

 
- Pourquoi pas ! m'a dit Séverine.

  
Télékinésie - Lévitation - Possession

Une autre manifestation parapsychologique spectaculaire est le déplacement des objets à distance: la télékinésie, psychokinèse ou lévitation.

 
Il ne s'agit plus d'une amputation de l'Homme tridimensionnel par le départ momentané de son corps cosmique mais au contraire d'une centralisation, d'une concentration de forces qui sont détournées de leur vocation normale.

 
La vie organisée résulte de l'harmonieuse assistance de tous les éléments qui la composent. Si l'un d'eux ne remplit pas son rôle les autres se mobilisent pour le remplacer, nous l'avons vu au travers de quelques exemples. Il s'agit dans cette hypothèse d'un élément du corps, cellules, tissus, organes et le secours monte de l'intérieur, des effets conjugués du viscéral et du mental avec toutes les ressources dont ils disposent. Mais s'il y a brusque concentration d'énergie orientée vers l'extérieur, consciemment ou inconsciemment, des phénomènes inconnus peuvent se produire. C'est le cas notamment de la lévitation ou déplacement d'objets à distance sans intervention matérielle.

 
Des expériences tentées et réussies dans les laboratoires spécialisés, en présence de savants, entourées de toutes les garanties scientifiques, sont entièrement concluantes. Certains "sujets" sont parvenus à déplacer des cylindres, des cubes... sur quelques centimètres, parfois sur plusieurs décimètres, par la seule force de leur concentration mentale.

 
Ce sont des faits précis, indiscutables, enregistrés et filmés.

 
D'autres sujets ont arrêté le mouvement d'une horloge, actionné un pendule, fait tourner une bille dans un cercle, brouillé un enregistrement magnétique... Nous sommes dans ce domaine au temps de Galilée "et pourtant elle tourne". Et pourtant on peut "lire" dans la pensée des autres, et pourtant on peut "voir" à distance, et pourtant on peut déplacer des objets "comme par magie".

 
Des témoins dignes de foi ont relaté de grandes lévitations auxquelles ils disent avoir assisté, déplacement de meubles, corps humain s'élevant lentement au-dessus du sol... Mais là il faut être prudent et circonspect.

  
Comment cela est-il possible?

En 1930 le docteur Eugène Osty, succédant au docteur Geley, examina un "sujet" autrichien, Rudy Schneider, au cours d'expériences de télékinésie pratiquées dans son laboratoire, expériences qui offraient ainsi toutes les garanties de sérieux et d'authenticité. Il prit un grand nombre de photographies sous diverses lumières, ordinaire, artificielle, infrarouge, qui saisissaient seconde après seconde toutes les phases de l'opération. Le docteur et ses assistants constatèrent en examinant ces documents qu'à l'infrarouge une substance gazeuse, blanchâtre, reliait les mains du sujet à l'objet en cours de déplacement.

 
Nulle fraude n'était possible et les médecins, persuadés qu'ils venaient d'isoler une nouvelle et mystérieuse énergie proposèrent de l'appeler "énergie médiumnique", ce qui n'était pas très heureux, le terme de médiumnique fleurant le charlatanesque. Malgré ces preuves difficilement réfutables les irréductibles contestent toujours, invoquant des interférences lumineuses.

 
Faut-il rappeler que le grand savant Marcelin Berthelot, spécialiste de la synthèse des corps organiques, mort en 1907, contesta farouchement toute sa vie la réalité des atomes!

 
Les expériences du docteur Osty, de l'avis même des spécialistes, ne peuvent être taxées de légèreté. Rudy Schneider présentait de son côté des accidents du comportement allant des sueurs aux délires et aux transes en passant par des accélérations du pouls et de la respiration qui n'étaient possibles que dans une condition tout à fait paranormale.

 
Quoi qu'il en soit il n'est pas douteux que le docteur Osty ait fait probablement l'une des plus grandes découvertes de la parapsychologie expliquant aussi bien les lévitations que les prétendues apparitions fantomatiques qui ne seraient ainsi de la part du "sujet" qu'une extériorisation visible d'un faisceau d'énergie.

 
Par quel procédé ce rayonnement a-t-il pu se manifester, quel cheminement a-t-il suivi dans les transmissions nerveuses du corps humain? Les chercheurs nous l'apprendront comme ils apprendront certainement à le domestiquer pour le bonheur ou le malheur d'une humanité qui n'est pas au bout de ses peines.

