LE MONDE FABULEUX DES RÊVES

Après l'Astrologie et la Numérologie, la mode est à l'interprétation des rêves. Les onirologues, les oniromants et les onirocrites ne se comptent plus en France. Ils se divisent entre plusieurs écoles qui s'opposent, s'invectivent et s'excommunient les unes les autres, de la même manière que les astrologues de différentes tendances se "bouffent le nez", ou que les numérologues de chapelles opposées se vouent aux gémonies.
Cette joyeuse et vigoureuse émulation est un indice de bonne santé. Pour ces sciences que des dogmes immuables n'ont pas encore figées, il est sain qu'il y ait concurrence et affrontement. (Pour les sciences traditionnelles aussi d'ailleurs!)

 
Science & Magie ne souhaite pas prendre parti dans ces querelles de clochers. Nous nous contentons d'exposer le plus clairement possible ce que nous savons des rêves et des songes, ce que les chercheurs en ont dit, ce qu'ils représentent et comment les interpréter. Des témoignages de nos lecteurs alterneront avec nos commentaires et des témoignages historiques.

 
LA THÉORIE

 
A) Tout le monde rêve. Même celui ou celle qui ne s'en souvient pas. Celui qui ne rêve pas risque la folie ou la mort.

 
B) Nous rêvons en moyenne près de deux heures chaque nuit.

 
C) Nos rêves se divisent en rêves lucides (rêves où l'on sait que l'on rêve), rêves automatiques (provoqués par une interférence physique: bruit, attouchement, etc) et rêves dynamiques (de projection, de conjecture, de défoulement).

 
D) Il existe des techniques pour maîtriser ses rêves et s'en souvenir à son réveil.

 
Témoignage:
Le souvenir des rêves

 
«Durant des années je faisais chaque nuit des rêves étranges et si beaux que je regrettais amèrement de ne plus m'en souvenir à mon réveil.

 
Un jour je décidai de les noter. Mais j'eus beau faire, le récit que j'en faisais dans un carnet n'était que l'ombre ou la caricature de mes songes nocturnes.

 
Très déçu mais têtu, je m'efforçai de rester sur le qui-vive, d'inciter ma mémoire à ne pas se déconnecter lorsque je dormais.

 
A force d'y penser, de me répéter la consigne, je finis par me réveiller suffisamment tôt après le rêve pour qu'il m'en reste quelque chose.

 
Aujourd'hui, je me souviens de la plupart de mes rêves et je parviens à les utiliser pour mon équilibre psychique. Avant un tournage, il m'arrive de "prévoir" exactement les scènes que j'aurais à jouer. Et, lorsque je joue pour de bon, je n'ai plus qu'à me glisser dans le personnage de mon rêve!»

 
Michel Simon (Entretien avec Michel Trécourt - 1970).

 
On voit que l'homme rêve lorsque, dans son sommeil, il a des mouvements oculaires rapides. On ne sait pas encore très bien si ces mouvements indiquent que les yeux "suivent le rêve" ou si ce sont des mouvements aléatoires.
(Voir Dictionnaire à la fin du livre)

 
Témoignage:
Les Rêves de mon chien

«Il n'y a pas que les humains qui ont reçu du ciel le don du rêve. Les bêtes aussi font des songes. Ainsi lorsque mon chien se met à rêver, je l'entends grogner, japper ou pousser de petits cris tandis que sous ses paupières mi-baissées, je vois ses yeux bouger, très vite, comme s'ils suivaient les images d'un film accéléré!»

 
(Konrad Lorenz : Etudes éthologiques).

 
Les onirologues distinguent deux tendances principales dans le rêve dynamique: soit l'expression d'un souci, d'une angoisse, l'exutoire d'un défoulement, soit l'émergeance sous un déguisement symbolique, derrière un travestissement, de nos désirs les plus profonds, de nos appétits les plus fous.

 
Témoignage:
UN RÊVE D'AMOUR

«A 30 ans, je n'ai encore jamais rencontré un homme que j'aime suffisamment pour me donner à lui. Alors que toutes mes amies d'enfance ou mes camarades de classe se sont mariées, ont des enfants, je suis restée pucelle.

