SPIRITISME : LE MONDE DES ESPRITS

 
Fantômes & Maisons hantées
Camille Flammarion - Charles Richet - Roland Bonnet
Il était une fois une maison hantée
Le premier fantôme
Du fantastique au canular
Les demeures perturbées
Swedenborg - Les Soeurs Fox - Allan Kardec
Les esprits errants
Achille Borgnis - Le Spiritisme
Témoignage : Le prieuré hanté
Témoignage : Spectres préhistoriques.
Comme les ovnis et bien d'autres sujets, tels l'après-vie, le spiritisme, le magnétisme animal, les médecines douces, les guérisseurs, la radiesthésie, etc, celui des maisons hantées soulève polémiques et controverses, provoquant des positions manichéennes entre ceux qui "y croient" et "ceux qui n'y croient pas".
En réalité, nos connaissances relatives aux maisons hantées, nous les avons acquises par les médias (notamment à sensations), la littérature, essentiellement romanesque (donc issue de l'imaginaire), le cinéma (films de fiction), de la télévision (émissions dites culturelles animées par des animateurs partiaux - le plus souvent totalement incompétents ! - entourés d'invités "m'as-tu vu" et de petits copains aussi ignares qu'eux.
Des récits "oui-dire" (donc sujets à caution), des légendes colportées par des conteurs de talent qui ajoutent, plus ou moins inconsciemment leurs phantasmes aux récits, pour mieux convaincre, ont alimenté l'imaginaire de beaucoup d'entre nous. On serait alors tenté de croire que les maisons hantées font partie de la réalité virtuelle !
Nous sommes très peu nombreux à avoir été témoins de phénomènes spécifiques aux maisons hantées. Parmi ces témoins, rares sont ceux qui osent se confier, de peur de passer pour naïfs. S'ils se confient, ils en rajoutent tout comme le conteur, pour mieux nous convaincre et nous éviter de les soupçonner d'affabuler...
Et si, certaines maisons que l'on suppose hantées, étaient vraiment perturbées ? Maisons malsaines, mal implantées, mal construites, mal environnées ? Des maisons que l'on pourrait soigner rationnellement, sans faire appel au surnaturel, à des entités, à des spirites, à des prêtres exorcistes ? Roland Bonnet

Camille Flammarion

Pour la majorité des citoyens de notre planète, tous les bruits inexpliqués des maisons que l'on dit "hantées", tous les déplacements sans contact de corps physiques, tous les mouvements de tables, de meubles, d'objets quelconques observés dans les expériences spirites, toutes les communications dictées par des coups frappés ou par l'écriture automatique (inconsciente), toutes les apparitions, partielles ou totales, de formes fantomatiques, sont des illusions, des hallucinations ou des farces. Nulle explication n'est à chercher.
La seule opinion raisonnable est que ce sont là des mirages provoqués ou non, des erreurs d'observation ou d'interprétation, que tous les médiums, professionnels ou non, sont des imposteurs, que ces phénomènes n'existent pas, et que les témoins le plus souvent de bonne foi sont des imbéciles.
Assurément, le sujet est complexe et le problème à résoudre est une équation à plusieurs inconnues. Mais la science en a résolu bien d'autres, depuis les équations du premier degré jusqu'aux fonctions transcendantes du calcul intégral. Il y a tout d'abord ici deux éléments en présence : des facultés humaines à analyser, à déterminer, et un élément psychique invisible extérieur à nous.

Charles Richet

De tout temps, les hommes ont constaté que des faits singuliers, irréguliers, imprévoyables, se mêlaient aux événements ordinaires de l'existence quotidienne. Alors, ne pouvant pas trouver d'explications rationnelles, ils ont supposé l'intervention de forces surnaturelles, et l'action de dieux ou de démons tout puissants.
Peu à peu, avec les progrès de nos connaissances, la foi en ces ingérences -divines ou démoniaques -dans nos petites affaires humaines a perdu du terrain. Qu'il s'agisse d'une aurore boréale, d'une éclipse, d'une comète, ou simplement d'un orage, nous ne voyons plus là aujourd'hui qu'un phénomène naturel dont nous avons appris à préciser quelques lois. Qu'il s'agisse de l'épilepsie ou de l'attaque hystérique, nous ne faisons comparaître ni Hercule, ni Satan.
Pourtant, nos sciences, malgré leurs prodigieux progrès, n'ont pas pu donner la raison d'être de certains phénomènes exceptionnels auxquels les lois jusqu'ici connues de la physique, de la chimie, de la physiologie, ne s'appliquent plus. Comme ces événements et ces forces étaient inexplicables, par la science classique, la science classique a pris un parti très incommode ? elle les a ignorés. Mais ces faits étranges, qu'ils soient niés ou acceptés, n'en existent pas moins.