 
Science fiction? Le sous-marin de Jules Vernes marchant à l'énergie nucléaire, les avions dessinés par Léonard de Vinci, étaient aussi de la science fiction. Qui aurait cru au XIXe siècle à la télévision?

  
"Magnétisme" humain

La découverte du docteur Osty nous amène tout naturellement au problème du magnétisme humain, c'est-à-dire au rayonnement plus ou moins sensible qui émane de l'être vivant.

 
Les photographies réalisées par l'électronicien soviétique Kirlian ont établi que tous les corps en état de vie, placés au contact d'une pellicule photographique entre deux plaques métalliques reliées à une source de courant électrique montrent autour d'eux une frange lumineuse, une aura qui change de couleur et d'intensité selon l'objet et selon l'état de l'objet.

 
Qu'il s'agisse d'un fluide, d'après la terminologie discutable des guérisseurs ou d'un simple phénomène de recombinaison d'ions et d'électrons, d'après les physiciens, on se trouve en présence d'un rayonnement et par conséquent d'une énergie.

 
Savoir si cette énergie, distribuée généreusement par les mains tendues des guérisseurs, est bénéfique ou maléfique est une autre histoire dont nous laisserons la responsabilité aux "magnétiseurs", elle s'identifie de toute façon à celle de Osty. Ce qu'il faut retenir est son indiscutable présence. D'ailleurs rien n'est plus naturel que ce rayonnement, partie intégrante des ondes qui nous pénètrent, nous enveloppent de toute part et dont Marie Curie disait qu'il s'agit d'un phénomène universel.

 
La connaissance objective du magnétisme humain remonte à l'aurore de la pensée et fut précisée dans l'Evangile de saint Marc (XVI, 18) en ces termes: "...Ils imposeront les mains aux malades et les malades seront guéris". Phrase quelque peu imprudente à laquelle se réfèrent tous les guérisseurs, sectes et églises qui veulent respecter l'intégralité du texte. Ces guérisseurs, que les médecins appellent si gentiment les "Bâtards d'Esculape" ont-ils tous "le don" de projeter des ondes autour d'eux? Certainement, comme chacun d'entre nous, à cette différence essentielle que leur intensité est aussi variée que les individus eux-mêmes.

 
Peut-être ce geste millénaire de protection et de sauvetage, associant dans un choc psychologique l'énergie de Osty à l'autosuggestion n'est-il que le détonateur des forces rassemblées dans les trois corps de l'Homme et dont les médecins connaissent l'énorme pouvoir de guérison.

  
Hypnose. Rêve

De nombreux savants se sont penchés sur le phénomène de l'hypnose. Ils en ont tiré des enseignements pour le diagnostic ou la thérapeutique des maladies mentales. En somme un moyen de tester, de vérifier les rouages, les circuits, les relais de la fantastique usine du cerveau.

 
Les phénomènes d'hypnose sont si connus qu'ils font partie de la vie courante au même titre que le magnétisme humain dont ils ne sont au fond qu'un aspect particulier, comme ils ne sont aussi qu'une facette de l'énergie de Osty.

 
Cependant si les guérisseurs emploient les mains comme organes de transmission, les hypnotiseurs recourent au regard et comptent sur le degré de réceptivité du patient. Car certains se sont construit consciemment ou inconsciemment des barrières mentales que rien ne peut franchir. Question de longueur d'onde? Peut-être. Ceux dont la longueur d'onde correspond à celle de l'hypnotiseur sont des patients tout désignés à son influence.

 
Le phénomène de l'hypnose conduit à celui du rêve puisque l'activité réfléchie de l'individu est suspendue au profit d'une activité interne inconsciente. Le rêve, phase agitée du sommeil, est ainsi la variante anarchique de l'hypnose mais elle a ceci de particulier, d'angoissant et de passionnant qu'elle met en lumière le caractère tridimensionnel de l'Homme dans sa totalité complexe.

 
Le rêve va permettre ainsi de pénétrer dans le sanctuaire le plus mystérieux du vivant. Les psychanalystes classent ainsi les matériaux du rêve: souvenirs infantiles, souvenirs récents, passions (amour, haine, envie, sexualité), désirs refoulés, stimulations internes et externes. Nous y ajouterons les prémonitions qui dépassent déjà le catalogue des connaissances médicales et laissent percer le bout de l'oreille du paranormal. Les paroxysmes culminent dans les hallucinations et les cauchemars.

