HENRI-CHARLES GEFFROY
(1895-1981)
Pionnier de l'alimentation saine et naturelle

geffroy

Henri-Charles Geffroy et son épouse Marie-Reine
Peu connu du grand public, Henri-Charles Geffroy fut un pionnier de la diététique, de la culture biologique et de l'alimentation saine. Un demi-siècle de militantisme, d'information du public et d'initiatives audacieuses pour l'époque, ont abouti à la création de La Vie Claire, première chaîne de magasins diététiques en France.

Henri-Charles Geffroy est né à Paris, le 5 décembre 1895, dans une famille d'éditeurs, d'origine normande. Fils unique, il vit dans un milieu privilégié, entouré d'intellectuels et d'artistes.

Comme plusieurs autres pionniers de la diététique, Henri-Charles était de constitution fragile. Suivant la mode alimentaire d'alors, il consommait une nourriture abondante et très riche, à base de viandes, ce qui n'améliorait guère son état de santé. C'était l'époque de la "calorie reine". On suivait les conseils de Pasteur qui disait qu'il ne fallait surtout pas manger de salades et de crudités.

Ses repas étaient constitués à la normande, avec beaucoup de beurre, de crème, de viande, de fromages, donc très toxiques pour un organisme fragile comme le sien.

Paradoxalement, c'est au front qu'il commence à découvrir les bienfaits d'une alimentation plus légère, essentiellement composée de pain noir et de légumes.

En 1914, à l'âge de 19 ans, élevé dans la tradition patriotique de la bonne bourgeoisie, il devance l'appel et part à la guerre qu'il fera jusqu'à la fin.

Une nourriture frugale et le grand air
Il est engagé au 103e régiment d'Infanterie, et il retrouve dans les tranchées des forces inespérées : le grand air, une nourriture frugale avec beaucoup de légumes et peu de viande, du pain noir à la place du pain blanc moins nutritif, l'exercice physique le font revivre !
guerre 14-18

Guerre de 14-18 (cliché hors-texte Wikipedia)
S'il revient de la guerre couvert de décorations, il a cependant été gravement gazé par l'ypérite et sa santé va à nouveau décliner. La guerre terminée, il rentre chez lui, travaille avec son père et s'éprend de Marie-Reine Machaux, une champenoise qui travaille à la librairie familiale, et il l'épouse. Ils auront trois enfants : Louis, Jean-Pierre et Henri.
Un régime alimentaire particulier
De 1918 à 1930 sa santé se dégrade lentement. Beaucoup de ses camarades de guerre, gazés dans les tranchées comme lui, sont morts. Au début des années 30, les médecins ne lui donnent guère plus de quelques mois à vivre.

C'est alors qu'il apprend que deux Allemands, le Dr Sauerbruck et le physiologiste Gerson sauvent de nombreux malades atteints de tuberculose ou gazés durant la guerre, grâce à un régime alimentaire particulier.

Ce régime composé principalement de fruits, de céréales et de légumes crus ou cuits à l'étouffée, exclut tous produits industriels.

Son intérêt éveillé pour ces méthodes alimentaires révolutionnaires, il s'intéresse également aux travaux d'Arthur Merrheim (dit Mono) et de Durville.

Henri-Charles Geffroy change alors radicalement sa manière de vivre et s'impose un régime alimentaire très strict basé sur leurs principes et recouvre peu à peu toutes ses forces, ce qui lui permet de reprendre ses longues marches qui lui manquaient.

Ce succès inattendu l'amènera à étudier de près et à réfléchir sur les problèmes de santé et de diététique, avant de fonder, quelques années plus tard, la revue "La Vie Claire".

Ayant réussi en quelques mois, grâce à ce régime végétalien, à renverser l'inexorable processus qui aurait dû le conduire à la mort, Henri-Charles veut partager son secret avec les autres.

C'est cette seconde époque de sa vie que sa petite-fille Marie-Lise évoque dans une brochure passionnante : « Henri-Charles Geffroy, son action pour la vie ».