IL ÉTAIT UNE FOIS UNE MAISON HANTÉE

Des événements surprenants et incompréhensibles en leur temps, enjolivés au fil des siècles par l'imagination populaire, sont devenus de belles légendes. Ces récits incroyables, relatant des phénomènes étranges, des incidents bizarres nous furent transmis oralement d'abord, puis par écrit, chaque conteur y ajoutant ses fantasmes, ses rêves et quelques menues menteries.
Pimentées d'un zeste de superstition, enrobées de sentiments religieux, farcies de préjugés, d'idées reçues et d'a-priori, ces fables sont devenues des "histoires vécues" enrichissant d'un peu de poésie l'histoire dramatique de l'humanité. Ainsi les fantômes et les maisons hantées font aujourd'hui partie de notre patrimoine culturel.
Une maison est dite "hantée" lorsqu'elle est habitée par un fantôme, c'est- à-dire un esprit désincarné. Selon une croyance bien établie, cette entité manifeste sa présence de cent façons, soit pour attirer l'attention ou la compassion des vivants dont elle serait en quelque sorte prisonnière, soit pour les chasser par la terreur des lieux qu'elle tient à occuper seule, ne pouvant accéder aux sphères supérieures, pour d'obscures et inavouables raisons.
Selon une tradition, un folklore, une légende bien établis lorsque l'on évoque une demeure hantée, on imagine le plus souvent un château en ruines au sommet d'une colline recouverte d'épaisses forêts hostiles où rôdent, dès la nuit venue, des animaux étranges ou féroces.
Les tours gothiques où nichent des oiseaux de nuit émergent avec peine d'un brouillard glauque. Dans les douves croupit une eau recouverte d'une sorte de peau végétale aux émanations écoeurantes. Les nuits de pleine lune, des cris, des bruits étranges s'élèvent de l'antique demeure et parviennent parfois jusqu'aux fermes isolées ou aux villages d'alentour. des demeures étranges.
Un autre stéréotype de notre imaginaire nous fait voir des maisons hantées dans ces demeures mal foutues, bizarres, hautaines, vieillotes et biscornues, que l'on voit campées dans un parc à l'abandon au gazon pelé, et dont une allée mal entretenue conduit à un ancien étang devenu marécage.
Le visiteur téméraire ou imprudent qui s'en approche par aventure, se voit accueilli par des taillis de ronces débordant de part et d'autre du chemin, où des grosses araignées ont tissé leurs toiles gluantes.
La demeure elle-même semble à l'abandon, ses murs lézardés sont rongés par une mousse roussâtre, ses volets battent au moindre souffle d'air, et l'on voit passer derrière les vitres poussiéreuses d'inquiétantes silhouettes. Les nuits d'orage, la maison comme le château irradient de mille lueurs suspectes sous les éclairs.
Dans le fracas du tonnerre, on distingue parfois le battement de cloche assourdi d'un glas sinistre venu de nulle part, qu'accompagnent des pleurs et des gémissements.
De l'intérieur de ces demeures maudites, "ceux d'ailleurs", les forces démoniaques qui y ont trouvé refuge, surgissent pour intimider l'intrus et le chasser. S'il persiste, s'il s'incruste, ces entités le lui feront payer très cher.

Morts sans sépulture

Mais d'où viennent ces spectres ? Ces âmes errantes ? La tradition dit qu'il s'agit d'êtres humains sans sépulture, de victimes de crimes non vengés, d'âmes pour lesquelles personne ne prie jamais. Ce commerce des vivants et des morts se termine presque toujours par la revanche des défunts. Rares sont les curieux qui sortent indemnes de ce voisinage.
Hostilité, peur, effroi, terreur, épouvante émanent à différents degrés de toute maison hantée, et la croyance populaire voudrait que ceux qui ont l'audace de pénétrer en de tels lieux interdits, maudits, soient déphasés à jamais.
Pour assainir et sanctifier ces demeures maudites, l'Eglise a longtemps délégué ses prêtres qui, au moyen de rituels de conjuration et d'exorcisme, refoulaient les esprits mauvais et réhabilitaient par la prière, les âmes perdues.
Aujourd'hui, une armée d'occultistes, de parapsychologues, de médiums, de géobiologues se sont substitués aux prêtres pour assainir les lieux de leurs ondes nocives.

LE PREMIER FANTÔME

La tradition des maisons hantées est très ancienne. Plaute (254-184 av. J.-C.), le célèbre auteur comique romain, aurait écrit une comédie, Mostellaria, aujourd'hui perdue, ayant pour théâtre une maison hantée.
On trouve dans la correspondance de Pline le Jeune (62-113 ap.J.-C.), les Epistolae, ce passage adressé à Suris, l'un de ses correspondants :
"Il y avait à Athènes, une grande bâtisse spacieuse qui avait la triste réputation d'être mal habitée. On racontait qu'on y entendait en pleine nuit un bruit métallique, qui, si l'on tendait l'oreille, ressemblait singulièrement à un cliquetis de chaînes. Perçu tout d'abord dans le lointain, le bruit se rapprochait de plus en plus. Aussitôt après, apparaissait le fantôme d'un vieillard misérable, décharné, barbu, aux cheveux de crin, et qui agitait les chaînes de ses poignets et de ses chevilles."
Or, un philosophe du nom d'Athenodore occupait cette demeure. Ce sage, nullement impressionné par les visites du vénérable vieillard, ne s'effraya pas de cette étrange cohabitation.
Un jour, le fantôme se mit à agiter ses chaînes au-dessus de sa tête. Quand Athenodore releva les yeux, il le vit de nouveau lui faire signe. Il prit alors sa lampe et le suivit. Le fantôme avançait très lentement, car ses chaînes semblaient entraver sa marche. Une fois arrivé dans l'atrium, il disparut subitement. Se retrouvant seul, le philosophe marqua l'endroit où le vieillard s'était volatilisé par un peu d'herbe et quelques feuilles.
Le lendemain, il alla trouver les autorités de la ville, et leur demanda de bien vouloir creuser à cet emplacement. On y trouva des ossements attachés à des chaînes. On les ramassa et on les enterra aux frais de la cité. Ayant une sépulture correcte, le fantôme ne se manifesta plus jamais dans la maison."
DU FANTASTIQUE AU CANULAR
Une maison hantée est une maison occupée par des fantômes. Si on se fie aux on-dit, aux rumeurs, aux avis des gens bien informés, des désincarnés, des spectres, des âmes en peine, des extraterriens farouchement opposés aux hommes, à toute occupation de leur territoire par des êtres vivants, seraient prêts à en découdre avec les humains assez téméraires pour s'y aventurer.
Face à un événement incroyable, à des faits apparemment inexplicables, un journaliste ne s'affole jamais. Il se délecte de ces incursions de l'irrationnel dans la banalité quotidienne et en profite pour donner libre cours à ses fantasmes personnels. Mi moqueur, mi épaté, il brode, en rajoute, romance, sans se soucier des conséquences plus ou moins graves que ses récits peuvent avoir sur des esprits fragiles prêts à prendre ses contes au premier degré.
Pour intéresser leurs lecteurs, les médias doivent dramatiser l'événement, forcer la note au risque de prendre quelque liberté avec la réalité observée.