Cet état n'a pas que des inconvénients. Quand je vois l'état de délabrement physique et moral de la plupart de mes collègues de travail et que je me compare à elles, cela me regonfle.

Mammelues, fessues, négligées, maquées à des mecs qui les cocufient après leur avoir refilé des moutards braillards et mal élevés, ces femmes n'ont plus d'autre but dans la vie que des soirées tranquilles devant la télé, et la jouissance d'une médiocre retraite.

Moi par contre je suis restée belle, soignée. Je sors, vais au cinéma, au théâtre. J'espère toujours rencontrer un jour l'âme soeur, l'être que j'aimerai toute la vie.

Mais je ne trouve autour de moi que des hommes mariés vulgaires, prétentieux et coureurs qui bichonnent davantage leur automobile que leur femme, des laissés-pour-compte ou des types à problème.

Ce n'est que dans mes rêves que je trouve l'homme idéal, jeune, beau, viril, qui me fait une cour passionnée.

Je fais souvent le même rêve, je suis au bord de la mer Méditerranée, je nage loin du rivage, libre et heureuse de vivre lorsque soudain un requin fond sur moi.

Je crie, je me débats, mais le monstre m'attaque et se transforme peu à peu en homme. Il m'entraîne sur une plage de sable où il m'allonge sous lui et me fait l'amour. Cela dure longtemps, c'est bon, je jouis comme une folle.

Je fais souvent ce rêve. A chaque fois, lorsque je me réveille, comblée, le corps en fête, seule dans mon lit dévasté, j'ai l'impression grisante d'avoir été déflorée pour de bon.»

 Marie-Christine Bastide - Nice.

Question:
Les rêves peuvent-ils guider un homme dans sa vie?

Certaines écoles disent oui : Edgar Cayce, par exemple:

«Si le rêve fait partie intégrante de notre vie il ne nous éclaire jamais que sur ce que nous désirons, sur ce que nous attendons, sur ce qui nous préoccupe profondément, consciemment et inconsciemment. Mais il le fait dans un climat propice à la compréhension des difficultés que nous n'avions pas saisies dans notre vie éveillée.»

«Si le rêve fait partie intégrante de notre vie, il ne suffit pas de "rêver", au sens illusoire du terme, pour que tous nos voeux se réalisent. Il ne suffit pas non plus de provoquer le rêve pour que notre vie se mette à ressembler à ce monde fantastique de la nuit!»

«Si le rêve fait partie intégrante de la vie et qu'il nous aide à la mieux comprendre, l'essentiel reste à faire: bâtir son existence. Et on ne la bâtit pas en dormant.»

 
Témoignage: Un rêve prémonitoire
LA PORTE SCULPTÉE

«Je me débattais dans des difficultés immenses, sans travail, sans argent, abandonnée par un mari alcoolique parti avec les économies du ménage, menacée d'expulsion de mon logement. Seule la présence de ma fille Véronique me permettait de tenir, de lutter contre l'adversité pour essayer de lui épargner le pire.

Une nuit, je fis un très beau rêve. Je me promenais avec un ami, à cheval, dans une ville d'autrefois. Nous passions devant des hôtels particuliers dont les portes cochères entrouvertes nous montraient des cours pavées où stationnaient de superbes équipages.

Soudain, mon cheval s'immobilisa devant une magnifique porte sculptée dont les deux battants s'ouvrirent, poussés par deux pages. Un beau jardin à la française apparut, avec des colonnades antiques, une pièce d'eau... Une demeure de rêve. Un homme très beau, debout, en uniforme d'apparat, me regardait, immobile.

C'est à ce moment que je m'éveillai et me retrouvai dans mon triste deux-pièces, avec mes factures à payer et tous mes problèmes en suspens.

A quelques jours de là je refis le même rêve. Promenade à cheval dans une ville inconnue. Arrêt devant la somptueuse porte sculptée dont le heurtoir de bronze représentait deux dauphins.

De semaine en semaine le même rêve hanta mes nuits.

Or, un jour, une affaire urgente m'appela à la préfecture de Versailles. Soudain, en traversant la vieille ville, je tombai en arrêt devant une porte cochère.

C'était celle de mon rêve. Aucun doute possible. Les coquilles de bois sculpté, les deux dauphins de bronze, les moulures Louis XV, tout y était.

