OBSESSION
- La femme d'un de mes amis médecin se plaignait constamment de «voir» sa grand-mère décédée depuis plusieurs années. Elle la voyait partout, dans l'escalier, dans la salle de bains, rôdant autour d'elle quand elle faisait la cuisine ou vaquait à d'autres occupations domestiques. C'était devenu une véritable obsession.
- Je l'ai invitée à venir avec son mari, pour tenter une expérience de «régression curative». J'estimais que cette méthode pouvait nous aider à découvrir la cause de son état obsessionnel.
- Un jour, les voilà tous les deux dans mon cabinet. En présence de son mari, j'ai plongé la jeune femme dans un sommeil magnétique, par des passes lentes. Puis je lui ai demandé de revenir en arrière, de régresser dans le temps, accompagnant chaque étape de son voyage de questions précises posées à voix basse. C'est ainsi que je la ramenai peu à peu à l'époque de son enfance, période où naquit son obsession:
- Question: - Quel âge avez-vous maintenant?
- Réponse: - J'ai 13 ans!
- Question: - Où vous trouvez-vous?
- Réponse: - Sous un arbre, dans un champ!
- Question: - Que faites-vous sous cet arbre?
- Réponse: - J'ai très peur et je pleure.
- Question: - Pourquoi pleurez-vous?
- Réponse: - C'est dimanche et j'allais chez ma grand mère. Mais en arrivant chez elle j'ai trouvé porte close et volets fermés. Ma grand-mère était absente. Alors j'ai voulu retourner chez moi... et... et...
- La jeune femme se met à sangloter.
- D'une voix douce, apaisante, je lui demande:
- - Que vous est-il arrivé alors?
- Réponse: - J'ai été surprise par l'orage dans ce champ. Je me suis réfugiée sous cet arbre. La foudre est tombée tout près d'ici. Le grondement du tonnerre est terrible. J'ai très peur. J'ai très peur...
- En fait, dans le sommeil artificiel où je l'avais plongée, la jeune femme frissonnait de tout son corps et claquait des dents...
- A ce moment là, son mari, se lève d'un bond et quitte mon cabinet sous prétexte d'aller fumer une cigarette. Je comprends qu'il y a quelque chose qui le trouble, qui le dérange dans cette méthode empirique... Inconsciemment son esprit rationaliste s'oppose à cette expérience. Bien qu'un peu déçu par son comportement, j'ai poursuivi mon travail, sans me soucier de lui. Au point où nous en étions, je n'allais pas interrompre l'expérience en cours. Sa femme me faisant confiance, cela me suffisait amplement.
- Je pris alors la main de la jeune femme endormie dans la mienne, et, d'une voix douce, de plus en plus lente, je la rassurai.
- - N'aie plus peur, je suis là! Je vais te raccompagner jusque chez toi. L'orage va s'apaiser! Ça va mieux?
- - Oui, cela va mieux...
- - Tu vois, le tonnerre s'éloigne, tu n'as plus rien à craindre.
- Dans ce cas mon travail consistait à rassurer l'adolescente craintive qu'était redevenue cette jeune femme au cours de cette expérience de régression, afin de chasser à jamais de son esprit ce souvenir qui l'obsédait.
- En lui prenant la main, et lui expliquant au cours de son sommeil magnétique que je l'accompagnerais jusque chez elle, que l'orage disparaissait et qu'elle n'avait plus rien à craindre, j'effaçais pour toujours dans son subconscient l'image tragique de cet après-midi d'enfance et la remplaçais par un souvenir apaisant.
- Je l'emmenai dans une relaxation de plus en plus profonde, lui faisant ressentir toutes les parties de son corps, tous ses muscles, du plus grand au plus petit. Cette prise de conscience approfondie de tout son système vital, l'apaisa. Quand je la vis totalement détendue, souriant dans son sommeil, les muscles relâchés, je l'éveillai doucement.
- A son réveil, bien qu'un peu étourdie, elle ne prit pas du tout mes explications au sérieux. Avec son mari, elle se moqua gentiment de ma méthode empirique. Mais à ce jour, elle n'a plus jamais revu sa grand-mère rôder dans sa maison...
- La régression dans le temps est une expérience dérivée de la psychanalyse, au cours de laquelle le sujet, plongé dans un sommeil magnétique, est progressivement ramené en arrière par le praticien qui l'interroge doucement. Cette technique permettrait, en agissant sur la mémoire du subconscient, de gommer dans le subconscient du sujet les souvenirs tragiques à la base de névroses devenues plus ou moins obsessionnelles. Certains adeptes prétendent que cette thérapie douce est plus efficace et beaucoup plus rapide que la psychanalyse.