Spécialiste du fait divers

Après un premier et rapide examen de la situation où l'Invisible le dispute à l'Étrange, notre spécialiste des faits divers affirme ce qui n'est le plus souvent encore qu'une hypothèse. Soucieux d'être crédible et convaincant tant auprès de ses supérieurs que des lecteurs, notre Rouletabille orchestre ses informations, aménage des épisodes à suspens, prépare des re-bondissements au cours d'une enquête aussi rapide que superficielle. S'il a du talent, il envoûte et possède littéralement le lecteur en alimentant son imaginaire.
Peu à peu, le fait apparemment inexplicable devient un événement sensationnel qui le restera tant que le client achètera le journal. Mais un fait divers chasse l'autre. A bout de souffle ou appelé à couvrir une autre enquête, notre informateur laissera ses lecteurs en plan, mais persuadés de la réalité des faits.
Il se laisse piéger S'il s'aperçoit qu'il a fait fausse route, que le phénomène est bidon, il relèguera sa timide mise au point dans les pages intérieures de sa publication.
A la décharge de notre reporter, reconnaissons qu'il n'est pas entraîné à traiter le surnaturel avec la même facilité que le naturel au quotidien. Comme tout un chacun, il peut se laisser piéger, dès lors toutes les déviations, toutes les aberrations sont possibles.
En tout cas, le fait divers laissera des traces dans la mémoire des lecteurs qui, lorsqu'ils évoqueront ce qui est en réalité une fausse nouvelle, la déformeront à leur tour en y injectant des bribes de leur imaginaire pour combler des oublis ou mettre en valeur leurs propres interprétations des textes proposés.

Du fantastique au canular

En conclusion : les médias relatent plus souvent des faits-divers étonnants ou amusants que les découvertes ayant un véritable intérêt.
Le sensationnel le dispute au fantastique, le fantastique à l'invraisemblable, l'invraisemblable au canular. Autrement dit les informations relatives aux phénomènes de hantise sont à prendre avec beaucoup de circonspection.
Prenant le relais de la littérature et de la presse, la radio, le cinéma et sa cousine, la télévision, ont multiplié par mille le nombre de personnes touchées par l'information. naissance du cinéma
Dès sa naissance (1895), le cinéma s'intéressa aux maisons hantées. La Maison du Diable (1896), L'Auberge ensorcelée (1897), furent projetés au Petit Théâtre Robert Houdin, dont le directeur n'était autre que le célèbre prestidigitateur Méliès, réalisateur de ces deux productions.
Grâce à un illusionniste, les spectateurs découvrirent de visu des êtres de l'au-delà, dont les agissements déclenchèrent le rire, leur permirent de retrouver au fil des images sautillantes, leur âme d'enfant et de faire ressurgir quelques fantasmes enfouis dans leur subconscient. Bien entendu, le cinéma muet, puis le cinéma parlant s'attaquèrent aux oeuvres littéraires. Avec le film tiré de sa nouvelle "La chute de la maison Usher" (1928), Edgar Poe donna le coup d'envoi à une longue série de productions où les fantômes et leurs lieux de prédilection : châteaux isolés, ruines, églises, chapelles désaffectées et maisons abandonnées tinrent la vedette.
A partir des années 60, des productions telle "The Hauting" (la maison du diable) (1960), de Robert Wise d'après l'oeuvre de Shirley Jackson, donnèrent naissance à un genre très prisé du cinéma fantastique : le film d'angoisse et de terreur s'inspirait des faits réels.
Réalisés avec talent et de gros moyens, des films comme Rosemary's baby, l'Exorciste, The Shining, impressionneront des millions de spectateurs et de téléspectateurs. Relayés par les faits divers à sensation, les images du cinéma persuaderont beaucoup de gens de la réalité des faits rapportés, les induiront en erreur, leur feront prendre des vessies pour des lanternes.
La littérature romanesque, les médias, le cinéma fantastique ont permis et permettent encore à des journalistes, écrivains, scénaristes, réalisateurs, de fantasmer à mort. Leur plus grande réussite est d'entendre lecteurs et spectateurs croire dur comme fer à leurs fictions.

LES DEMEURES PERTURBÉES

Si ces oeuvres de fiction utilisent les phénomènes paranormaux, elles ne retiennent que les "bizarreries" observées dans les demeures perturbées et les apparitions, sans étudier la réalité des faits et sans donner d'explication autre qu'imaginaire. Le phénomène des apparitions, des spectres et des maisons hantées, reste donc, depuis Charles Richet et ses amis métapsychistes, en dehors du champ d'études de la science. Sur la pointe des pieds, en retenant notre respiration, essayons d'approcher une réalité aussi difficile à saisir que le souffle d'un papillon.

Esprit, si tu es, qui es-tu ?

Pas de maisons hantées sans fantômes et pas de fantômes sans Esprits. Considérée autrefois comme une science occulte, la néciomancie, forme ancienne de la nécromancie -permettrait de consulter les morts pour connaître l'avenir.
De la fin du XVIIIe siècle au début du XIXe, l'évocation des morts devint, une doctrine religieuse à prétention scientifique, qui prit pour nom : spiritisme.
Doctrine fondée sur la croyance dans la survivance de l'â-me des défunts, devenus "Esprits" ou "Désincarnés", le spiritisme nous enseigne comment évoquer ces esprits et communiquer avec eux, soit directement, soit par l'intermédiaire d'un médium. Très éloigné de la magie, le spiritisme affirme que l'âme n'est pas une entité surnaturelle mais fait partie intégrante de l'être humain.
A notre mort, notre corps éthérique composé de matière subtile, porteur du fluide vital, subsiste. Les "esprits" révélés par la doctrine spirite sont des entités proches de nous, accessibles, presque familières.
Compte tenu de l'importance des fantômes, spectres, ectoplasmes que nous évoquons dans ce dossier, il nous paraît indispensable de donner un aperçu historique du Spiritisme, de ses promoteurs et ses premiers adeptes.