Intriguée je m'approchai, (j'étais à pied) et je réfléchissais à cette extraordinaire coïncidence lorsque la porte s'ouvrit à deux battants.

Le jardin à la française m'apparut avec sa pièce d'eau, ses colonnades antiques. J'eus un choc.

Machinalement, j'entrai dans la cour pavée, admirai le bâtiment magnifiquement restauré. Un homme très élégant, vêtu comme une gravure de mode vint à ma rencontre et m'aborda, souriant:

- Vous venez pour l'annonce?

A la fois intimidée et surprise, je ne répondis pas tout de suite.

- Venez, je vais vous montrer votre appartement, vous avez une fille je crois?

Abasourdie, je me contentai de hocher la tête.

Au fond du jardin, donnant sur un massif de rosiers, il me désigna un ravissant pavillon.

- Voilà! Vous serez chez vous! Vous verrez, mes filles vous plairont. Elles ont hâte de vous connaître. Ma femme vous a dit nos conditions? Je pense que vous êtes d'accord.

Le soir même j'emménageai dans le pavillon qui m'était réservé et je faisais la connaissance des deux filles du baron de T. au service desquelles j'étais dorénavant attachée.

Comme sur un coup de baguette magique, ma vie jusqu'ici difficile et sans espoir se transformait en un véritable conte de fée.

Marthe Hubert - Versailles

Selon la tradition chrétienne, les rêves nous viennent de Dieu. Les occultistes prétendent qu'ils nous sont envoyés par nos démons intérieurs. Les matérialistes disent que ce sont des sensations externes, odeurs, bruits divers, volets qui claquent, caresses, frottement, ou bien épreuves psychologiques comme les soucis, nos préoccupations, qui provoquent nos rêves.

Les psychanalystes eux, Freud en tête, désignent l'inconscient.

 
CATÉGORIES DE RÊVES

Les rêves de sensation sont ceux que filtrent nos sens restés éveillés durant notre sommeil. Ainsi le sens du toucher provoque une sensation d'étouffement, d'emprisonnement lorsque l'un de nos membres ou notre corps sont pris dans les draps trop serrés. Nous rêvons de bonne chère si une odeur de cuisine chatouille nos narines. Un enfant fait pipi au lit si on lui fait entendre un bruit d'eau ou si on applique un gant humide et froid sur son corps endormi.
 
Témoignage: Rêve de sensation
LE LIT MOUILLÉ

Je me souviens qu'enfant je vécus longtemps en pension. Avec mes camarades nous logions dans des dortoirs de 6 lits sous la surveillance d'un pion qui dormait dans la même pièce, derrière une tenture.

Durant plusieurs nuits, je rêvai que je faisais pipi au lit et, chaque matin, à ma grande honte, je me réveillais le lit mouillé.

Une nuit, sentant une forte envie d'uriner, je me réveillai en sursaut et surpris trois de mes camarades autour de mon lit en train de me tremper une main dans un bol d'eau froide!

Jérôme Connard - Rouen.

Les rêves mécaniques ou d'actualité sont ceux qu'alimentent les événements de tous les jours, de notre travail à notre vie de famille en passant par nos sentiments affectifs. Filtrés par notre inconscient, ils sont le miroir de nos doutes, de nos préoccupations, de nos aspirations.

 
Témoignage: Rêve mécanique
J'AI MANGÉ MON PIANO

Il y a quelques années, je me suis remis au piano et vais prendre des cours chez un professeur très exigeant. Une nuit dans un rêve, je l'entendis me prévenir:

- Demain ça va barder! Vous avez intérêt à bien vous exercer et à jouer parfaitement la sonate que je vous ai demandé d'étudier.

Le lendemain, je me rends chez elle, me mets au piano, un peu inquiet, essaie de me concentrer, lorsqu'elle ajoute:

- N'oubliez pas, à chaque faute, vous mangerez une touche blanche du piano.

- Mais Madame! protestai-je timidement.

- Ne discutez pas! Les touches blanches c'est du nougat. Un peu anxieux, je me mis à jouer une étude que je connaissais par coeur. Mais sous le regard sévère de la Prof, je paniquai et je commis faute sur faute.