 
Ce sont naturellement les stimulations externes qui nous intéressent particulièrement puisqu'elles vont révéler les prodigieuses dimensions du problème humain.

 
Les physiologistes se sont attaqués à la citadelle avec toute la puissance de leur technique et ils ont fait une découverte imprévue: c'est au moment où l'électrœncéphalogramme ressemble le plus à l'état de veille que le sujet est le plus isolé du monde extérieur. Imprévue puisque le rêve apparaît dès lors comme une sorte d'éveil sur le monde intérieur, situation si insolite que les spécialistes, faute de mieux, lui ont donné le nom de "phase paradoxale".

 
Eveil sur le monde intérieur, activité diffuse du système nerveux central malgré la privation du tonus musculaire et des perceptions sensorielles. Dans cette sorte d'isolement s'installe une conscience libérée des contraintes ordinaires.

 
Les penseurs de tous les temps ne sont jamais restés indifférents à cette vie mystérieuse dont ils ont deviné les liens avec le monde cosmique et qui leur a toujours paru chargée d'une foule de significations.

 
Pour les psychanalystes, ces plongeurs en âme profonde, les révélations émergeant du rêve qui vient de toucher les rivages du mental, du viscéral et du cosmique revêtent la plus grande importance. Non seulement elles permettent de mieux comprendre l'individu, ses phantasmes, ses désirs, ses névroses, mais aussi de saisir parfois l'un des secrets de la vie.

  
Les prémonitions

Le phénomène de la prémonition, de la "connaissance d'un avertissement" est le plus complexe de la parapsychologie. Alors que tous les phénomènes paranormaux sans exception trouvent une explication satisfaisante par l'intervention du corps cosmique, la prémonition, dont les exemples fourmillent et dont il n'est pas possible de méconnaître le sérieux, voire l'impressionnant, fait intervenir une notion hors de notre échelle, la notion du "temps à rebours".

 
Tout se déroule comme si notre passé était en réalité notre avenir, comme si les événements futurs s'étaient déjà déroulés quelque part et venaient à notre rencontre.

 
Il y a deux sortes de prémonitions, la prémonition rapprochée concernant un événement dont la réalisation se produira bientôt et la prémonition éloignée concernant un événement qui se manifestera dans un temps plus ou moins long.

 
En ce qui concerne la prémonition rapprochée l'événement s'inscrit dans un ensemble de faits qui, s'ils sont tous connus rendent cet événement prévisible. Il s'agit là d'une opération mentale étroitement apparentée au travail d'un ordinateur. Mettez dans la machine humaine (ou électronique) tous les éléments intérieurs et extérieurs du problème et la solution apparaîtra parce qu'elle est une conséquence logique de ces éléments: l'avertissement d'une mort prochaine en cas de maladie, d'un accident dans une compétition sportive, d'une surprise agréable ou désagréable liée à la vie de chaque jour, d'un événement politique, familial ou professionnel... entrent dans cette catégorie et ne bousculent pas notre notion du déroulement du temps. L'avenir est bien là, devant nous et il sera ce que nous l'aurons fait.

 
Quelquefois des faits précis semblent se rattacher aux prémonitions rapprochées et mettent en mouvement des éléments plus complexes qui soulèvent déjà la notion du temps. Un exemple situera mieux cet aspect du problème: Dès la rentrée scolaire d'octobre 1928 à Paris, un adolescent de quinze ans se mit à rêver de plus en plus souvent de la mort de son père, homme robuste de cinquante-trois ans, fondé de pouvoirs d'un industriel. Le 7 mai 1928 l'homme mourait dans une clinique de la rue Chasseloup Laubat d'un flegmon dans la gorge, accident imprévisible quelques semaines auparavant. Pourtant l'adolescent "savait" depuis sept mois.

 
Les cahiers de parapsychologie sont remplis de ces prodiges, de ces "visions de l'âme" dont quelques-unes ont été incontestablement authentifiées mais il faut prendre grand soin d'éviter les interprétations fantaisistes de témoins secondaires qui déforment la réalité en toute bonne foi.