Swedenborg

Cet illustre savant suédois (1688-1772), que Balzac admiratif surnomma "Le Bouddha du Nord", étudia les lettres, la philosophie (il obtint son Doctorat en 1709 à l'université d'Uppsala), la théologie, les mathématiques, l'économie politique, la géodésie, avant de se passionner pour le mysticisme et les sciences occultes.
Il voyage beaucoup à travers l'Europe, où toutes les sociétés savantes l'accueillirent triomphalement. En Angleterre, il travailla auprès de Newton. Brillant orateur, il est élu à l'Académie royale de Stock-holm. Anobli, il se voit confier de hautes responsabilités administratives au sein de l'Etat.
Dans la nuit du 7 au 8 avril 1744, Emmanuel Swedenborg connut une première vision au cours de laquelle il eut la sensation ineffable d'être touché par la grâce divine.
Un an plus tard, à Londres, un personnage lumineux lui apparaît et lui annonce qu'il a été choisi pour expliquer aux hommes le sens spirituel des saintes Écritures.
Puis les visions se succèdent jusqu'à cette fameuse vision de 1757 où il assista au Jugement Dernier.
Il transmit ses idées dans de nombreux ouvrages (Arcanes célestes, Le Ciel et l'Enfer, l'Amour divin et la Sagesse divine, la Vraie Religion chrétienne), etc. Selon sa doctrine, le monde invisible n'est que le prolongement du monde visible.
L'homme ne meurt pas. A la fin de sa vie terrestre il s'endort pour s'éveiller à la vie éternelle qui se perpétue dans l'Invisible.
Swedenborg rejette le dogme de la Trinité, proclamant qu'il n'y a qu'un seul vrai Dieu, l'Éternel créateur, le Sauveur et le Régénérateur : Jéhovah, et que le Christ n'est autre que le "messager humain de Dieu".
Deux siècles avant les soeurs Fox et Allan Kardec, Sweden-borg jeta ainsi les bases d'une doctrine nouvelle qu'il appela "pneumatologie" et dont l'essentiel fut repris par les théoriciens du Spiritisme.

Les soeurs Fox

C'est en 1847, aux USA, que le spiritisme explosa littéralement grâce aux soeurs Fox (Margaret et Kate) qui eurent affaire au fantôme turbulent d'un colporteur, père de cinq enfants, assassiné quelques an-nées auparavant.
Cet esprit tourmenté se manifestait par des déplacements de meubles et par des raps. De ces coups répétés, les soeurs firent l'alphabet spirite.
Devenues médiums-stars, les soeurs Fox avaient dix mille émules médiums et se voyaient admirées par plusieurs centaines de milliers de fidèles (on avance le chiffre de trois millions).* Cette vogue de popularité vouée aux entités traversa l'Océan et gagna l'Angleterre, l'Allemagne, la France, la Russie, l'Italie.
Dès 1854, dans le pays de Descartes, il y eut bien entendu des détracteurs issus tout d'abord de l'Académie des sciences, Faraday en tête. Par contre, des personnalités comme Victor Hugo, et plus tard le docteur Charles Richet et Victorien Sardou, s'intéresseront au spiritisme et seront ses ardents défenseurs.

Allan Kardec

Denizard-Hippolyte-Léon Rivail, quinquagénaire lyonnais, pédagogue de métier, franc-maçon par vocation (Grande Loge de France), intéressé depuis longtemps par le magnétisme curatif décrit par Mesmer, est invité par des spirites. Il assiste à des séances où l'on fait tourner des tables et où l'on invoque les esprits.
Pour lui, il s'agit d'un conte à dormir debout. Pourtant, au cours d'une communication médiumnique, Zéphyr, un Esprit, révèle à Rivail, qu'il l'a connu dans une précédente existence, à l'époque des druides. Son nom était alors Allan Kardec.
C'est désormais sous ce nom que D.H.L. Rivail sera connu, et deviendra le pape du Spiritisme. Un pape qui sera vénéré après sa mort à l'égal d'un saint.
"Le spiritisme, écrit-il, est une science qui traite de la nature et de la destinée des Esprits et de leurs rapports avec le monde corporel." Le spiritisme n'est plus un jeu de salon et sera codifié grâce à deux ouvrages : Le Livre des Esprits, et Le Livre des Médiums que l'on considère aujourd'hui encore comme la Bible du Spiritisme.
C'est encore aux Etats-Unis que le spiritisme connaîtra un nouvel essor grâce à Mme Blavasky (médium discuté), qui fonda en 1865 à New-York, la Société théosophique.
Depuis, bon nombre d'occultistes ont associé leur nom et leur réputation au spiritisme. Citons Papus (Docteur Gérard Encausse), qui apporta quelques nuances :
"Les occultistes se différencient justement de la majorité des spirites par la difficulté avec laquelle ils admettent les communication véritables entre les vivants et les esprits eux-mêmes des défunts." (Qu'est-ce que l'occultisme ?).
Et dans un autre ouvrage :
"L'occultisme ne nie pas, n'a jamais nié la possibilité de communiquer avec les êtres défunts, mais il restreint considérablement le nombre des communications réelles. La plupart du temps, il s'agit de faits d'auto-suggestion ou d'hypnotisme transcendant, faits dans lesquels les forces des médiums et des assistants interviennent seuls (La science des Mages). "Naître, mourir, renaître et progresser sans cesse, telle est la loi." clame Allan Kardec.

LES ESPRITS ERRANTS

De Swedenborg à Rufina Noeggerath, en passant par des célébrités (Victor Hugo, sir Conan Doyle, etc) et des médiums vedettes (les soeurs Fox, etc) tous ont émis des opinions sur les maisons hantées.
Selon Allan Kardec, l'âme (l'Esprit), ne se réincarne pas immédiatement après la séparation d'avec le corps. Le plus souvent, il s'écoule des intervalles allant de quelques heures à quelques milliers de siècles au cours desquels, l'Esprit erre. Seuls les purs Esprits qui sont arrivés à la perfection, n'errent plus : leur état est définitif.

A l'état errant, les Esprits peuvent-ils aller dans tous les mondes ?

