Le Cauchemar de Mozart

LE REQUIEM
(1791)
 


 

Par une nuit d'automne de février 1791, Mozart connaît un sommeil agité, peuplé de cauchemars. Il se voit en rêve assister à son propre enterrement, aux accords pathétiques d'un magnifique requiem.

Le lendemain, un inconnu, - il n'a pas voulu lui donner son nom - vêtu de sombre, lui rend visite sans s'être annoncé et lui commande, moyennant finances, un Requiem, ouvrage qu'il souhaitait produire sous son propre nom.

A bout de ressources, pressé par le besoin d'argent, harcelé par ses créanciers et par sa femme Constance, Mozart accepte la confortable avance que lui consent son visiteur pour son travail de "Nègre".

Par nécessité, le compositeur avait déjà souscrit à plusieurs reprises à de telles offres. Mais il s'agissait de cantates ou de quatuors, œuvres plus légères et plus joyeuses qu'il était capable d'écrire en quelques heures! Tandis que la composition d'un Requiem ne l'inspirait pas.

Mozart a de la peine à entreprendre cet ouvrage de commande qui l'ennuie mais dont il a déjà croqué les arrhes. Or, son commnditaire impatient ne cesse de le relancer.

La Flûte enchantée
Le 30 septembre 1791, dans la banlieue de Vienne, Mozart dirige La Flûte enchantée lors de sa première représentation publique, dans le petit théâtre appartenant à son librettiste Emmanuel Schikaneder.

L'accueil des auditeurs est glacial.

A 35 ans, Mozart est à bout de nerfs et de force. Il se sent si mal qu'il craint de ne pouvoir diriger son opéra jusqu'à son terme. Il abandonne alors la baguette à son chef d'orchestre habituel et va se réfugier dans la loge d'un de ses comédiens.

Somnolent, allongé sur une étroite couchette, plongé dans une profonde hébétude, le compositeur voit surgir des ténèbres qui l'entourent le mystérieux inconnu vêtu de gris venu le trouver chez lui, au début de l'année, pour lui commander un Requiem.

La Flûte étant terminée et sa représentation probablement un four, Mozart finit par s'endormir dans sa loge sordide et assista en rêve, comme il y a quelques mois, à son propre enterrement.

Comme la première fois, accompagnant le cortège funèbre, un orchestre jouait la même partition, à la fois sublime et pathétique, musique qu'il n'avait encore jamais entendue qu'en songe.

A son réveil, Mozart jeta sur le papier les premiers accords de la musique rêvée au cours de la nuit. Mais, de retour chez lui, il n'eut pas la force d'achever son travail dans la foulée, aussi rapidement qu'il était accoutumé.

La Flûte enchantée ayant été un échec comme il l'avait pressenti, Mozart ne parvint pas à redresser l'état désastreux de ses finances.

Il se coucha pour ne plus se relever

Le 15 novembre il se coucha pour ne plus se relever et rêva une fois encore sa mort et son enterrement aux sons d'une somptueuse musique funébre, son propre Requiem.

Ce fut, allongé sur son lit, qu'il travailla comme un fou à l'achèvement de la partition commencée, afin de percevoir le solde du prix convenu, car il n'y avait plus d'argent dans la maison.

Début décembre, il réunit quatre de ses amis, leur confia qu'il venait d'achever le premier jet de sa derniére œuvre, et les invita à chanter le Dies Irae de son Requiem avec lui.

Bouleversés, ils accompagnèrent leur ami Wolfgang Amadeus de leurs voix tremblantes d'émotion, reprenant le chant pathétique et funèbre jusque tard dans la nuit.

Mozart s'éteignit la nuit même, le 5 décembre 1791, quelques instants après minuit. Ses amis le veillèrent jusqu'au matin.

En souvenir, Hofer et Rosner firent mouler l'empreinte du visage de leur génial compagnon.

Le jour de l'enterrement, à la sortie de l'église, une violente tempête de neige alternant avec des bourrasques d'un vent glacial, empêcha Clémence et ses amis d'accompagner Mozart à sa dernière demeure.

Seul son petit chien blanc suivit le modeste corbillard jusqu'au cimetière. Là, les croques-morts gelés confièrent la dépouille de l'homme pauvre, à un fossoyeur transi de froid et pressé, qui, ni vu ni connu, se débarrassa du corps de Mozart dans la fosse commune.

Lorsque sa veuve voulut, quelques jours plus tard, aller se recueillir sur sa tombe et la fleurir, nul ne put lui indiquer où son génial époux avait été enterré.

Quant à son masque mortuaire, il finit aux ordures, après que Constance qui s'était remariée l'eut brisé en faisant le ménage.

* En fait, il s'agissait du comte Walsegg Stuppach, aristocrate mélomane et franc-maçon comme Mozart, qui avait commandé et payé d'avance pour une grande part, cette œuvre qu'il destinait à honorer la mémoire de sa jeune femme décédée à l'âge de 20 ans.


Requiem de Mozart dirigé par Karajan

 
© P.G. 2005


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