VOYANTS, ASTROLOGUES
PROPHÈTES ET DEVINS

EN TERRE D'ISLAM
Albumasar - Al Kindi - Abd-al-Hasan Ziryab - Al Farabi - Aladin Ali Alvari
Al Biruni - Ibn Azra (Avenanus) - Al-Tusi - Ibn Abu Ridshal - Al-Zarkali (Arzachel)
- Probablement née en Chaldée (basse Mésopotamie, aujourd'hui Irak) l'Astrologie essaima vers la Perse, l'Égypte puis la Grèce d'où elle se répandit peu à peu à travers l'Empire romain pour s'établir durablement à Alexandrie. Le Christianisme, malgré une Église hostile aux sciences divinatoires, l'adopta avec réticence.
- Les Arabes ont fortement encouragé l'astronomie et les mathématiques qui permirent à leurs astrologues d'accomplir d'immenses progrès. L'invention de l'astrolabe, des chiffres dits "arabes" importés de l'Inde, l'adoption du zéro et du système décimal, les fit progresser dans l'établissement des cartes du ciel par des moyens algébriques. Grâce à cette technique, ils pouvaient déterminer la position exacte des "maisons" intermédiaires entre chaque angle du ciel, l'astrolabe facilitant la lecture directe des pointes de ces maisons.
- Si le Coran proscrit explicitement toutes les formes d'idolâtrie, la croyance musulmane en la prédestination s'est fort bien conciliée avec les doctrines astrologiques antiques notamment la croyance dans un déterminisme planétaire et son influence sur la destinée humaine.
- L'Astrologie a donc toujours joui d'une grande popularité en terre d'Islam comme en atteste "Le Livre des Nativités" rédigé au XIe siècle par Albumasar (787-886), l'un des astrologues musulmans les plus réputés.
- En réalité, on peut considérer l'astrologie en terre musulmane comme une Astrologie savante.
- En effet, aidés par la rapide progression de la langue du prophète de l'Atlantique jusqu'aux confins de la Chine, les astrologues arabes ont opéré une synthèse dynamique en rassemblant les différents savoirs de l'époque.
- Puisant dans les diverses cultures rencontrées dans les pays conquis, les astrologues arabes butinèrent de fleur en fleur, faisant leur miel des éléments empruntés aux traditions de l'hermétisme, aux néo-platoniciens, à la gnose, au védanta, s'enrichissant des connaissances ésotériques des initiés égyptiens, chaldéens, judéo-chrétiens, hindous.
- Dans le monde islamique médiéval, mathématiques, astronomie et astrologie sont très proches. Basée sur un savoir astronomique transmis des Grecs aux Arabes, l'astrologie étudie le mouvement des planètes afin d'expliquer comment il influe sur le destin des nations et des hommes, affectant leurs activités quotidiennes.
- A l'apogée de son rayonnement, Bagdad, verra sous le règne de Haroun al-Rachid (766-809), le célèbre héros des Mille et Une Nuits, Commandeur des croyants, contemporain de Charlemagne, le triomphe des astrologues.
- Le Calife sera leur protecteur attitré et leur fera construire un observatoire remarquable, où travaillèrent une pléïade d'hommes de lettres et de sciences, à la fois astronomes, philosophes, alchimistes, médecins, mathématiciens, astrologues, ayant légué à l'Histoire une impressionnante liste de traités divers.
- L'histoire de l'astrologie arabe s'étend des années 750 à 1550 environ et a rayonné du Moyen et Proche Orient vers l'Afrique du Nord, l'Inde Occidentale, l'Espagne, la Sicile et, à l'apogée de la conquête sarrasine, jusqu'au Languedoc.
- À l'opposé de l'astrologie grecque qui fut surtout "utilitaire" et, à quelques exceptions près, exercée par une majorité d'individus avides et incultes, l'astrologie arabe fut le domaine réservé des plus grands et authentiques savants.