Docilement, comme elle me l'avait demandé, après chaque bévue, j'arrachai une touche blanche du piano que je mâchai honteusement.

Lorsque j'eus avalé les 44 touches blanches à la suite de mes fausses notes, ma prof me dit:

- Eh bien puisque vous jouez si mal, vous allez manger les noires! - Les noires aussi? balbutiai-je effaré.

-Eh oui! Les noires aussi, c'est du réglisse.

Et je repris mon exercice, complètement paniqué, les doigts tremblants, l'esprit à la dérive, arrachant une touche noire à chaque erreur jusqu'à ce que j'eusse mangé tout le clavier du piano.

C'est alors que je me réveillai en sueur et regardai ma montre. Ma leçon avait lieu dans une heure. Et, contrairement à mon attente, j'exécutai parfaitement ma sonate, sans que mon professeur n'ait à me reprendre une seule fois.
Jacques Differdange - Nice

Les rêves de compensation rééquilibrent les excès en tous genres qui peuplent notre existence. Ils rétablissent la notion de bien et de mal dans notre moi conscient, gomment nos frustrations, apaisent nos souffrances physiques ou morales, nous apportent la joie et la volupté qui nous manquent.

 
Témoignage: L'équilibre par le rêve.
J'ÉTAIS ROI

Durant des années je travaillai comme un fou pour améliorer ma situation. La journée j'étais tourneur dans une usine mécanique, le soir venu, veilleur de nuit dans un garage.

Cette dernière occupation me permettait de lire, d'étudier des livres de classe, de me cultiver. Je dormais quand je pouvais, où je pouvais, comme une brute, sans rêves.

Je dormais quatre heures au plus, durant des mois et des années. Je finis par flancher et tombai gravement malade.

A l'hôpital, allongé des journées entières sur mon lit, je me mis à rêver. Et ces rêves magnifiques, me payaient de mes années de souffrance, de travail acharné.

Je faisais d'ailleurs souvent le même rêve: j'étais le roi d'un pays exotique. Je disposais d'un château, de dix Rolls, d'un harem.

Je commandais à des milliers de domestiques qui exécutaient chacun de mes ordres.

Lorsque je me réveillais sur mon lit d'hôpital, je ne savais plus si j'étais un roi qui rêvait qu'il était à l'hôpital ou si, c'était moi, pauvre ouvrier malade qui rêvais chaque nuit que j'étais roi.

Jules Téqui - Bobigny.

Nos rêves échappent à notre volonté et à notre responsabilité même s'il nous arrive de les vivre comme une réalité absolue. Votre témoignage nous rappelle ce que disait Blaise Pascal:

 
«Si un artisan était sûr de rêver toutes les nuits douze heures durant qu'il est roi, il serait presque aussi heureux qu'un roi qui rêverait toutes les nuits, douze heures durant, qu'il est un artisan.»

 
Les rêves conflictuels opposent notre moi conscient à notre ego inconscient en une bataille acharnée. Ce sont des rêves douloureux qui agitent notre sommeil, mais leur nature même facilite la résolution de nos conflits intérieurs, permettant à notre volonté de reprendre le dessus dès notre réveil.
 
Témoignage: Les rêves et la réalité
IL FAUT PRENDRE SES RÊVES POUR LA RÉALITÉ

Un défaut majeur empoisonna toute ma vie: un manque absolu de volonté. Toujours dans la lune, rêvassant sur mes livres et mes cahiers scolaires, je n'ai fait que de médiocres études. Distrait, paresseux, lymphatique, je n'arrivais à rien, papillonnai de place en place, sans parvenir à me fixer. Dans mon sommeil, je faisais des rêves magnifiques, me fabriquais mentalement de fantastiques succès imaginaires qui ne se réalisaient jamais.

Un peu schyzophrène, je me sentais artiste sans oser aller jusqu'au bout des choses. Chaque matin je prenais des décisions irrévocables que j'abandonnais le soir venu.

Pourtant, j'avais des idées, une intelligence intuitive, du bagoût et du charme. Mais cette faille dans ma volonté, ce caractère indécis m'handicapaient terriblement.

Je finissais toujours par échouer tout près du but. La peur de l'échec m'empêchait de me présenter aux examens. Je tournais dix fois autour des bureaux où j'avais un rendez-vous d'embauche sans oser entrer, etc.