Expérience de survie
Elle écrit : « A partir de cette expérience personnelle de "survie", il consacrera tout son temps à promouvoir auprès de son entourage cette méthode d'alimentation. Et, sans doute, est-ce cette lourde épreuve qui a déclenché en lui ce formidable élan jusqu'à la fin de sa vie, pour diffuser auprès des autres "sa" méthode qu'il a éprouvée lui-même ainsi que sa famille (son épouse était ravie car elle n'aimait pas la viande !), puis adaptée pour en faire un système alimentaire : l'Alimentation Saine et ce, par tous les moyens de communication ».

Durant dix ans, Henri-Charles Geffroy multiplie les conseils à ses amis. Il proclame que c'est si simple avec un peu de volonté de conserver ou de retrouver la santé en modifiant son alimentation selon des principes sains et naturels.

Durant l'occupation, il poursuit sa mission d'information sur les ondes. Comme la France se trouve en pleine période de restrictions alimentaires, il reçoit des centaines de demandes de renseignements de la part des auditeurs.

Nourris ton corps
Il consacre alors ses loisirs à écrire une brochure "Nourris ton corps" dont le sous-titre "sans viande, sans beurre et sans lait" était très opportun en ces périodes de restrictions. Ce petit ouvrage publié chez Flammarion en 1941 rencontre d'emblée un grand succès.
Nourris ton corps
C'est le point de départ de sa riche carrière d'écrivain. En effet, durant la guerre de 1939-1945, ce régime alimentaire sain et naturel rencontre moins de difficultés d'approvisionnement que l'alimentation traditionnelle à base de nourritures carnées, tout en étant aussi et même plus efficace au niveau de la nutrition et de la santé. Il indique ce qu'il faut éviter de manger ou de boire, explique comment faire son pain, conseille de manger les fruits et les légumes crus ou de les cuire à l'étouffée.

Il reçoit des milliers de lettres de ses auditeurs ce qui l'incitera à poursuivre ce qu'il considère comme un apostolat.

Son passage sur les ondes de Radio Paris durant l'occupation lui vaudra d'être poursuivi à la Libération et d'être incarcéré durant quelques mois.

Un an environ après la fin de la guerre, Henri-Charles Geffroy décide de fonder sa propre revue pour diffuser ses idées en toute liberté et indépendance. Il fait appel à l'aide financière de dix amis, et ce sera "La Vie Claire" dont le premier numéro paraîtra en août 1946, envoyé gratuitement aux 10.000 personnes qui avaient correspondu avec lui depuis dix ans.

Le but de la revue

Vie Claire
Le but de cette revue réside dans cette profession de foi de son fondateur, qui dit, dès le premier Numéro : « Depuis de nombreuses années, j'essaie de propager, par tous les moyens et surtout par l'exemple , certaines notions grâce auxquelles toute personne normalement constituée, riche ou pauvre, peut se maintenir en bonne santé et vivre heureuse. » Cette phrase-clé résume le combat qu'il va entreprendre.

Mais, sa pensée va plus loin. Il fait également part à ses lecteurs de la prise de conscience liée aux modifications profondes que chacun de nous ressent lorsqu'il entreprend de « réformer ses habitudes et à conformer sa vie aux lois de la nature ».

Il ajoute que l'« on souffre& parce qu'on acquiert une compréhension de plus en plus nette de l'absurde fiction sur laquelle est basée notre activité dans une société dont les intérêts vitaux sont exactement contraires à ceux des individus qui la composent& »

Il dit également : « Mais on n'est nullement obligé, demeurant au milieu de la société, de se laisser dévorer par elle. On a le droit de s'en protéger, car la société, c'est nous. »

En fait, La Vie Claire sera le révélateur que « nous sommes beaucoup plus nombreux que certains le croient, à penser "clair", à voir "clair", à agir "clair" et à vouloir vivre "clair" ! »

En sous-titre de la revue, cette citation de Gandhi : « L'erreur ne devient pas vérité parce qu'elle se propage et se multiplie ».

