Saint Jobs priez pour nous
(1955-2011)
par Louise Couvelaire

Steve Jobs
Steve Jobs n'était pas un businessman motivé par l'appât du gain, c'était un artiste, un passionné, un puriste qui ne s'est jamais trahi pour plaire. Son obsession de la perfection a contribué à bâtir plus qu'une marque, plus qu'un empire : un mode de vie, une façon d'être et de penser, une identité à part. 20 ans et applemaniaque : moi et mon Mac, moi et mon iPod, moi et mon iPhone, moi et mon iPad. On achète du Steve Jobs, on vit selon Steve Jobs, on existe par Steve Jobs, on parle le Steve Jobs. «C'est un visionnaire !», s'enthousiasme la jeune génération, comme si elle s'était donné le mot. «C'est lui qui a révolutionné notre quotidien.» Apple fabrique ludique, crée du beau et fait le show.

Avec ses lancements grandioses dont il était la vedette et ses phrases cultes - «soyez insatiable, soyez fou» ou encore «la mort est probablement la meilleure invention de la vie» - le trublion de Cupertino, (siège d'Apple en Californie), est devenu une icòne high-tech qui, pour ses fans, a changé le monde et leur a permis d'en être.

L'homme, pourtant, ne ressemble pas à ses créations : dans la vie, le maître du cool était un mégalomane narcissique, génial mais infernal.

Lorsqu'un professeur de l'université Stanford, Robert Sutton, décide en 2007 d'écrire un livre intitulé «Objectif zéro-sale-con : Petit guide de survie face aux connards, despotes, enflures, harceleurs, trous du cul et autres personnes nuisibles qui sévissent au travail» (éditions Vuibert), les gens se bousculent spontanément à sa porte pour lui conter une histoire à faire peur sur le grand méchant Jobs.

Capable d'humilier ses employés en public, de les renvoyer brutalement, il était aussi odieux que manichéen. Un produit était ou fantastique ou nul, ses salariés étaient ou des génies ou des clowns, indispensables ou à jeter. Vous passiez d'une catégorie à l'autre en une fraction de seconde, sans préavis.

Fasciné par les célébrités hollywoodiennes, asocial, timide et complexé, il garait sa Mercedes sur les places de parking réservées aux handicapés, ne donnait pas aux œuvres de charité, ni lui ni son entreprise - contrairement à Bill Gates qui y consacre sa vie et ses millions - et a laissé sa première fille, illégitime, et sa mère vivre dans la pauvreté pendant plusieurs années avant de reconnaître l'enfant.

Alors qu'il avait déjà fait fortune et pour ne pas avoir à verser de pension, il avait affirmé au tribunal qu'il était stérile et qu'il ne pouvait donc pas être le père (il aura trois autres enfants). «Est-ce si important ?, s'interroge Michael Wolff. La plupart des génies ne sont pas des personnes très recommandables, mais elles s'effacent derrière le mythe.»

Au final, sale type ou créateur de génie, Steve Jobs avait raison : on finit tous avec un iPhone (ou presque).

(Louise Couvelaire Saint Jobs priez pour nous
(Le Monde 14/10/2011)


Steve Jobs

Extrait de l'ouvrage Objectif Zéro-sale-con
de Robert Sutton.
Steve Jobs remporte, une fois de plus, la palme. Andy Hertzfeld, un membre essentiel de l'équipe qui conçut le premier Macintosh, se souvient d'un message laissé en 1981 par Jobs à Adam Osborne, le PDG de la firme concurrente, Osborne Computer. Hertzfeld le cite dans son livre, Revolution in the Valley :

« Bonjour, ici Steve Jobs. Je voudrais parler avec Adam Osborne. »

La secrétaire informa Steve que M. Osborne était absent et ne serait pas au bureau avant le lendemain matin. Elle demanda à Steve s'il voulait laisser un message.

« Oui, répondit Steve. Il marqua une pose. « Voici mon message. Dites à Adam qu'il est un sale con. »

Il y eut un long silence au bout du fil pendant que la secrétaire cherchait ce qu'elle pouvait répondre.

Steve poursuivit : « Autre chose. J'ai entendu dire qu'Adam s'intéresse au Macintosh. Dites-lui que le Macintosh est tellement formidable qu'il en achètera probablement plusieurs pour ses enfants, même si c'est le Macintosh qui va foutre sa boîte en l'air. »

La prédiction de Jobs se réalisa. Osborne Computer fut mis en liquidation deux ans plus tard.

(Robert Sutton : Objectif Zéro-sale-con - Editions Vuibert 2007)

Steve Jobs faisait étudier sa progéniture à l'école Waldorf où, de la crèche au lycée, il n'y a ni ordinateur, ni tablettes. Lire :
Steve Jobs pas fan de l'Ipad

 
 
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