- Les grands astrologues arabes se proclamaient héritiers d'une lignée d'initiés remontant à Hermès trismégiste, prétendant avoir opéré une synthèse de la philosophie grecque et de l'expérience spirituelle hébraïque et égyptienne. lls empruntèrent aux prêtres persans et aux initiés chaldéens antiques l'idée d'un temps cyclique indissociable d'une conception astrologique hermétiste. Ils perfectionnèrent les horoscopes mis au point par les Grecs tout en les accompagnant d'une méthodologie rigoureuse.
- Contrairement à la religion musulmane, l'astrologie arabe n'est pas fataliste. Ses adeptes ont repris une ancienne tradition égyptienne celle des amulettes astrologiques, pratique nouvelle qui se développa beaucoup en Occident au Moyen-Age.
ALBUMASAR OU ALBUMAZAR
(Abu Ma' Shar Al Balhi - Ahmad Abu Machar)
(787 - 886)
- Albumasar fut l'un des plus célèbres astronomes et astrologues du monde musulman. Ami et disciple d'Al-Kindi, il est né à Balkh (aujourd'hui en Afghanistan). La tradition voudrait qu'il se soit converti au christianisme.
- En tant qu'astrologue, il a joui d'une renommée considérable, durant tout le Moyen-Age, renommée dépassant les limites du monde musulman.
- Sous son influence, l'astrologie prend le nom de El hakam el noud'joun ou «jugement des étoiles».
- Ce fut lui qui popularisa le «système des parts » qui permettait, par exemple, de prévoir « la part de la Fortune» réservée à chaque homme dès sa naissance.
- Son De magnis conjunctionibus (Des grandes Conjonctions) relate en effet la plus ancienne description des quatre-vingt-dix-sept parts qui seront reprises et décrites en détail dans le Liber astronomiae de Guido Bonatti au 13e siècle, reflet de la pratique astrologique au Moyen Age.
- Albumasar soutenait que le monde a été créé lorsque les sept planètes étaient en conjonction dans le premier degré du Bélier, et prendrait fin quand cette même conjonction se reproduirait dans le dernier degré des Poissons.
- Pour l'astrologue de Balkh, le passage de Saturne dans les signes cardinaux, selon un cycle d'environ 300 ans, correspond aux grands tournants politiques et religieux. Sans préciser de date, Albumasar signale Alexandre-le-Grand, Jésus-Christ, Manès ou Mani (manichéisme), Mahomet, ce qui correspond effectivement à des dates espacées en gros de trois siècles et prévoit les Croisades et la reconquête de Jérusalem.
- Ainsi, dès le IXe siècle, Albumasar avait calculé que «l'année mil sept cent quatre-vingt-neuf serait féconde en révolutions sociales», à cause de l'une des grandes conjonctions de Saturne.
- Dans la seconde partie de son De magnis conjunctionibus, il prédit que lorsque la conjonction des planètes se produira dans la « triplicité de feu », les habitants d'Orient auront puissance et victoires sur les autres habitants de la terre. Nous n'en sommes plus très loin !
- De cette triplicité, Sagittaire est le signe le plus influent et le Lion (céleste) moyennement et le Bélier faiblement. Il faut savoir que selon la tradition chaldéenne, les planètes demeurent dans une triplicité (par 12 fois en y faisant leur conjonction) l'espace d'environ 240 ans.
- Une des rares anecdotes marquantes de sa vie qui nous soit parvenue et qui fit beaucoup pour sa renommée, fut qu'en 812, âgé de 25 ans, Albumasar prédit que les Alides, partisans d'Ali, le 4e calife, se rendraient maîtres de toutes les villes saintes de l'Islam, ce qui advint en 814, deux ans plus tard.
Principaux ouvrages:
- La Grande introduction à la science de l' astrologie (Kitab al Madkhal al-Kabir'ala'ilm ahkam al nujum)
- Le Livre des conjonctions (Kitab al qiranat)
- Le Livre des révolutions des années du monde (Kitab Ahkam tahawil sinil-mawalid )
- Le Kitabal-Uluf : abrégé d'astrologie persane, indienne et grecque où il évoque la légende des trois Hermès.
- Le Livre des nativités
- Les Fleurs de l' Astrologie. Cet ouvrage figure parmi les trois premiers livres imprimés par Gutenberg.
