LE FANTÔME PHILIP
Michel Granger rapporte une histoire de fantôme à nulle autre pareille. Elle pourrait bien servir d'explication à beaucoup d'autres, même si la part du rêve s'en trouverait drastiquement réduite. La voici :
En 1973 un groupe de 14 personnes, d'un centre de recherches psychiques de Toronto (Canada), décida de se lancer dans la délicate expérience de contacter les esprits.

Esprit, es-tu là ?


Pour cela, ils se mirent en cercle autour d'une table, sur laquelle ils disposèrent le portrait de Philip, celui dont ils souhaitaient voir se manifester l'esprit. Et ils utilisèrent les formules d'approche, les prières, les méthodes de méditation, les appels à comparaître, les interrogations, propres selon la coutume, à amener l'entité fantomatique à signaler sa présence, soit par des coups des pieds de la table, soit en la faisant tourner, voire en se matérialisant.
Le fruit de la persévérance Rien ne se produisit pendant un an de séances régulières et assidues. Un certain découragement s'installait parmi les membres du groupe. Or, c'est à l'improviste que le miracle survint un jour sous la forme "d'une vibration dans le dessus de la table".
Puis des raps (bruits émanant directement du bois) se firent entendre, la lumière du système d'éclairage de la pièce se mit à vaciller, d'imprévisibles courants d'air froid furent ressentis par les expérimentateurs...
La table se livrait maintenant à toutes sortes de "fantaisies", sautant, se balançant, quittant le sol. Des grattements, des crissements la parcouraient lorsque la question posée à Philip l'embarrassait. Elle semblait parfois avoir la tentation de suivre les gens hors de la pièce.
Tandis que l'expérience se poursuivait, des voix devinrent audibles, des chuchotements ou bien des mots clairement prononcés. Ainsi, fut-il dès lors possible de communiquer à volonté avec l'entité, soit directement, soit grâce aux raps maintenant ordonnés selon un code. Et elle raconta son histoire...

Précisions historiques

Peu à peu, la personnalité de Philip s'étoffa avec l'obtention de son nom de famille (d'Aylesford), la révélation de ses tendances préférentielles envers le roi Charles décapité.
C'était un aristocrate anglais du 17e siècle, ayant vécu à l'époque d'Oliver Cromwell, "amouraché" d'une belle gitane condamnée au bûcher comme sorcière et trouvé mort, gisant au pied des remparts, du haut desquels il s'était jeté par désespoir.
Belle histoire, en effet, exhumée du passé grâce à l'aide bénévole d'un spectre en disponibilité, comme on dirait aujourd'hui, surtout pour un ancien lord britannique cherchant la compagnie de parapsychologues nord américains? Non pas, non pas en vérité. Car, il faut maintenant révéler que Philip était un fantôme imaginaire, créé de toutes pièces - y compris son portrait - par les protagonistes préalablement à la folle entreprise qu'ils avaient tentée, "pour voir s'il était possible de générer une hallucination collective!"

Pensée-force en action

La réponse fut affirmative au-delà de tout ce qu'on pouvait espérer en la circonstance. Oui, le groupe de Toronto, qui ne prétendait posséder aucun don médiumnique particulier, a prouvé que la conscience collective de plusieurs personnes rassemblées peut créer une pensée-force capable de s'exprimer dans le monde physique. Certes, le but premier, qui était de rendre cette pensée visible en une matérialisation ou une apparition, a échoué, mais reste à se demander tout de même comment un bruit peut se dégager d'une pensée, fût-elle de groupe ?
«Est-ce une force nouvelle, jusqu'ici inconnue de la science, ou simplement la manifestation nouvelle d'une force déjà connue», se demanda Mrs Iris M. Owen, instigatrice première de l'expérience ? Y avait-il un rapport quelconque avec l'effet poltergeist ?

Interrogations

Avec Philip, a été tiré du néant le fantôme imaginaire-type, avec toutes les conséquences que cela implique. Tous les phénomènes spirites prennent-ils alors leurs racines dans l'esprit humain des vivants plutôt que dans la vie prolongée des esprits ?
Ce serait trop facile d'extrapoler cette découverte si peu commentée en dehors du milieu très fermé des parapsychologues.
Au contraire, un esprit désincarné dévergondé et facétieux a-t-il profité de l'aubaine pour jeter la confusion dans nos esprits à nous, tout en n'encourant pas les foudres des siens, ses concitoyens en l'occurrence dans l'Au-delà ?
Voilà de quoi alimenter en réflexions vos longues soirées d'hiver. Quant à moi, je ne joue que le rôle de catalyseur, en vous rapportant fidèlement les faits et en recueillant vos commentaires éventuels.
Michel GRANGER

 

L'HISTOIRE DU FANTÔME PHILIP
selon George Owen, l'un de ses "inventeurs"