"C'est selon : lorsque l'Esprit a quitté le corps, il n'est pas, pour cela, complètement dégagé de la matière, et il appartient encore au monde où il a vécu, ou à un monde du même degré, à moins que, pendant sa vie, il ne se soit élevé, et c'est là le but auquel il doit tendre, sans cela il ne se perfectionnerait jamais. Il peut cependant aller dans certains mondes supérieurs, mais alors il y est comme étranger; il ne fait pour ainsi dire que les entrevoir, et c'est ce qui lui donne le désir de s'améliorer pour être digne de la félicité dont on y jouit, et pouvoir les habiter plus tard."
Si, selon les canons du spiritisme, les esprits jouissent de grands privilèges telle la liberté de s'incarner, de se matérialiser, de converser avec les assistants et de se livrer à bien d'autres manifestations non moins intéressantes, il existe une limite à leurs démonstrations et à leurs actions.
Ainsi, au cours d'une séance spirite, un esprit peut commettre la faute de trop parler, de divulguer des secrets sur la vie et l'organisation de l'Au-delà, ce qui lui est interdit. Il lui est aussi défendu de prédire l'avenir, pour se rendre intéressant auprès des vivants ?
Il arrive aussi qu'un Esprit, ayant pris des libertés de langage avec le "maître de séance", fût sévèrement rappelé à l'or-dre par l'Esprit supérieur présent, et privé de communication ou de possibilité de se matérialiser pour quelque temps. Aucune supplication ne parviendra à amadouer l'Esprit supérieur et à le faire revenir sur sa sentance.

ACHILLE BORGNIS

Achille Borgnis partageait avec son frère Paul Borgnis une passion dévorante : l'aviation. Amis de Charles Richet, lui aussi pionnier de l'aviation, ils avaient une autre passion commune : le spiritisme.
célèbre spirite du début du siècle, décrit avec sincérité et précision, dans un ouvrage paru en 1924, Au milieu des Esprits, ses expériences, et tout ce qu'il faut savoir sur cette nouvelle religion qui se veut scientifique.
Très bien documenté, et convaincant, Borgnis présente ses Esprits comme des "personnages" des plus humains.

Des esprits facétieux

"Les Esprits aiment souvent à se montrer facétieux. Ils cachent les objets qu'on met à leur disposition (...). Un esprit aime beaucoup à ouvrir les armoires et les vitrines (...). En dehors des séances, les Esprits se permettent parfois quelques manifestations par l'intermédiaire de leurs médiums non entransés, à n'importe quel moment, en plein jour et à l'instant où l'on y songe le moins.
Ainsi, il m'est arrivé que l'un de mes secrétaires auquel je dictais un article, vît, à sa grande stupeur, le porte-plume s'échapper de sa main et être projeté à une certaine distance. Placé devant lui, je fus bien obligé de constater le fait. Il fut saisi de frayeur et de crainte en songeant que les esprits (car nous n'attribuâmes ce fait qu'à une manifestation spirite) pourraient recommencer et faire pire encore, peut-être.
Le lendemain, je donnais une séance, l'un de nos esprits me dit : «Cher ami, avez-vous remarqué la petite espièglerie que j'ai commise hier, avec mon médium, pendant qu'il travaillait à votre bureau ?»
Je dois dire que mon secrétaire était un de mes élèves médium. Hors ce cas, je ne crois pas que pareil fait puisse se produire avec une personne quelconque n'ayant pas de qualités médiumniques."
Il serait logique de penser qu'invoquer les Esprits dans une maison lors d'une séance de spiritisme, avec cabinet spirite, médium et participants, est une véritable provocation. C'est inviter des entités à quitter l'Au-delà pour séjourner à nouveau dans notre dimension, les inciter à occuper provisoirement les lieux d'invocation et, s'ils s'y plaisent, à les squatter définitivement.
Achille Borgnis enseigne aussi comment faire apparaître les Esprits, communiquer avec eux par l'intermédiaire d'un cabinet médiumnique, d'un décor, d'aménagements appropriés, d'ambiances particulières, d'assistants et, bien entendu, d'un médium.

LE SPIRITISME

Ce serait se faire une bien fausse idée du spiritisme de croire qu'il puise sa force dans la pratique des manifestations matérielles et qu'ainsi, en entravant ces manifestations, on peut le miner dans sa base. Sa force est dans sa philosophie, dans l'appel qu'il fait à la raison, au bon sens.
Dans l'antiquité, il était l'objet d'é-tudes mystérieuses soigneusement cachées au vulgaire ; aujourd'hui, il n'a de secrets pour personne ; il parle un langage clair, sans ambiguïté. Chez lui, rien de mystique, point d'allégories susceptibles de fausses interprétations : il veut être compris de tous, parce que le temps est venu de faire connaître la vérité aux hommes ; loin de s'opposer à la diffusion de la Lumière, il la veut pour tout le monde ; il ne réclame pas une croyance aveugle, il veut que l'on sache pourquoi l'on croit ; en s'appuyant sur la raison, il sera toujours plus fort que ceux qui s'appuient sur le néant.
Les entraves que l'on tenterait d'apporter à la liberté des manifestations pourraient-elles les étouffer ? Non, car elles produiraient l'effet de toutes les persécutions : celui d'exciter la curiosité et le désir de connaître ce qui serait défendu.
D'un autre côté, si les manifestations spirites étaient le privilège d'un seul homme, nul doute qu'en mettant cet homme de côté, on ne mît fin aux manifestations ; malheureusement pour ses adversaires, elles sont à la disposition de tout le monde, et l'on en use depuis le plus petit jusqu'au plus grand, depuis le palais jusqu'à la mansarde.
On peut en interdire l'exercice public ; mais on sait précisément que ce n'est pas en public qu'elles se produisent le mieux : c'est dans l'intimité ; or, chacun pouvant être médium, qui peut empêcher une famille dans son intérieur, un individu dans le silence du cabinet, le prisonnier sous les verrous, d'avoir des communications avec les Esprits, à l'insu et à la face même des sbires ?
Si on les interdit dans un pays, les empêchera-t-on dans les pays voisins, dans le monde entier, puisqu'il n'y a pas une contrée, dans les deux continents, où il n'y ait des médiums ?
Pour incarcérer tous les médiums, il faudrait incarcérer la moitié du genre humain ; en vînt-on même, ce qui ne serait guère plus facile, à brûler tous les livres spirites que, le lendemain, ils seraient reproduits parce que la source est inattaquable, et qu'on ne peut ni incarcérer, ni brûler les Esprits qui en sont les véritables auteurs. (Allan Kardec : Le Livre des Esprits)

