ALAN TURING
(1912-1954)
Père de l'ordinateur
Pionnier de l'intelligence artificielle

Alan Turing

Alan Turing est une des belles figures oubliées du XXe siècle. Père des ordinateurs modernes, du moins pour leur conception théorique, sa contribution à la victoire des alliés pendant la Seconde Guerre Mondiale est décisive.

Mais un suicide prématuré, sans doute "encouragé" par les autorités britanniques, l'a relégué dans les oubliettes de l'histoire.

Alan Mathison Turing est né le 23 mai 1912 à Londres. Né d'un père collecteur d'impôts aux Indes et d'une mère partie le rejoindre en 1913, le petit Alan passe de nurses en tuteurs, de familles d'accueil en pensionnats, durant toute son enfance.

Le jeune Turing n'est pas un élève brillant. Ses professeurs le décrivent comme brouillon, inattentif.

A l'âge de 15 ans, il rencontre Christopher Morton, interne comme lui, avec lequel il partage la même passion des sciences. Cette relation se révèle un peu ambigüe, car d'un côté il semble que les sentiments s'appellent amour, et de l'autre simplement amitié.

Mais Christopher décède en février 1930, laissant Turing désemparé.

Alan réussit pourtant en 1931 l'examen d'entrée au très sélectif King's College de Cambridge. Il s'y épanouira, car personne n'y raille son homosexualité, son apparence décalée. Chacun, dit-on ici, doit être ce qu'il est. Outre au sport, qu'il pratique à un bon niveau, Turing s'intéresse aux travaux de mécanique quantique de John Von Neumann, ce qui l'amène à étudier les probabilités et la logique en mathématique.

Dès 1935, il imagine une "machine universelle", capable d'accomplir n'importe quelle tâche si elle est programmée selon un "algorithme", concept qu'il développera l'année suivante dans son article «On computable numbers with an application to the Entscheidungsproblem». Cet article précurseur donnera naissance aux recherches sur l'intelligence artificielle, le calcul étant le même, quel que soit l'objet, machine ou homme, qui le fait.

En 1936, Turing part préparer son doctorat à Princeton (États-Unis) où il prend connaissance des travaux d'Alonzo Church auxquels il participe.

Assistant à la montée du nazisme, il se rapproche des milieux pacifistes, sans pour autant fréquenter les extrémistes marxistes.

De retour à Cambridge, en 1939, il suit avec intérêt les cours de Ludwig Wittgenstein sur les fondements des mathématiques et leur valeur. Le maître et l'élève sont en profond désaccord sur le sujet. Turing défend avec vigueur le formalisme des mathématiques, leur système déductif permettant des calculs logiques précis, corroborant ses théories informatiques. Wittgenstein estime quant à lui que les mathématiques ne sont qu'un outil ne permettent pas de découvrir une seule vérité absolue.

Enrôlé par l'armée anglaise sitôt la guerre commencée, Alan Turing est recruté par les services secrets.

Au début de la Seconde Guerre Mondiale, la marine allemande remporte de nombreuses victoires sur terre et dans les mers. Une des clés de ces victoires est la machine Enigma, une machine à coder électro-magnétique, qui permet à l'état major allemand de transmettre à ses sous-marins des messages indéchiffrables par les services secrets alliés.

L'armée britannique réunit à Bletchley Park, un lieu alors tenu secret, 10.000 personnes, essentiellement des "petites mains" - c'est-à-dire des secrétaires chargées des tâches répétitives - mais aussi des chercheurs chevronnés, des calculateurs prodiges, des joueurs d'échecs, etc... afin de tout faire pour comprendre le mécanisme de la machine produisant le code Enigma puis de son successeur, la Zuse 3.

La théorie devient alors pratique lorsque, avec d'autres mathématiciens tels Gordon Welchman, Hugh Alexander, and Stuart Milner-Barry, Alan Turing parvient à casser les codes allemands, notamment Enigma. Avant la fin de la guerre, il conçoit une machine électronique, le Kolossus, qui permet de décrypter la plupart des messages allemands y compris ceux émis en code Lorenz utilisé par les dirigeants pour communiquer entre eux.

Les bases du fonctionnement de l'ordinateur conçu par Turing sont posées dans une langue binaire, (algèbre de Boole) composée uniquement de 0 et de 1.

Le fantasme d'Alan Turing repose sur cette machine évolutive, voire intelligente, qui grâce à son cerveau mécanique fonctionnant avec un langage binaire, serait capable de tout numériser, jusqu'à la pensée.

Par essence même, les ordinateurs modernes sont des réalisations concrètes des "machines de Turing".

Mais la "machine de Turing" se révèle vite obsolète face au Harvard Mark I d'IBM en 1944, un monstre de cinq tonnes occupant 37m2 utilisant ses principes à la puissance 1000 !

Turing

Après la guerre, Turing travaille à l'Institut de Physique de Grande-Bretagne à la conception des premiers ordinateurs. Il s'intéresse aussi à la biologie, et particulièrement aux connexions neuronales, avec en toile de fond la question : pourquoi les machines, si douées pour effectuer des calculs rébarbatifs à l'homme, sont-elles si gênées pour simuler les actions les plus naturelles de l'être humain (marcher, prendre un verre...).

En 1950, grâce aux puissants ordinateurs construits par d'autres, Alan Turing explore l'intelligence artificielle et propose un test pour définir si une machine est "consciente" ou non. Si un humain ne parvient pas à différencier un être humain d'un ordinateur avec lesquel il communique à l'aide de messages écrits, alors l'ordinateur est comme l'homme, capable de "penser".

Alan Turing pariait que dans les années 2000 un ordinateur réussirait ce test. Pourtant, à l'heure actuelle (2010), aucun ne semble encore avoir réussi l'épreuve avec succès.

Génial mais vulnérable

L'homosexualité avouée de Turing gêne beaucoup dans la prude Angleterre de la guerre froide, d'autant que les services secrets, pour lesquels il travaille encore sans doute, se méfient des confidences sur l'oreiller qu'il pourrait faire à un espion russe formé à cela.

A la suite d'une sombre histoire de cambriolage (dont il fut la victime), Turing est condamné pour ses pratiques sexuelles.

Pour échapper à la prison, il doit subir un traitement de castration chimique par prise d'œstrogènes, dont un des effets secondaires est de développer la poitrine.

Le 7 juin 1954, Alan croque une pomme qu'il a préalablement trempée dans une solution de cyanure, et il est retrouvé mort le lendemain, l'écume aux lèvres.

Ce geste lui aurait été inspiré par Blanche Neige et les 7 Nains, où dans une scène la méchante sorcière trempe une pomme dans le bouillon empoisonné. On dit que le logo d'Apple, une petite pomme croquée, serait un clin d'œil au destin tragique de Turing.

pomme

Source :

Bibm@th.net

 
Haut         Accueil Science & Magie          S&M N°63