La même chose avec les femmes. Lorsque j'avais une touche, j'avais peur de concrétiser. Je laissais tomber mes conquêtes sans raison, me contentant d'un baiser, avant de m'enfuir comme un voleur et de m'enfermer chez moi pour me masturber. Plus tard, marié à une fille adorable, je finis par la lasser par mon attitude frileuse, et elle s'en alla avant de demander le divorce.

Je vivotais ainsi, dans des situations subalternes, sans jamais réussir quoi que ce soit. Mal dans ma peau et très peu sûr de moi, me sentant obèse, moche, maladroit. Je devenais un gros ours neurathénique et misanthrope. Un jour, par hasard, dans un kiosque je tombai sur une revue d'ésotérisme et lus un témoignage sur Jean Balcaen.

J'appelai tout de suite au numéro indiqué sur la revue, où une secrétaire m'envoya sur les roses, me disant qu'elle ne pouvait pas me communiquer d'adresse.

Mais j'étais tellement accroché, il me fallait absolument joindre cet inconnu pour m'en sortir, que j'en fis un véritable accès de fixation.

J'écrivis.

Je ne reçus de réponse qu'un mois plus tard, me disant que l'on ne pouvait pas me donner l'adresse souhaitée, mais que la revue transmettait à son destinataire tout courrier correctement affranchi.

De longues semaines d'attente encore, au cours desquelles je téléphonai trois fois à la rédaction, très déçu, parfois même en colère, toujours mal reçu...

Un jour, où je n'y croyais plus, l'incroyable arriva. Un coup de fil de Jean B.! D'emblée sa voix chaleureuse me fit du bien. Je lui exposai longuement mon cas. Il m'écouta sans m'interrompre. Lorsque j'eus terminé, il me dit simplement:

- Désormais Luc, vous êtes sous ma protection. Vous devez vous prendre en main, passer au crible de votre conscience chacun de vos actes, chacune de vos pensées, vous regarder vivre comme si vous étiez un autre. Tu dois devenir ton propre juge et ton propre maître!

- Mais je suis nul, protestai-je! Je ne saurai jamais, je ne sais pas fixer mon attention sur quoi que ce soit!

- Luc tu es un être libre, composé de dizaines de milliards de cellules nerveuses, reliées entre elles par des trillions de fibres connectées et transmettant des milliards d'ordres et d'informations, sollicitées ou automatiques qui te permettent de vivre, de penser et d'agir. Je vais me brancher sur ton système. A partir de cet instant chacun de tes actes, de tes mouvements, chacune de tes pensées doivent être réfléchis! Et chaque matin, regarde-toi dans une glace. Salut! Je te rappellerai.

Décontenancé par cet appel, ce tutoiement insolite, je me sentis bête.

C'était il y a un an.

Regardant autour de moi, je me vis dans le désordre et la crasse.

Spontanément, je me mis à ranger mon modeste studio, à passer l'aspirateur, à laver la vaisselle amoncelée dans l'évier de la kitchenette.

Avant de me rendre à mon travail, je pris une douche, me rasai soigneusement et passai des vêtements propres, alors que jusqu'alors je restais le plus souvent négligé.

A l'atelier, au lieu de faire la gueule à mes camarades et à mes chefs je leur souris et fus tout étonné de les voir me sourire en retour.

Un de mes copains lança:

- Tiens! Voilà que Luc est amoureux! Vous avez vu ses fringues et sa tronche!

A midi, au lieu des trois ou quatre pastis que j'avalais d'habitude au bistrot avec d'autres poivrots, je prétextai d'une course à faire et j'allai déjeuner seul d'un sandwich sur un banc de square.

Le soir, je rentrai directement chez moi, me préparai un repas léger. J'hésitai dix fois avant d'ouvrir une bouteille de vin et réussis à y renoncer. Je me couchai de bonne heure et lus un roman policier.

A onze heures, le téléphone grelotta.

C'était J.B.

- C'est bien me dit-il! Continuez! Ce n'est qu'un début! Demain ce sera plus difficile. Ce sera chaque jour plus difficile! Et il n'y aura pas de récompense au bout! Pas de jackpot! Bonne nuit!