Châteaux hantés et phénomènes médiumniques

Pour les phénomènes qui se sont produits dans les châteaux hantés, pour ceux qui s'y produisent, est-il nécessaire que les disparus trouvent un médium à leur disposition ? Non. (...)
Les désincarnés peuvent puiser dans la nature les fluides qui servent à reconstruire une partie de leur corps pour apparaître à une ou plusieurs personnes en même temps (... ceux qui apparaissent ainsi n'ont de matérialité que la surface extérieure de leur périsprit.
Tous les corps qui sont dans la nature terrestre, minéraux, végétaux, animaux, sont de la même composition que le corps humain. Voilà pourquoi, en dehors de tout médium, nous pouvons quelquefois nous matérialiser. Mais entre ces matérialisations et celles que l'on obtient par des médiums, il y a une grande différence.
Les fluides que les extra-terriens puisent dans les forces de la nature ne sont pas assimilables au même degré, il est difficile d'arriver à une matérialisation complète ; tandis qu'avec un médium à matérialisation, l'extra-terrien peut prendre une partie ou la plus grande partie de sa chair, de son sang, de ses os. (Echos de l'Au-delà, recueillis et publiés par Rufina Noeggerath Leymarie 1924)

Faut-il croire aux exorcismes des lieux hantés ?

Que faut-il croire relativement à l'efficacité de l'exorcisme pour chasser les mauvais esprits des lieux hantés ? Avez-vous souvent vu ce moyen réussir ? N'avez-vous pas vu, au contraire, le tapage redoubler après les cérémonies de l'exorcisme ? C'est qu'ils s'amusent d'être pris pour le diable ! (Allan Kardec : Le livre des médiums).

Conseils pour qu'un esprit ne vienne hanter la maison qu'il a quitté :

- Brûler de l'encens dans la chambre mortuaire. - Mettre sous le lit du charbon de bois, du sel et du soufre. - Encadrer le lit du défunt de quatre cierges allumés. - Mettre des tentures jaunes et violettes sur les murs. - Ecarter toute personne qui manifesterait un chagrin intempestif. - Il doit régner dans la chambre mortuaire une ambiance de calme et de recueillement. Le désincarné a besoin de prières, de manifestations d'affection et non de désespoir. Il a besoin de pensées d'amour. - Ouvrir les fenêtres pour permettre à l'âme de s'évader. - Ces dispositions permettront au processus de la séparation de l'âme et du périsprit de la dépouille mortelle de s'effectuer en toute sérénité et faciliter ainsi son départ vers l'au-delà.

LE PRIEURÉ HANTÉ

Cette incroyable histoire de fantôme s'est déroulée il y a une quarantaine d'années. Des témoins du phénomène sont encore parmi nous.
Le récit qui va suivre me fut conté en 1990 par M. Tavière, secrétaire de l'Institut Métapsychique International. Il le tenait lui-même de M. Robert Tocquet. Il circule plusieurs versions de ces mystérieuses apparitions. L'une d'elles, plus complète, figure dans l'excellent Dictionnaire du Mystère de René Louis, à l'article "Revenant".
Dans les années cinquante, Mme R. et ses deux fils emménagent dans un prieuré du XVIIe siècle, qui fut jadis exproprié durant la Révolution et vendu comme Bien national, car les religieux ne voulurent pas se soumettre au serment exigé par le nouveau régime.
La famille R. avait fait une bonne affaire, car la propriété avait été superbement restaurée et entretenue par son ancien propriétaire. Les nouveaux acquéreurs n'avaient pas très bien compris pour quelle raison l'ancien propriétaire avait manifesté tant de hâte de se débarrasser de cette superbe demeure, bien qu'il ne parût nullement dans la gêne.

Elle voit une forme floue dans sa chambre

Or, par une nuit de juillet, quelques jours à peine après son installation, Mme R. est ré-veillée par les aboiements de ses chiens et voit avec stupeur dans la pénombre, une sorte de brouillard opaque dessinant une forme floue, se glisser dans sa chambre, qui fut celle de l'ancien prieur. L'apparition, de forme humaine, prend corps peu à peu et se révèle être un moine vêtu d'une robe de bure, à capuchon.
Sans prêter attention à la nouvelle propriétaire des lieux immobilisée dans son lit par la peur, le moine se dirige vers la cheminée, devant laquelle il s'agenouille et se met à prier. L'étrange personnage se relève et gagne une alcôve attenante où il disparaît.
Mme R., qui se trouve seule dans la maison, ne parvient pas à se rendormir. Le lendemain matin, au petit jour, comme tout semble calme, elle s'enhardit et inspecte toutes les pièces de la vieille bâtisse où elle ne retrouve aucune trace du passage de l'intrus. Elle se dit alors qu'elle a dû rêver, et ne parle à personne de ses frayeurs nocturnes.
Plusieurs semaines passent sans autre incident. Mais une nuit, le spectre réapparaît. De même que la première fois, elle n'eut pas le courage de réagir. Mais cette fois elle était certaine de ne pas rêver : une forme humaine venait prier devant la cheminée de sa chambre, celle-la même qu'occupait autrefois le prieur.

Mme R tient un journal des apparitions

Mme R. informa de ces apparitions M. Robert Tocquet, membre éminent de l'Institut Métapsychique International, ami de feu son mari, et qui re-cueillait depuis des années tous les témoignages sur les phénomènes surnaturels.
Sur son conseil, Mme R. tiendra dès lors un journal où elle notera minutieusement les événements surprenants qu'elle va vivre.
Le spectre revint une troisième fois. Comme lors des deux premières visites ce furent ses chiens qui la réveillèrent, et il sembla à l'observatrice que cette fois le moine apparaissait moins flou, et qu'elle pouvait mieux le détailler.
«Je me demandai, note Mme R., si cette forme n'était pas venue tous les jours pendant mon sommeil et bien avant que nous n'habitions cette maison.» Ayant bien réfléchi aux événements, Mme R. prit la chose du bon côté et se prit à espérer que son fantôme reviendrait car elle se promit de lui demander qui il est et d'où il vient.
Quelques jours passent sans visite nocturne. «Un soir enfin, écrit-elle, alors que je venais d'éteindre ma lampe et de m'étendre dans mon lit, mes chiens aboyèrent à la mort, et je vis soudain la porte de ma chambre s'ouvrir doucement.»

