"Cette technique fait désormais
partie de la panoplie des thérapies qui guérissent
et ne peut plus être
ignorée"
François Völgyesi
(Dessin de Jacques Differdange)
Depuis une vingtaine d'années,
l'hypnose revient à la mode et de nombreux médecins s'initient
à cette pratique qui, depuis Charcot et l'Ecole de Nancy, sentait
un peu le soufre pour les pontifes de la Faculté. Aujourd'hui, partout
dans le monde, des chirurgiens opèrent sous hypnose, des obstétriciens
accouchent sans douleur des femmes sous hypnose, des dentistes privilégient
l'hypnose à l'anesthésie, même pour soigner des enfants.
L'hypnose à travers les âges
L'hypnose, sommeil plus ou moins
profond, obtenu par des moyens artificiels, selon la définition,
existe depuis l'aube de l'humanité. Dans l'antiquité, les
prêtres thérapeutes utilisaient les encens, les incantations,
les danses et la transe pour conjurer la maladie par la suggestion, et
renforcer l'effet placebo des remèdes.
Les prêtres de Jérusalem
portaient sur la poitrine une plaque de métal précieux ornée
des Ebrim Tunmims (6 gemmes brillantes et 6 mates). A l'occasion des grandes
cérémonies, ils accédaient à l'état
d'extase visionnaire en fixant ces pierreries.
Les prêtres égyptiens,
les lévites hébreux, les médecins d'Épidaure
obtenaient souvent la guérison de leurs malades par des formules
magiques ou allégoriques, par l'ascèse, la méditation,
la prière, et la connaissance de soi, le "connais-toi toi-même"
de Socrate.
Au Moyen-Age, la maladie était
considérée comme une possession démoniaque. L'Église
et ses clercs qui avaient le quasi monopole de la médecine, alternaient
prières, privations et rituels impressionnants pour agir sur l'esprit
"possédé" du malade, afin de combattre en lui l'influence
des puissances maléfiques. Pendant des siècles, la thérapeutique
sera liée à la suggestion et à des considérations
théologiques proches de l'exorcisme.
Puis vint Mesmer
A la fin du XVIIIe siècle,
le docteur Mesmer, père du magnétisme apporte un changement
radical dans la conception médicale.
Pour Mesmer, la maladie résulte
d'une mauvaise distribution des fluides dans les différents organes
comme le prétendait depuis des millénaires la médecine
chinoise.
Dans un premier temps, il se sert
du magnétisme de l'aimant pour restaurer l'équilibre naturel
de l'organisme. Puis, très vite, il se rend compte que ce n'est
pas le fluide de l'aimant qui guérit, mais que c'est lui-même
qui possède un magnétisme "animal" à vertu thérapeutique.
Ainsi naît le célèbre
"baquet" et les thérapies de groupe. On connaît le sort réservé
au "magnétisme animal" par la Faculté de Médecine
et son verdict de 1784 :
"L'imagination sans magnétisme produit
des convulsions, le magnétisme sans imagination ne produit rien."
James Braid
Il faudra attendre 1843 pour qu'un
Anglais, James Braid, invente et parle pour la première fois d'hypnotisme
(du grec hypnos, sommeil). ce qui fera que l'hypnose, jusqu'à ces
dernières années, sera toujours associée au sommeil.
On sait aujourd'hui que l'hypnose
induit un état modifié de conscience qui se rapproche du
sommeil paradoxal. James Braid remplace la théorie du fluidisme
par une théorie "psycho-neurophysiologique". Le thérapeute
agit comme un mécanicien mettant en action les forces en réserve
existant dans l'organisme même du patient.
J'exorcise, je magnétise,
j'hypnotise...
"Magie, religion et science font
une chaîne" disait le philosophe Alain. Avec les progrès
de la science, l'hypnose perd son aspect magique pour devenir un outil
contrôlé et contrôlable. En 1859, le professeur Broca
pratique à l'hôpital Necker de Paris, des interventions sous
anesthésie hypnotique. Ce sera le début d'un fantastique
engouement pour l'hypnose!
L'École de Nancy
Charcot meurt en 1893 et l'hypnose
retombe dans l'oubli. Bernheim avait exagéré le rôle
de la suggestion et Charcot avait associé dans l'esprit de ses confrères
de la Faculté hypnose et hystérie.
Sigmund Freud
La valeur thérapeutique
de l'hypnose réside uniquement dans la suggestion, l'hypnose étant
un état régressif où l'hypnotiseur occupe provisoirement
la place de l'idéal du Moi de l'hypnotisé.
(Freud)
Le docteur Sigmund Freud va donner
le coup de grâce à l'hypnose en tant que thérapie.
Successivement élève de Charcot puis de Bernheim, Freud prend
parti contre Charcot sans être pour cela entièrement d'accord
avec Bernheim. Si Freud était un très bon sujet d'hypnotisme
il ne fut en revanche jamais un bon hypnotiseur. Finalement, en 1917, il
renonce à 1'hypnose au profit de "l'association libre" et de la
psychanalyse.
Techniques modernes de l'hypnose
En France, il faudra attendre les
années 1950 pour voir une résurgence de l'hypnose. Elle se
fait sous 1'impulsion du professeur Chertok, qui crée en 1960 un
département de médecine psychosomatique, puis, en 1972, un
laboratoire d'hypnose.
Parallèlement, dans le monde
entier, mais surtout aux USA et en URSS, on porte un nouvel intérêt
à l'hypnose, et pas toujours dans des buts thérapeutiques.
Aux USA, l'hypnose est enseignée dans certaines facultés
de médecine.
Un chercheur américain, Milton
Erickson (1901-1980), auteur d'un ouvrage célèbre : L'Hypnose
thérapeutique, (Editions ESF), fut le promoteur du renouveau
de l'hypnose médicale.
La vogue extraordinaire de l'hypnose
ericksonienne est un phénomène saisissant qui s'explique
par la désaffection à l'égard des psychothérapies
interprétatives.
Terminologie
Mais le mot hypnose fait toujours
peur, et le docteur Caycedo, un neuro-psychiatre espagnol, lui trouve un
substitut moins brutal : la sophrologie.
Puis vinrent John Grinder et Richard
Bandler qui analysant les mécanismes de l'hypnose créent
la PNL, ou "Programmation Neuro-Linguistique". La différence entre
toutes ces techniques hypnotiques est surtout terminologique, mais prouve
que les vieux préjugés persistent jusque dans les années
1980.
Un halo de mystère
L'hypnose continue de fasciner et
d'être auréolée d'un halo de mystère et de magie.
En dépit de toutes les études et des nombreux champs d'application,
nous ignorons toujours la nature exacte de l'hypnose.
Toutes les théories qui ont
été proposées n'offrent que des explications partielles.
Nous manquons même de critères objectifs permettant d'affirmer
qu'un sujet est hypnotisé !
Pourtant le phénomène
hypnotique est bien réel, les résultats sont incontestables
et reconnus. On sait enseigner l'hypnose et, en même temps, son fonctionnement
échappe à l'entendement !
Toutes les théories qui ont
été proposées n'offrent que des explications partielles.
Nous manquons même de critères objectifs permettant d'affirmer
qu'un sujet est hypnotisé !
Mais, en dépit des zones
d'ombres, et au delà des doctrines, l'hypnose fait désormais
partie de la panoplie des thérapies qui guérissent et ne
peut plus être ignorée.
Dr François Völgyesi
L'hypnotisme et le mystère cérébral
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