Je restai éveillé longtemps. Mais je sentis quelque chose de nouveau en moi. Comme une présence. Je ne voyais plus la vie, le monde avec les mêmes yeux qu'avant.

Le lendemain, je me brossai les dents soigneusement. Il y avait des mois que cela ne m'était plus arrivé. J'avais mauvaise bouche, les dents gâtées et fumais comme une locomotive.

Au travail, je me sentis plus à l'aise, moins fatigué. J'exécutais plus vite et mieux tout ce que je faisais.

Deux fois le contremaître vint m'observer sans rien dire. A midi, je retournai sur mon banc avec un sandwich et donnai quelques miettes aux moineaux.

J'échangeai un regard avec une fille installée sur le banc d'en face. Le soir, je mangeai une soupe et une salade, résistai face à la bouteille de picrate et bus de l'eau.

Je m'endormis après avoir lu tout mon livre et dormis d'une traite en faisant un rêve magnifique.

J'étais dans une belle maison, face à la mer, au-dessus de falaises escarpées s'achevant en promontoire. Un voilier splendide vint droit sur les rochers et s'échoua face à ma demeure.

Je descendis sur le rivage, m'avançai sur l'eau pour sauver l'équipage. Une jeune fille ravissante, tout de blanc vêtue, debout derrière la barre à roue, me fit signe de monter à bord.

Surpris, je grimpai sur le navire et, à peine fus-je à bord que le bâtiment échoué vira de bord, soulevé par une vague et s'éloigna vers le large.

Je me réveillai à cet instant.

En arrivant à mon travail, je saluai mes camarades avec un sourire, et me mis à la chaîne sans aucun dégoût. Le travail répétitif ne m'ennuyait plus du tout. J'étudiais chaque geste comme s'il était un acte original et unique.

Je refis plusieurs nuits de suite le même rêve, avec d'infimes variantes. Parfois, la jeune inconnue me confiait la barre de son voilier ou bien me demandait d'aider à la manoeuvre.

Il n'y avait rien de trouble entre nous. Je ressentis juste un formidable bien être auprès d'elle. A l'usine, un matin, Charles, le contremaître vint me trouver et me dit:

- Luc, si tu veux, tu peux prendre la place d'Hassan, il est en congé maladie.

- Je n'ai jamais travaillé sur cette machine!

- Tu apprendras vite! Une journée de formation, ça te va?

- Oui! Je prends!

Pour moi c'était une promotion. Désormais, j'allais travailler sur une machine à commande numérique.

Comme je m'en tirais plutôt bien, Charles me proposa un stage de formation à mi-temps.

J.B. m'appelait toutes les semaines. Et, à chaque fois, il me parlait comme s'il savait tout de ma vie, comme s'il était dans ma peau, dans mes rêves! Il fit une allusion à mes navigations nocturnes, à ma promotion à l'usine, à mes lectures. Un jour, pour l'anniversaire d'un camarade de travail, il y eut un pot auquel je ne pus me soustraire.

Pressé par mes amis, je fus presque forcé de boire un verre de champagne que je vidai en douce dans un bac à plantes.

Le soir, chez moi, je ne cuvais plus l'alcool ou le vin avachi sur mon grabat, je lisais des livres de mathématiques. Je décidai même de reprendre des études par des cours du soir.

Trois mois plus tard, je ne me sentais déjà plus le même homme.

Aux cours je rencontrai quelques camarades aussi motivés que moi. Je me mis à l'informatique et fis la connaissance d'une jeune fille de vingt ans ma cadette (J'avais trente-neuf ans), Florence, avec qui je m'entendis très bien.

Maintenant nous travaillons côte à côte sur le même banc et faisons nos devoirs ensemble.

C'est une fille dynamique et sportive, mince et blonde comme l'inconnue que je retrouve à peu près chaque nuit dans mes rêves.

Lorsqu'elle m'avoua que sa passion c'était la voile, je sentis comme un coup au coeur! Frappé par cette coïncidence, je la questionnai. Elle aimait le bateau, c'était son seul vice!

Nous décidons de passer nos vacances ensemble à un stage de voile de l'UCPA.