 
La prémonition à très longue échéance pour des faits que rien ne pouvait laisser prévoir est une autre affaire. Les exemples les plus célèbres de cette vision lointaine, et les plus aisés à analyser parce qu'ils sont écrits, résultent des cogitations - oh combien discutées - d'un médecin de Montpellier, Michel de Nostredame, dit Nostradamus, descendant de la tribu d'Issachar, vraisemblablement versé dans l'enseignement de la Kabbale, qui vécut de 1503 à 1556 au grand moment où un peuple d'astrologues se partageaient le ciel et la terre.

 
Ses quatrains composent la matière des Centuries, écrites comme l'Apocalypse de saint Jean, dans une langue ésotérique où le voyageur trouve exactement ce qu'il veut bien y trouver. Nouvelle version de l'autosuggestion à travers un texte écrit. Pourtant, çà et là, ceux qui ne se découragent pas, découvrent des lueurs impressionnantes posant le véritable problème de la prémonition à long terme et par conséquent celui du sens du déroulement du temps.

 
Installé, la nuit, dans son observatoire de Salon-de-Provence, retranché du monde des vivants, vaguement éclairé par la lueur d'une chandelle, les yeux perdus dans l'infini des plaines célestes, Nostradamus se mettait lui-même dans cet état second qui prépare la libération de l'esprit et rend possible la mystérieuse aventure du corps cosmique. La nature même et la longueur de son œuvre, par conséquent la fréquence et l'importance de ses méditations abstraites marquent bien la disposition particulière de son esprit tourné vers le Cosmos. Elles font songer aux oracles antiques au cours desquels le devin restituait en paroles plus ou moins cohérentes des impressions venues du tréfonds de sa conscience libérée du poids de la matière.

 
Ses deux plus célèbres prédictions, parce que les plus compréhensibles, concernent la mort d'Henri II et la Révolution française de 1789.

 
Voyons la première: le 30 juin 1559, à l'occasion du mariage de Marguerite de France avec le duc de Savoie, un tournoi fut organisé rue Saint-Antoine à Paris. Le chevalier "tenant" devait courir trois fois. L'un de ces chevaliers, contrairement à la coutume qui recommandait au monarque de ne pas prendre part à un duel, était le roi Henri II lui-même désireux de marquer ainsi l'importance qu'il donnait à l'événement. Le roi vainquit d'abord Savoie, puis Guise, avant d'attaquer Montgomery. Au cours de ce troisième assaut, qui aurait dû être le dernier, l'extrémité des lances se rompit sans qu'aucun des combattants eût été désarçonné. Insatisfait du résultat le roi désira immédiatement un quatrième assaut. Montgomery, sans doute surpris, conserva incompréhensiblement la lance qui venait de lui servir et l'extrémité brisée de l'épieu pénétra dans la visière du roi, lui crevant un œil pour ressortir par l'oreille. Dix jours plus tard, Henri II mourait dans les plus cruelles souffrances.

 
Ce drame est bien connu des historiens. Or, avant mai 1555, date de la première édition des Centuries, Nostradamus avait écrit: (35e quatrain de la 1e Centurie)

 
     Le Lyon jeune le vieux surmontera
     En champ bellique par singulier duelle,
    En cage d'or les yeux lui crèvera,
    Deux classes une puis mourir fort cruelle.


 
Le "Deux classes une" se réfère probablement aux trois assauts pour "mourir ensuite fort cruellement" mais le reste paraît si clair que les exégètes, habitués aux obscurités complices de l'auteur, se sont donnés bien du mal pour trouver une autre signification. L'identité des deux personnages ne fait aucun doute: deux lions face à face, l'un étant la figure héraldique de la Garde écossaise à laquelle appartient Montgomery-le-jeune, l'autre représentant le signe astrologique du roi de France. La cage d'or est évidemment le casque de l'armure revu et corrigé par le symbolisme du conteur. Il n'y a donc aucun doute sur les personnes et sur les événements.

 
1555, 1559, quatre années séparent les deux dates, celle du texte et celle des faits qui étaient parfaitement imprévisibles.

 
Un autre astrologue, Luc Gaurico, avait, en 1556, conseillé au roi de se méfier d'un duel, ce qui paraissait invraisemblable puisqu'aucun souverain, en principe, ne devait se mesurer à aucun adversaire, sauf pendant une guerre évidemment.