Mais la philosophie personnelle de Henri-Charles Geffroy, on s'en doute, ne repose pas uniquement sur l'alimentation et sur l'hygiène de vie.

Inspirée par les doctrines de Gandhi, de Louis Kühne et d'Alexis Carrel, elle comporte une grande part de spiritualité. Conviction que Carrel, prix Nobel, résume dans son ouvrage "L'Homme cet Inconnu" : « La santé repose sur trois comportements : manger sainement, purifier son corps et purifier son âme. »

Henri-Charles Geffroy s'intéresse en fait à tous les sujets qui composent notre vie de tous les jours : de l'alimentation biologique à l'éducation, en passant par les cultures traditionnelles du blé "sans labours et sans engrais", la protection des animaux, l'école et son enseignement, la mouture du blé et la fabrication du pain, le but de l'existence humaine, une vie familiale harmonieuse, la biodynamie, la morale, le danger de l'industrialisation à outrance, et des armes atomiques, la pollution de l'eau, des sols et de l'air, etc. Ses visions et ses convictions personnelles se révéleront souvent prophétiques.

Croisade de la vie saine
Affiche
Au début de cette petite révolution culturelle personnelle, il n'était pas encore question de magasins, et La Vie Claire n'était qu'une modeste revue. En fait, en bon fils d'éditeur, Henri-Charles profita de ses années d'existence qu'il considérait avoir "rabiotées" pour mener la croisade de la vie saine, une véritable révolution , par un travail d'information du public.

S'occupant seul de cette revue qui « paraissait le 21 de chaque mois s'il plaisait à Dieu », Henri-Charles Geffroy fut très vite absorbé par son activité éditoriale.

De la revue aux magasins

Au début des années 50, à une époque où il n'était pas toujours facile de se procurer une nourriture même conventionnelle et encore moins des produits diététiques, les lecteurs de la revue écrivaient en masse, demandant où trouver les aliments qu'il conseillait.
Vie Claire
La difficulté à se procurer ces denrées incita Henri-Charles Geffroy à mettre sur pied une coopérative dont il confia la direction à son fils Jean-Pierre.

En quelques semaines, la coopérative de La Vie Claire fut submergée par la demande ! En ce temps-là, les fruits et légumes n'étaient pas encore tellement trafiqués. Les paysans étaient plutôt réfractaires aux engrais chimiques et recouraient à la fumure, et aux engrais naturels.

La clientèle venait chercher à la coopérative des produits de base : céréales, du pain complet, des huiles non raffinées, du sel marin, du sucre roux&

« Cette entreprise, reconnaît Jean-Pierre Geffroy dans une interview à la "Vie Naturelle" (Octobre 1996 N° 120), fonctionnait avec un directeur, un chef des achats, un vendeur, un caissier, un agent de marketing, un balayeur& réunis en une personne : moi ! »

Le système alimentaire prôné par Henri-Charles était plutôt draconien. Il excluait tous les produits et sous-produits animaux. Il s'agissait donc d'un végétalisme absolu avec une place prépondérante accordée aux fruits, aux crudités et aux légumes cuits à l'étouffée accompagnés de céréales.

Au niveau protéines, les céréales suffisaient à l'alimentation humaine. La levure n'est venue compléter la panoplie que plus tard. Fort de son succès, la coopérative s'est transformée en 1951, en une structure de gros, afin de ravitailler en produits sains les magasins de diététique. Cette nouvelle structure, une SARL appelée "L'aliment sain", a, en fait, jeté les bases du futur réseau des magasins de La Vie Claire.

Chaque adepte devient client
"L'aliment sain" a fonctionné durant quelques années et a eu beaucoup de succès. Parallèlement, la revue La Vie Claire intéressait un public de plus en plus vaste, créant des adeptes dont chacun devenait client. « Cela aurait pu être une excellente affaire commerciale, dit Jean-Pierre Geffroy, mais en réalité mon père n'était obsédé que par la diffusion de sa "bonne nouvelle". »

Il fallut s'agrandir. Henri-Charles lança un appel dans La Vie Claire, proposant aux lecteurs une souscription d'actions pour créer une S.A. qui prit très vite de l'importance.