Une voix suppliante

Dans la pénombre le moine lui semble très vieux, très las, et ses vêtements sentent le moisi. Comme lors des premières ap-paritions, il s'agenouille devant la cheminée et, s'adressant à Dieu d'une voix suppliante, sanglote :
«Mon Dieu, miséricorde, ayez pité de moi, ayez pitié, mon Dieu, pardonnez-moi, Jésus !»
Mme R., qui tient absolument à parler à son fantôme, se redresse dans son lit dont les boiseries anciennes craquent bruyamment, et le moine se rendant enfin compte de sa présence, l'admoneste vivement:
«Que faites-vous ici,Madame ? Nul n'a le droit de venir troubler la quiétude de cette maison qui fut construite par des religieux pour des religieux, et pour servir à la plus grande gloire de Dieu.»

Une scène fantastique

Emue, Mme R. qui a remarqué la langue désuète employée par le moine, répond posément :
«Vous-même, mon père, comment êtes-vous entré ici, dans ma maison ? Pourquoi venez-vous prier ici, dans cette chambre?
- Ma pauvre enfant, chevrote le moine, il y a deux siècles que je prie ici, et je ne prierai jamais assez pour effacer mes péchés, pour faire oublier les souffrances dont je suis responsable et les crimes que j'ai laissé commettre au nom du Seigneur et de la religion...»
La scène entre ce moine d'un autre âge et cette bourgeoise raffinée du XXe siècle paraîtra fantastique à toute personne sensée.
En tout cas, Mme R., partagée entre la peur, la fascination et la compassion, voit ce pauvre spectre prier et se la-menter, à genoux, se mettant parfois à crier :
«Je souffre, mon Dieu, que je souffre !», puis, s'inquiéter :
- Avez-vous donné à boire au prisonnier ?
- Quel prisonnier ? Où est-il ?
- Dans le cachot à côté du réfectoire du couvent.»

Une longue et pénible histoire

Et le moine se met à raconter à son auditrice ébahie, une longue et pénible histoire de prêtre réfractaire mort de faim, de soif et de froid dans son cachot, pendant la révolution française, pour n'avoir pas accepté de se plier aux nouvelles lois imposées à l'Église.
Le moine se reprochait de s'être soumis et d'avoir abandonné son camarade aux vindictes des chasseurs de curés.
Une autre nuit, le fantôme devenu familier, demande, lors de sa visite, pourquoi Mme R. n'avait pas pris soin de restaurer la statue mutilée de la Vierge reléguée dans les caves, et qui faisait autrefois l'objet d'un pélerinage fameux.
Dès le lendemain, un samedi, la nouvelle propriétaire qui n'avait encore jamais osé parler du spectre à sa famille, demanda à ses fils de fouiller les caves du prieuré.
Ils retrouvèrent les débris d'une statue de la Vierge à l'Enfant sous l'oratoire, et en reconstituèrent les morceaux dispersés. Mais il manquait un important fragment.
Mme R. le retrouva mystérieusement, quelques jours plus tard, en taillant ses rosiers. Dès qu'elle vit le "caillou" émergeant de la terre, elle sut que c'était le fragment manquant. Mme R. fit restaurer la statue par un artisan du bourg qui la replaça dans sa niche de l'oratoire.
Une nuit de septembre, les murs et le plafond de la chambre à coucher furent fortement ébranlés par des coups bruyants. Dehors, dans le parc, les chiens hurlèrent à la mort. Le spectre revint, plus torturé, plus lamentable encore que d'habitude.

Un prêtre emmuré vivant

A la dame effrayée qui le questionna sur la provenance de ces coups, le moine répondit:
«Vous n'avez pas délivré le prêtre emmuré vivant comme je vous l'avais demandé.»
Cette fois, ses fils présents dans la demeure, intrigués par les bruits insolites, vinrent au chevet de leur mère. Elle leur raconta tout. L'aîné la traita de folle.
Le cadet, amateur de bandes dessinées et de films d'horreur, la crut sur parole. Ils proposèrent de laisser les chiens monter la garde dans la chambre de leur mère. Mais les chiens, refusèrent de rester dans la pièce, humant l'air et grognant avec rage.
Le plus jeune des garçons passa dès lors ses jours de congé à sonder les murs, à fouiller les caves et les communs du prieuré.
Une nuit d'automne, lors d'une visite de son spectre devenu familier, Mme R. s'enhardit et, profitant de ce qu'il fût en prière devant l'antique cheminée, elle s'avança silencieusement vers lui. Les mains en avant, elle plongea ses doigts à travers la forme agenouillée.

Un froid glacial

Elle ressentit une violente douleur dans sa poitrine et au niveau du diaphragme, tandis qu'un froid glacial l'envahit au point qu'elle faillit suffoquer. Le fantôme du moine se disloqua et s'évanouit dans la pé-nombre.
Ses mains se mirent à la brûler et enflèrent jusqu'aux poignets. De grosses boursouflures rouges et violacées s'installèrent et la firent souffrir durant des mois.
Mme R. fit une dépression nerveuse. Pendant des années, elle refusa de retourner au Prieuré et résida chez une de ses parentes.

Le spectre apparaît une dernière fois

Son jeune fils finit par retrouver les ossements du prêtre réfractaire dans un caveau dissimulé dans les fondations du bâtiment où il fut emmuré vif.
Le spectre du moine réapparut une dernière fois à Mme R. Ce fut au cours de la nuit qui succéda à une réunion de famille où l'on avait débattu de la vente éventuelle du Prieuré, dont les propriétaires excédés par la hantise, désiraient se séparer.
Avant de se coucher, Madame R. se recueillit à l'oratoire, devant la statue restauréee de la Vierge à l'Enfant, auprès de laquelle on avait déposé un vieux crucufix d'argent et dressé un bénitier retrouvé dans les caves.
Le moine lui dit qu'il était décédé sous les coups de soudards, en état de péché mortel, sans avoir reçu les dernières consolations de la religion.
«Je souffre, je souffre trop, pitié Madame, délivrez-moi!»
Alors, bien que n'étant plus très croyante depuis longtemps, Mme R., très émue, fut prise de pitié devant la douleur troublante de ce fantôme.