 
Voyons la deuxième prédiction. Préoccupé d'événements révolutionnaires, Nostradamus retient dans un quatrain la date de 1792 qui déterminera une "rénovation" de siècles. Or, le 10 août 1792 le roi Louis XVI était interdit et la royauté abolie. Puis décidément bien inspiré cette nuit-là le visionnaire de Salon-de-Provence indique qu'il se passera quelque chose "de nuict" et par une route tortueuse jusque "dedans Varennes". Invraisemblable! Le nom de Varennes, petite bourgade parfaitement ignorée, est cité noir sur blanc. Or, Louis XVI, ayant fui nuitamment devait être arrêté à Varennes le 21 juin 1791. Et Nostradamus termine son quatrain par ces mots qui n'ont rien de cabalistiques et préfigurent la tragique vérité historique: "Cause tempeste, feu, sang tranché". La Terreur ne pouvait pas être mieux résumée.

 
1577 - 1792: 215 années

 
Si l'on refuse la "coïncidence" des rationalistes, si les voix de la nuit peuvent apporter des avertissements, comment inclure la prémonition lointaine dans un système cohérent sans être tenté de renverser le cours du temps? Comment ne pas être tenté, contre toute logique et tout sens commun, de mettre le passé à la place de l'avenir et d'admettre que viennent vers nous des événements qui ont déjà eu lieu, que l'avenir est en réalité le passé et que le corps cosmique peut voyager dans le futur comme il voyage dans le présent et dans le passé?

 
La prémonition lointaine est l'un des phénomènes inexplicables que nos quatre dimensions et nos moyens intellectuels ne permettent pas encore de comprendre même en faisant intervenir la notion de "mondes parallèles" qui ne nous semble ni claire ni évidente. Nous avons voulu garder les pieds sur terre autant qu'il était possible et cela suppose des limites à nos constatations et surtout à nos conclusions.

  
*

Peut-on voir l'avenir? Séverine m'a répondu "je ne sais pas, il faudrait me raconter une histoire."

 
Et je lui ai conté l'histoire suivante: une petite fille était assise depuis toujours sur une chaise devant sa fenêtre ouverte. Elle voyait marcher des gens, dans le même sens, et s'imaginait que le futur, le présent et le passé s'inscrivaient entre les deux battants de sa fenêtre, qu'il n'y avait rien avant et rien après. Un jour elle monta sur le toit de sa maison et vit venir au loin tous les gens qui allaient défiler devant elle. Regardant de l'autre côté elle vit s'éloigner tous les gens qui étaient déjà passés. Elle comprit que le futur et le passé existaient bien avant et bien après sa fenêtre et qu'on pouvait les voir dans certaines conditions.

  
Les miracles

Quand la pensée débusque des faits dont la cause échappe à la raison elle parle de "miracles" et peu de vocables ont caché de tous temps des affirmations plus contradictoires.

 
Cependant les esprits forts ne s'y sont pas laissés prendre et Jean-Jacques Rousseau hoche la tête d'un air sceptique en faisant observer que si Dieu a tout prévu on ne peut croire que des choses imprévues puissent se produire.

 
C'est puissamment raisonné et Voltaire ajoute en grommelant: "...l'ordre prodigieux de la nature, la rotation de cent millions de globes autour d'un million de soleils, l'activité de la lumière, la vie des animaux sont des miracles perpétuels".

 
Et voici le cadre du miracle tracé en quelques mots par ces intelligences supérieures. En fait, rien n'est surnaturel dans la nature, il n'y a que de l'inexpliqué et il est constant que plus la science est développée, plus l'esprit critique est affirmé et moins les miracles sont nombreux, plus ils perdent de leur grandeur pour cesser un jour complètement.

 
Alors que reste-t-il au fond de notre écuelle? nous qui n'avons plus le char de feu du prophète Elie, le poisson Oannès sortant de l'Euphrate pour prêcher sur le rivage, Samson exterminant mille Philistins avec une mâchoire d'âne, les murs de Jéricho renversés par la trompette, les flammes s'écartant du bûcher de Polycarpe, la tête d'Orphée rendant des oracles, les murailles de Thèbes se construisant elles-mêmes au son de la flûte, la mer rouge de Moïse, les dix plaies de l'Egypte, la promenade décapitée de saint Denys, les morts arrachés au sépulcre, la vue rendue aux aveugles, la multiplication des poissons et des pains... et une foule d'autres prodiges qui enchantaient d'autres temps?

 
Le miracle aujourd'hui reste modestement à l'échelle de notre XXe siècle incrédule et matérialiste. On n'ose plus guère prononcer ce mot qu'à l'occasion des guérisons miraculeuses, des apparitions et des extases.