Mais s'il était un excellent "militant", un remueur d'idées, un conférencier et un écrivain hors-pair, Henri-Charles Geffroy n'était pas un véritable homme d'affaires et ne sut pas toujours s'entourer de collaborateurs fidèles à sa ligne de conduite et capables de gérer la société avec rigueur. Il faisait trop facilement confiance à des collaborateurs pas toujours loyaux.

Si bien qu'en 1965, l'un d'eux racheta le nom d'une petite entreprise du Mans, qui s'appelait également "L'aliment sain", et s'appropria la marque qui n'avait pas été déposée. « Du jour au lendemain, nous avons dû la supprimer de toutes les enseignes, et la remplacer par "Maisons de la Vie Claire".

Cet épisode affecta Henri-Charles qui touché mais pas vaincu, poursuivit vaillamment son combat. L'entreprise grandit un peu trop vite.

En 1970 l'enseigne La Vie Claire comptait 150 magasins. En 1975 : 200. La technique pour lancer un nouveau point de vente dans une ville était invariable : Henri-Charles allait y faire quelques conférences, soulevait l'enthousiasme de ses auditeurs et le magasin était lancé.

Mais une telle structure se développant aussi rapidement nécessitait une gestion rigoureuse, qualité dont Henri-Charles était dépourvu. S'il savait passionner ses lecteurs, réunir des capitaux par son charisme, il ne contrôlait pas suffisamment leur emploi.

A partir de 1975 la société se mit à péricliter, avant de connaître deux redressements judiciaires, pour aboutir à la déconfiture que l'on sait&

Jean-Pierre Geffroy avoue : « Mon père avait un gros défaut : il faisait trop facilement confiance à ses collaborateurs. Et comme il était timide par nature, il ne disait rien jusqu'au jour où ça explosait, et où il se faisait par conséquent des ennemis irréductibles qui, ensuite, cherchaient à lui nuire. »

En 1980, La Vie Claire fut reprise par Bernard Tapie. Un an plus tard, en 1981, Henri-Charles Geffroy quittait ce monde, à l'âge de 86 ans. Mais son Suvre de précurseur se perpétue, La Vie Claire existe toujours, gérée par d'autres, et elle a fait des émules. Les idées prophétiques de son fondateur ont essaimé à travers le monde. Aujourd'hui son idéal est plus vivace que jamais.

Marie-Lise Geffroy, sa petite fille, a repris le flambeau. À travers son association AGNUS, elle défend les nobles idées de son grand-père, hélas souvent dénaturées et galvaudées de nos jours par les "marchands".

Marie-Lise

Marie-Lise Geffroy
Marie-Lise Geffroy née durant l'été 1952 près de Tours (37), est la présidente de l'association "Les Guides de la Nature, de la Vie et de la Santé" qu'elle a créée en 1995 à Fontainebleau (77), s'inspirant des travaux son grand-père Henri-Charles Geffroy, fondateur en 1946 du journal "La Vie Claire" pour lequel elle a travaillé de1976 à 1981.

Elle est l'auteur de deux titres diffusés par D.P.F. : Henri-Charles Geffroy et La Vie Claire, son action pour la vie (1995) et Pour rester jeune& longtemps (1996). Elle écrit des articles dans "La Lettre de l'AGNVS" qu'elle diffuse auprès d'associatifs et de décideurs.

Marie-Lise Geffroy s'est présentée aux Législatives de 2007 et de 2012 (sous les couleurs de l'Écologie indépendante) afin de faire émerger une véritable Conscience écologique à la fois respectueuse de la Terre et de l'Homme.

Elle a collaboré au Cahier de Chiré N°11.

Marie-Lise Geffroy
Association AGNUS

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