J.B. me rappela de loin en loin. Je ne le vis jamais. Je ne sais pas s'il est jeune ou vieux, beau ou laid. Mais, à chacune de nos conversations il se montre plus exigeant, place la barre encore plus haut.

Des semaines passent. Ghislaine devint ma maîtresse. Nous vivons ensemble dans un petit deux pièces qu'elle aménage avec goût.

J'allai revoir ma vieille mère que j'avais complètement délaissée.

Je renouai avec un ami d'enfance qui avait brillammant réussi et que la différence de nos situations sociales m'avait fait perdre de vue.

A l'usine, l'on vient de me proposer un stage de formation de six mois qui me permettra de devenir agent de maîtrise. Oh! bien sûr, tout ne fut pas si rose, si facile ni si serein que j'ai l'air de le dire.

Au cours de mes rêves, l'inconnue et moi affrontons des tempêtes, qui, se réalisent également dans notre vie. J'appris à Ghislaine de vivre avec nos rêves, de nous laisser guider. Ils nous aident à comprendre ce qu'il faut faire, à choisir le bon chemin pour réaliser notre destin.

Et cette vie nouvelle, cette joyeuse plénitude, c'est à Jean Balcaen que je la dois.

Luc Nathan - Montrouge.

Le rêve royal qui fait de notre vie le centre éclatant d'un monde magnifique, dont pour un instant nous sommes le maître absolu. C'est le rêve grandiose qui nous propulse au septième ciel, nous enrichit d'une extraordinaire sensation de plénitude et de bonheur.

Ces rêves rares, exquis, fantastiques, laissent au réveil une sensation de regret, de paradis perdu. L'être qui l'a vécu n'aspire qu'à s'y replonger mais il est rare qu'il le retrouve.

 
Témoignage: Rêve et réalité
ET MON RÊVE DEVINT RÉALITÉ

Voilà des mois que je me morfondais dans notre sinistre caserne de Potsdam près de Berlin. Depuis la chute du mur, les Allemands de l'Est de plus en plus effrontés et arrogants venaient nous provoquer jusque devant nos minables casernements. En ville, où de rares permissions nous permettaient d'aller nous promener, la seule vue de notre uniforme suscitait quolibets et ricanements. Nos officiers devenaient hargneux. Nos roubles ne valaient plus rien.

Une nuit je rêvai qu'à la tête de nos chars nous reprenions Berlin et que notre victoire éclair retournait complètement la situation. Les Allemands redevenaient humbles et serviles à notre égard, les filles se laissaient draguer et séduire sans chi-chis et nos roubles valaient de l'or.

Je racontai mon rêve aux copains qui se bidonnèrent.

Le soir, au bar du casernement, je pris une solide biture. Tous les camarades mis au courant de mon rêve me charriaient:

- C'est vrai, Vladi, que tu vas reconquérir toute l'Allemagne avec ton char?

- Evidemment c'est vrai! répliquai-je la bouche pâteuse.

Je bus tellement que mes copains durent me ramener fin saoul sur mon grabat. Cette nuit encore je rêvai que j'étais à bord d'un char fonçant à travers Berlin pavoisé aux couleurs soviétiques et que mille filles blondes m'acclamaient.

Alors, en me réveillant vers deux heures du matin, pas tout à fait dessaoûlé, je sortis de mon gourbi en tenue de combat, courus vers mon char comme lors d'une manoeuvre d'alerte, mis le blindé en route et, après avoir défoncé la barrière du camp, je fonçai vers Berlin, à plus de soixante à l'heure!

Zig-zaguant sur la chaussée déserte, heureux comme jamais encore je ne l'avais été, chantant à tue-tête, je ne me souciai pas le moins du monde des véhicules de l'armée qui me donnèrent la chasse et tentèrent de me barrer la route!

Sans m'arrêter, je broyai les frêles jeeps sous les redoutables chenilles de mon mastodonte et entrai dans Berlin en triomphateur.

Je fus un peu déçu de ne pas trouver plus de monde sur mon passage.

Au contraire, les rares noctambules que je croisais couraient peureusement se réfugier sous le porche des immeubles.

Je traversai l'ancienne ligne de démarcation, descendis le Kurfürstendam et, avisant une fille qui me regardait bouche-bée, je stoppai le tank devant elle, sautai à bas du véhicule et l'amenai à bord!