 
Des observateurs ont constaté que le miracle médical, généralement attribué à un phénomène puissant et personnel d'autosuggestion pouvait se réaliser aussi grâce à l'intervention d'un tiers. La foi et la certitude de la guérison, éléments psychologiques nécessaires, peuvent émaner d'une tierce personne dont l'ardente ferveur déclenchera chez le malade les processus de son sauvetage aussi bien physique que moral.

 
Dans ce cas, seule la liaison du corps cosmique de la tierce personne avec celui du malade est de nature à expliquer ce phénomène. Et si le malade est lui-même sensibilisé, si ses trois dimensions sont mises en condition préalable, tout est possible. Nous avons pu en administrer récemment une preuve d'autant plus déconcertante qu'elle a commencé par un "faux" miracle aux divinités, faux miracle que le tiers intervenant - un prêtre - et le malade croyaient vrai: le 26 décembre 1953 à Entrevaux (Var) une statuette en bois polychrome représentant Sainte Anne, posée sur une table, fut renversée par un geste maladroit et l'index de sa main droite se brisa. Le lendemain le doigt brisé se mit à saigner chaque fois qu'un habitant de la ville promenait la statuette devant les assistants émerveillés.

 
Chaque fois des gouttes de sang tombaient sur le carrelage. L'affaire, on s'en doute, fit grand bruit, d'autant plus qu'elle fut accompagnée les jours suivants d'autres manifestations miraculeuses: voile bleu sur la maison où la statuette avait saigné (le manteau de la Vierge était bleu), pluie tombant d'un ciel sans nuage sur les témoins extasiés. Tant et si bien que des pélerinages s'organisèrent. Dans l'un d'eux se trouvait un jeune garçon de douze ans, paralysé des deux jambes à la suite d'un accident. Le garçon était dirigé par le curé d'une paroisse parisienne. Le jeune malade toucha la statuette, poussa un cri, tomba à la renverse et retrouva l'usage de ses jambes dans les heures qui suivirent. Or, on sut par la suite que tous les miracles étaient faux, sauf le dernier. Les gouttes de sang étaient tombées non pas de l'index brisé de Sainte Anne mais du doigt d'un manipulateur habile qui se piquait et faisait jaillir le sang chaque fois qu'il prenait la statuette d'une certaine manière. Le voile bleu était un feu de Bengale allumé subrepticement sur le toit en terrasse. La pluie miraculeuse venait d'un tuyau d'eau astucieusement branché. Ainsi finirent dans la confusion et la tristesse les faux miracles d'Entrevaux. Pourtant l'œuvre d'un escroc déboucha sur un vrai miracle médical, une guérison à laquelle les médecins ne croyaient plus. Il fallut la foi, la certitude, la prière, le choc psychologique et nerveux pour déclencher le mystérieux processus du rétablissement.

 
"Tant il est vrai que le miracle est d'abord dans l'âme du miraculé." (André Soubiran)

 
L'escroquerie aux faux miracles d'Entrevaux fut connue dans ses moindres détails après l'arrestation de l'auteur qui avait dilapidé les fonds recueillis pour la construction d'une chapelle. Malgré cela, nombre de gens croient encore fermement aujourd'hui, trente-six ans après, que la statuette a bien saigné.

 
En tout cas, deux personnes au moins y avaient cru du plus profond de leur âme: le prêtre et son jeune malade.

  
Apparitions. Extases

De temps à autre la presse, la rumeur publique, font état de la visite sur terre d'un membre du Panthéon céleste qui s'est manifesté sous une forme humaine aux yeux d'un enfant, d'un adolescent, d'un religieux. Les sceptiques les plus modérés parlent aussitôt de suggestion ou d'autosuggestion mystique, et sans doute ont-ils raison. L'image d'un "bienheureux" jaillissant brusquement du subconscient avec le relief de la réalité n'est que l'aboutissement d'un certain cheminement volontaire ou involontaire de l'esprit qui prépare en secret l'apparition.

 
Lorsque cette préparation consciente, organisée, repose sur une discipline du corps et de l'esprit, on parle d'ascèse. Effectivement la méditation, le silence, la prière, le jeûne, voire, pourquoi pas, les châtiments corporels, débouchent normalement sur des accidents hallucinatoires qui finissent par composer une vie parallèle aussi réelle pour l'esprit que la vraie. Et d'ailleurs, dans ces conditions-là, quelle est la vraie? Fra Angélico peignait sur les murs de sa cellule de Fiesole les visages des anges qui le visitaient. C'est pourquoi un psychiatre disait que les Trappistes étaient les plus grands visionnaires du monde.