Le signe de croix

Elle saisit le crucifix d'une main et dessina à plusieurs reprises le signe de croix devant la silhouette du moine, tandis que de l'autre main, elle l'aspergea d'eau bénite à l'aide de la branche de buis qui trempait dans le bénitier.
Aussitôt, le fantôme se dissipa et disparut dans un dernier soupir.
Il ne reparut jamais. Mme R. et sa famille jouirent désormais sans troubles, de leur belle propriété.

DES LIEUX HANTÉS

"Les manifestations spontanées qui se sont produites de tout temps et la persistance de quelques Esprits à donner des marques ostensibles de leur présence dans certaines localités sont la source de la croyance des lieux hantés" affirme Allan Kardec, qui nous rappelle dans "Le Livre des médiums" ?
"Certains esprits peuvent s'attacher aux objets terrestres ? des avares, par exemple, qui ont dissimulé les trésors et qui ne sont pas assez dématérialisés, peuvent encore les surveiller.
Les esprits qui ne tiennent plus à la terre vont où ils trouvent à aimer (...) ils sont attirés par les personnes plutôt que par les objets naturels ? cependant il en est qui peuvent momentanément avoir une préférence pour certains lieux mais ce sont toujours des Esprits inférieurs.
"Croire que les Esprits ont une préférence pour les ruines est sans fondement.
"Les Esprits aiment la présence des hommes, c'est pourquoi ils recherchent plutôt les endroits habités que les lieux isolés. (... Cependant, leurs intentions ne sont pas toujours aussi louables quand ce sont de mauvais Esprits. Ils peuvent vouloir exercer une vengeance sur certaines personnes dont ils ont eu à se plaindre.
Le séjour dans un lieu déterminé peut être aussi, pour quelques-uns, une punition qui leur est infligée, surtout s'ils y ont commis un crime, afin qu'ils aient constamment ce crime devant les yeux (Histoire d'un damné, Revue Spirite, février 1860).
"Les Esprits qui hantent certains lieux et y font du tapage cherchent plutôt à s'amuser aux dépens de la crédulité et de la couardise qu'à faire du mal.
Témoignage :
SPECTRES PRÉHISTORIQUES
Un soir d'automne, je me laissai surprendre par la nuit en forêt de Fontainebleau. A un moment donné, je me sentis complètement perdu. Seule une vague lueur dans le ciel, au-dessus des arbres, m'indiquait la direction du couchant. Afin de mieux m'orienter, je marchai sur les sommets et essayai de gagner la route la plus proche.
A vue de nez, je devais me trouver entre la Plaine Verte et le Hautmont, en tous cas, autour de moi ce n'étaient que dédales de rochers.
Heureusement, je me promenais avec mon chien, un setter irlandais. Cela me rassurait, bien qu'il aboyât à chaque frémissement du sous-bois, humant l'air, reniflant les traces d'animaux.
A un moment donné, il se mit en arrêt et, le museau dressé vers le ciel, il hurla à la mort. J'eus beau le caresser pour tenter de le calmer, lui flatter l'encolure, il était comme fou. Il tirait tellement fort sur sa laisse qu'il finit par me l'arracher des mains et fila vers le sous-bois en aboyant à tue-tête.
Je marchai dans la direction qu'il avait prise, en l'appelant par son nom.
Au bout de deux ou trois minutes, plus rien, ce fut le silence! Un silence de mort.
J'ai beau n'être pas craintif de nature, je frissonnai, sentant au fond de moi sourdre une inexplicable angoisse. J'avançais dans le noir, parfois à tâtons car dans ma hâte j'avais fini par quitter le sentier où je cheminais. Les branches me cinglaient le visage.
Au loin, l'orage menaçait et, malgré la saison, il faisait une chaleur étouffante.
Des bruits furtifs de bêtes, cerfs, biches ou sangliers me faisaient sursauter. Le lourd battement d'ailes d'oiseaux qui s'envolaient, réveillés dans leur sommeil par mon approche, me surprenait et me glaçait le sang.
Soudain, comme j'appelais encore mon chien, je perçus une sorte de bruissement, comme celui d'une foule silencieuse marchant à travers bois.
J'avançais avec prudence, tout à fait sur mes gardes. Un hululement de rapace nocturne répercuté de roche en roche par l'écho déchira le silence approximatif de la nuit.
Bientôt, je me retrouvai dans une sorte de clairière et, débouchant du dédale de rochers, à la lisière du sous-bois, je vis un grouillement d'ombres furtives aller en tous sens.
Comme par miracle, mon chien se retrouva à mes pieds, frottant craintivement son flanc contre mes jambes. Il tremblait comme une feuille sous le vent.
Une sorte de peur panique me gagna et je claquai littéralement des dents.
La foule de ces ombres s'ordonna en cortège, et serpenta entre les blocs de rochers, descendant vers une sorte de vaste clairière en terrasse.
Tout à coup, à la lueur d'un éclair qui zébra le ciel juste avant le fracas du tonnerre, je vis distinctement, durant une fraction de seconde, que tous ces inconnus étaient à peu près nus sous leurs peaux de bêtes, armés de gourdins mal dégrossis, avec des hures et des faciès d'un autre âge.
Ils se dirigeaient en contrebas vers la grotte Béatrix, d'où je vis bientôt s'élever la lueur de hautes flammes dégageant une âcre fumée et un fumet de viandes grillées.
Des cris rauques et des grognements inarticulés plus proches du langage animal que de la parole humaine accompagnaient ce raout.
Le mirage dura plus d'une heure, puis la lueur du feu s'estompa, les bruits se turent, et je vis le cortège d'ombres remonter de la caverne et s'éloigner vers la vallée.
Je vous jure que je n'ai pas rêvé cette scène.
Le lendemain matin, voulant en avoir le coeur net, je remontai à la grotte avec mon chien. A l'approche de la grotte, mon compagnon grogna, refusa d'avancer et je dus le tirer. Je trouvai les vestiges d'un feu récent. Une odeur de brûlé flottait encore sous la voûte de pierre, et quelques os d'animaux fraîchement rongés jonchaient le sol. (Pierre F. - Montigny-sur-Loing)

 


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