Fin 1973, à Toronto (Canada), un groupe de chercheurs et d'étudiants se réunirent sous l'égide de la "New horizon research foundation" un centre de recherches psychiques que présidait George Owen. Ce biologiste, généticien et mathématicien renommé, membre du Trinity College, leur proposa de participer à une expérience délicate, inhabituelle pour des scientifiques, peut-être de longue haleine, probablement sans résultat probant : celle d'entrer en contact avec les esprits !
Parmi la vingtaine de volontaires, la présence active et enthousiaste de Brian Josephson, prix Nobel de physique 1973, venait cautionner le sérieux de l'entreprise.
Un premier groupe de neuf personnes se réunit afin d'établir un protocole de recherches inattaquable. Puis, ils dressèrent un portrait robot détaillé de l'esprit auquel ils souhaitaient donner vie.
George Owen raconte:
«Il fut décidé qu'il s'appellait Philip et aurait vécu au XVIIe siècle. Aristocrate anglais d'une belle prestance il ne s'entendait pas avec sa femme, une bigote à l'esprit étroit et qu'il trompait allègrement avec une jeune et jolie bohémienne. Joueur et très endetté, il avait dilapidé la dot de son épouse.»
L'imagination en action, les participants ajoutèrent au portrait de leur créature virtuelle quelques détails aussi anachroniques qu'amusants afin d'être tout à fait sûrs qu'ils n'allaient pas invoquer un esprit existant.

Pendant près d'un an, rien ne se passa

Par la suite, le groupe se réunit autour d'une table, une fois par semaine. Pendant près d'un an, rien ne se passa.
Mais motivés et très soudés, les expérimentateurs piqués au jeu ne se découragèrent pas et maintinrent le cap sans impatience ni lassitude.
Puis, un beau jour, Philip, en parfait poltergeist, se manifesta par des coups vigoureux frappés sur la table. La communication entre lui et ses inventeurs s'établit selon le code le moins compliqué possible: un coup sur la table pour un oui, deux coups pour un non.
Philip répondit aux questions posées de manière concordante au schéma préétabli par les membres du groupe. Son humeur variait selon l'humeur générale des protagonistes présents.
Si quelques membres étaient absents, ses manifestations faiblissaient, allant jusqu'à disparaître lorsque le quorum n'était pas atteint. Bientôt, au fil des séances, il s'enhardit et se mit à déplacer la table un peu partout et de manière fantaisiste et désordonnée.
Selon Owen, toutes les manifestations de Philip correspondaient aux observations rapportées dans la plupart des cas de hantises attribuées à des fantômes ou des esprits frappeurs, sauf que Philip, lui, couronnait l'effort psychique de neuf personnes.
Même si des hommes de science et pas des moindres mirent en doute cette expérience originale et la traitèrent de "canular", je n'ai pas eu connaissance qu'un participant à ce groupe de recherche ait jamais avoué ou dénoncé la moindre supercherie.
Peut-être, cette expérience exemplaire servira-t-elle à décanter quelque peu nos pensées trop rigides et à entrouvrir nos œillères.

UNE CONTRE-EXPÉRIENCE : AXEL

En 1977, des chercheurs de l'université de Montréal tentèrent de vérifier si l'expérience "Philip" était reproductible, et pour ce faire établirent un protocole très proche de celui de leurs collègues de Toronto.
Voici ce qu'en a dit Louis Bélanger qui participa à l'opération au cours d'un entretien avec Mme Catala du GERP :
«Nous voulions obtenir des résultats semblables à ceux du groupe "Philip" du docteur George Owen à Toronto, mais cette fois-ci, le "fantôme" créé de toute pièce devait être un personnage du futur.
Au printemps 1975, la psychologue Denise Roussel fit paraître une annonce dans les "Cahiers du psychologue québécois". Elle invitait les professionnels intéressés par les phénomènes psi à se rencontrer.
C'est ainsi que naquit le GERPSI (Groupe d'Etude et de Recherche en Psilogie). Albert Drouin et moi-même avons été appelés comme "personnes-ressource". Denise, très dynamique, organisatrice hors-pair, mettait les gens à l'aise, les faisait se rencontrer.
Après une année centrée sur l'information, nous avons formé des cellules séparées plus ou moins actives de psi-praxie et de psi-théorie ; je dois mentionner ici Jean Ouimet et Jean Brard qui apportèrent des réflexions théoriques précieuses en physique et en épistémologie.
"Axel" se situe donc comme une expérience se déroulant à l'intérieur d'un cours de l'université de Montréal, avec quelques membres du GERPSI, de l'automne 1976 à l'été 1977.
La composition du groupe était assez particulière, six femmes et deux hommes.
Certains membres, très sceptiques, cherchèrent d'emblée à décortiquer le mécanisme de la genèse du "fantôme". Manière inadéquate pour une expérience de ce genre au cours de laquelle les participants doivent rester spontanés, l'esprit ouvert, sans idées préconçues, extrêmement disponibles afin de jouer le jeu sans entraves ni obstacles.
Ce n'est qu'après une visite de trois représentants de notre groupe au groupe "Philip" de Toronto que, quinze jours plus tard, ayant adapté notre protocole d'expérimentation, nous avons obtenu les premiers "raps".
Mais je dois avouer que chez nous, à Montréal, les effets n'ont jamais atteint la puissance et la précision de ceux qu'avait obtenus le groupe Philip et que l'effet de déclin est intervenu assez rapidement.
Pour ma part, je pense que notre équipe était moins motivée et moins soudée que celle des promoteurs de "Philip".»
Louis Bélanger

 
 

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