 
Cependant il en va tout autrement du phénomène de l'extase et spécialement de l'extase cosmique - c'est son nom exact - bien connue des psychologues qui se bornent à en tracer le déroulement faute de pouvoir en percer le mystère. Ceux qui ont ressenti une fois, et souvent une unique fois dans leur vie, cet état d'âme particulier, en donnent la même description: Brusquement, sans préavis, sans prémonition d'aucune sorte, sans préparation ni, à fortiori, d'ascèse, dans un moment de tranquillité mentale que ne trouble aucun problème métaphysique, s'installe un sentiment étrange de paix profonde et de suspension du temps.

 
L'esprit est matériellement en contact avec un autre monde qu'il ne voit pas mais qu'il sent avec une certitude absolue. Jamais ce transport n'a donné lieu à des visions ou à des apparitions. Il s'agit de tout autre chose, d'une sorte de fusion purement et exclusivement intellectuelle, d'un accord décisif entre deux univers de dimensions différentes. Au bout de quelques minutes d'un bonheur immobile, l'extase s'estompe, les réalités reprennent leur empire, la vie terrestre reprend ses droits avec ses obligations, la fuite du temps et ses servitudes innombrables. Il ne subsiste plus que la certitude inébranlable d'avoir vécu un grand mystère, d'avoir pénétré dans un monde cosmique inconnu, celui qui nous attend, et une adhésion totale, irréfléchie, à la véracité de ce moment.

  
Fantômes et ectoplasmes

Dans le vocabulaire des occultistes, fantômes et ectoplasmes sont des apparitions à cette différence près qu'un fantôme est le spectre d'une personne ayant vécu et l'ectoplasme une simple forme visible possédant, toujours selon les occultistes, certaines propriétés physiques.

 
Voilà qui pourrait faire croire que le problème est résolu. Oh que non! Nous avons vu qu'il convenait de se montrer vigilant dans le domaine des apparitions dont les charlatans ont fait leur propriété privée. Mais encore une fois il faut se défier aussi bien d'une attitude purement négative que d'une approbation volontairement béate. Soyons humbles devant notre ignorance mais aussi réalistes de bonne foi, car rien n'empêchera un sujet ayant de véritables pouvoirs paranormaux de tricher un peu quand les phénomènes qu'il désire produire tardent à se manifester. C'est au sens critique, à la lucidité de l'observateur qu'il appartient de séparer la vérité du mensonge et d'éviter de prendre des vessies pour des fantômes ou des farceurs pour des ectoplasmes. La petite histoire connaît bien la réjouissante aventure de Sir William Crookes, découvreur du thallium, savant de renommée mondiale, inventeur du tube qui porte son nom, tombé éperdument amoureux d'un fantôme vieux de deux cents ans, lequel fantôme était réincarné dans un médium, jeune facétieux et joli, du nom de Florence Cook, beaucoup plus en chair qu'en os.

 
Jamais fantômes, ectoplasmes, succubes ou incubes ne se manifestèrent avec autant de vigueur qu'au début du XXe siècle prometteur. Il faut en chercher l'explication dans la vague de fond du spiritisme amorcée aux U.S.A. et véritablement codifiée par Allan Kardec en 1857.

 
De quoi s'agit-il? De converser avec l'âme des morts par le truchement d'un sujet qualifié de médium pour la circonstance. Cela suppose d'abord une certitude: la survie de l'esprit. Cela suppose ensuite la possibilité d'une communication.

 
Cette communication, au début, cette présence de l'âme du disparu s'était matérialisée modestement par des bruits venant de l'au-delà, par des coups frappés sur des meubles ou sur des cloisons. Ce qui permit aux sceptiques de se demander comment des ectoplasmes qui n'ont pourtant ni bras, ni jambes, pouvaient bien s'y prendre pour frapper ainsi aux portes des vivants. Objection non valable, disent les spirites, ce ne sont pas les esprits qui frappent mais les médiums dans le corps desquels ils s'installent et agissent. C'est déjà mieux.

 
Très rapidement d'ailleurs la technique des esprits suivit une évolution spectaculaire puisque, tout en conservant l'habitude de frapper un peu partout, ils apparurent de trente-six manières différentes, en buste, en pied, de face, de profil, en filigrane, en fluorescence... parlants ou muets, immobiles ou fluides, pour la plus grande émotion des assistants.