Et ma virée reprit, jusqu'à ce que mes moteurs, à bout de carburant, refusent de poursuivre avec moi cette étrange aventure.

Arrêté par la police militaire j'écopai de trente jours de bloc, mais je ne regrette rien!

Jamais de ma vie je n'avais réalisé un si bel exploit et je crois bien que c'est à mon fabuleux rêve que je dois d'avoir osé le tenter!

Depuis, j'ai déserté pour de bon, et j'ai passé à l'Ouest après avoir vendu mon uniforme, mon pistolet et mes décorations gagnées en Afghanistan.

Vladimir Alexeievitch Grigorenko - Frankfurt.

Le rêve directionnel guide notre Moi intérieur, veille au développement de notre personnalité, dirige nos pulsions vers la réussite. Ce rêve, absolument personnel, nous permet si on l'écoute, à éviter les écueils de notre route parsemée d'embûches, à atteindre l'objectif clairement fixé, à tirer parti de toutes nos facultés.

Les rêves prémonitoires nous dévoilent l'avenir proche ou lointain, parfois en clair, sinon à travers des symboles.

Au stade actuel de nos connaissances, il n'est pas possible de prétendre que la vision du futur fait partie des pouvoirs de l'inconscient. Nul voyant, visionnaire ou prophète n'a jamais prévu l'avenir que sous une forme aléatoire et fragmentaire. Mais il y eut au cours de l'histoire des "visions", des "prédictions", des "flashes" troublants, jamais reproductibles, mais qui frappèrent les foules par leur précision.

Les rêves initiatiques nous amènent à remettre de l'ordre dans notre Moi malmené par la maladie, un accident ou un bouleversement intervenu dans notre vie. Un tel rêve nous montre le chemin, nous remeuble moralement, réarme notre volonté.

Nous avons le Moi des profondeurs. Le rêve est le temps où le personnage s'adresse à nous et nous dévoile nos richesses intérieures.

 
A QUOI SERT LE RÊVE?

  • a) Le rêve révèle et libère une énergie qui tend à créer l'événement, à reprogrammer notre cerveau.

  • b) Il exprime les problèmes de notre inconscient.

  • c) Il défoule notre trop-plein de soucis, soupape d'évacuation de notre stress.

  • d) Il esquisse un projet de plan que nous pouvons exécuter avec profit dans notre vie consciente.

  • Il y a le rêve qui nous permet de nous en sortir, le rêve qui nous guide vers autre chose, le rêve cul-de-sac, le rêve paroxystique ou cauchemar.

Sous-types de rêves:

  • Le rêve-conscience qui nous reproche nos actes impurs.

  • Le rêve torture et punition.

  • Le rêve qui nous dit ce qu'il faut faire.

Témoignage: Le rêve paroxystique
AGRESSION OU AUTOPUNITION?

Complètement déprimée à la suite d'un accident de voiture qui me laissa défigurée, je passai des mois à l'hôpital, errant de service en service.

Abandonnée par mon fiancé, négligée par mes parents, je devenais complètement folle et n'aspirais qu'à me suicider.

Les nuits étaient affreuses. Soit que je n'arrive pas à dormir, soit que je fasse d'abominables cauchemars. Une nuit, je rêvai que j'étais agressée par des loubards qui me frappaient violemment et me lacéraient le corps.

Je m'éveillai en hurlant et me retrouvai en sang, le ventre et les seins zébrés de blessures.

L'infirmière de nuit que j'appelai me dit que je m'étais tout simplement griffée dans mon sommeil. Mais je n'avais pas d'ongles et mes doigts ne portaient aucune trace de sang.

Une autre nuit je rêvai que j'étais une chouette prise au piège et qu'un paysan me clouait sur la porte de sa grange.

Le lendemain matin mes deux mains portaient en leur centre un trou sanglant qui les perçait de part en part. Un médecin appelé à mon chevet parla de manifestation hystérique et je fus livrée aux pychiatres.

Mes cauchemars durèrent deux ans. Après quoi je m'échappai de la maison de repos où je demeurais cloîtrée et ce fut un magnétiseur qui me guérit de mes hantises.

Laure Alibert - Mulhouse.


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