 
C'est alors que de puissants médiums, Douglas Home, Eusapia Palladino en tête, intervinrent pour canaliser et discipliner les escouades de fantômes qui se pressaient dans leurs cabinets. Crookes, déjà cité, se fit même photographier en compagnie de son apparition favorite.

 
De sorte que pendant les trente premières années du XXe siècle, les meilleurs salons de la capitale parisienne, imités par ceux d'Italie, d'Allemagne et d'Angleterre, virent défiler côte à côte le gratin de la société bourgeoise et le tout venant des esprits voyageurs. Non seulement dans les salons mais aussi au très sérieux Institut Métapsychique International dont les membres, appartenant à toutes les disciplines (Institut de France, Faculté de Médecine) rédigèrent un mémoire, le "Manifeste des trente-quatre", pour attester solennellement la "véridicité" des phénomènes observés.

 
Les séances donnent les comptes rendus les plus détaillés des apparitions à forme humaine ou animale. On recueillit aussi dans les bains de paraffine le moulage des mains de certains fantômes plus coopératifs que les autres. Détail: les mains étaient jointes dans le geste de la prière, probablement pour qu'on ne les dérange pas trop souvent.

 
Il ne viendrait à l'idée de personne d'accuser les Trente-quatre d'imposture ou de mensonge. Ce qu'ils ont vu et décrit n'est pas de leur part une invention gratuite et leur sincérité n'est pas en cause. Il ne s'agit pas non plus d'une hallucination collective puisque le médium n'était pas un hypnotiseur. Aucune "préparation psychique" n'avait été imposée aux spectateurs qui étaient abandonnés soit à leur scepticisme soit à l'espoir secret de voir des événements surnaturels.

 
Les plus irréductibles parmi ces témoins n'ont pas nié "qu'il se passait quelque chose" mais n'ont voulu formuler aucune conclusion.

 
Alors?

 
Alors il s'est bien passé quelque chose dans la pénombre fiévreuse des séances d'occultisme mais pas exactement ce qu'en ont déduit des assistants quelquefois trop crédules. Lorsque des phénomènes paranormaux y ont réellement eu lieu seul le "sujet", autrement dit le médium, et lui seul, doit en supporter la responsabilité.

 
Au risque de décevoir les amateurs de danse macabre on peut affirmer que les formes imprécises, les phosphorescences, les bruits, les lévitations sont des manifestations visibles de l'énergie d'Osty et dépendent par conséquent, en leur totalité, du médium dont ils émanent. Lorsque Eusapia Palladino, dans les années 1900, faisait apparaître les fantômes sous le nez de Bergson, Arsonval, Branly, Flammarion, Richet, Lombroso... elle s'y prenait de la manière suivante: son cabinet était plongé dans une quasi obscurité, elle se mettait en état second visible à son état d'excitation, à sa respiration oppressée et, peu à peu, des formes gazeuses, impalpables se dégageaient de ses mains ou de sa personne, formes dans lesquelles les assistants pouvaient, selon leurs désirs, reconnaître un de leurs disparus.

 
C'est donc cela fantômes, ectoplasmes, bruits, points lumineux, meubles vagabonds: une énergie inconnue qui reste sous le contrôle plus ou moins conscient du médium mais qui n'existe que par lui. Le colonel de Rochas, directeur des études à l'Ecole polytechnique, qui examina Eusapia Palladino, réduisit les phénomènes surnaturels à "l'extériorisation de fluides". Il parla même, faute d'une terminologie appropriée, de "muscles de fantôme" émanant du sujet, ce qui n'éclairait pas beaucoup le débat mais le réduisait à ses justes proportions.

 
Les grands médiums ont-ils aujourd'hui disparu de la circulation, rejetés, comme les miracles, dans les ténèbres extérieures par l'amélioration constante des connaissances? Pas le moins du monde mais ils ont changé de scène, troquant leur nom de médiums contre le titre plus discret de "sujets", laissant les premiers aux cirques et aux music-halls. Ils ont ensuite quitté les salons obscurs de la bonne société pour les laboratoires moins confortables mais mieux éclairés des hommes de science où ils poursuivent patiemment leurs expériences. Signe que la parapsychologie est en train de subir ses examens de passage.

  

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