ABD AL-HASAN ZIRYAB ou ZIRIYAB
(ou Ali ibn Nâfi)
(Bagdad 789 - Cordoue v. 857)
- Chanteur et musicien irakien du IXe siècle, Ziryab, esclave persan affranchi, appelé le "Merle noir" pour son teint foncé, fut présenté à la cour du Calife Haroun al-Rachid par son maître, Ishak al-Mawsili (767-850).
- On dit qu'à l'âge de douze ans, Ziryab savait déjà chanter à merveille et jouer de l'ud*. A 19 ans, il améliora cet instrument d'origine persane, le "barbat", en lui ajoutant une cinquième corde et des barrettes. Ce luth à 5 cordes, à manche court, sans touche, à la caisse en forme d¹amande fut considéré dans tout l'Orient comme le roi des instruments de la musique savante.
- * luth : ud signifie bois.
- Le monarque séduit par sa voix d'or et ses mélodies originales, le combla de cadeaux somptueux. En quelques années, le prestige du jeune chanteur surpassa celui d'Ibrahim al Mahdi "le rossignol kurde (743-806), le plus célèbre musicien du royaume. Son maître Ishak al-Mawsili en prit ombrage et succombant à la jalousie le menaça de prison ou de mort.
Il choisit l'exil
- Ziryab choisit l'exil, quitta Bagdad pour Kairouan (Tunisie) où fêté comme à Bagdad, il s'attira les foudres de l'émir pour un poème frondeur.
- Après un bref séjour au Maroc, il s'établit à Cordoue en 822, où le Calife omeyade Abd al-Rahmân II l'accueillit princièrement et le traita avec les plus grands honneurs.
- Ali ben Nâfi reçut deux cents pièces d'or par mois, d'abondants dons en nature, des maisons, des jardins et des champs valant une fortune.
- Ziryab avait un goût certain pour le luxe. Il introduisit à Cordoue des modes vestimentaires venues de Bagdad et les notables imitèrent son élégance et ses manières distinguées. C'est aussi lui qui fit découvrir le jeu d'échecs et le jeu de polo en Espagne.
Musicien de génie
- À son arrivée à Cordoue, il créa une école de musique, premier conservatoire d'Europe ouvert à tous, financé par la cassette du Calife. Inventeur d'un style musical raffiné qui fit le succès de la musique arabo-andalouse, Ziryab, artiste de génie, eut à son actif bien d'autres inventions artistiques majeures.
- Chanteur, il mit au point les techniques poétiques et vocales tel le Muwashsha ou Zagal qui donnèrent naissance au flamenco. Compositeur, il créa un millier de poèmes mélodiques qui seront joués et chantés en Andalousie et dans tout le bassin méditerranéen.
- Ali ben Nâfi fut également le créateur de la nouba, suite de pièces vocales et instrumentales organisée en neuf mouvements qui, exécutée dans son intégralité, correspondait à un cérémonial de cour (entrée du roi, défilé des dignitaires, etc). Nouba veut dire "attendre son tour" : ainsi chaque musicien attendait son tour pour chanter devant le calife.
- Ziryab introduisit dans les chSurs de la nouba des "chanteurs n'ayant pas mué", ces fameux castrats dont la voix angélique charmera les mélomanes jusque à Rome, dans la chapelle pontificale.
- Technicien précis, Ziryab codifia le chant, limitant les improvistions. Pédagogue, il fit travailler ses élèves en les initiant à la pratique des vocalises.
- Musicien extraordinaire, il va explorer et tenter d'assimiler les musiques du Nord, les romanceros profanes, les musiques religieuses chrétiennes comme le chant grégorien qu'il transposera dans le malouf.
Une mémoire prodigieuse
- Grâce à sa prodigieuse mémoire, c'est par lui que des milliers de chansons orientales de lointaine origine gréco-persane entrèrent en Andalousie.
- Mais Ziryab se révéla aussi un fin lettré, un poète précieux, qui perfectionna le sawf, délicat poème monorime. Il fut un conteur intarissable.
- La musique arabo-andalouse sera fortement inspirée par son Suvre et les techniques qu'il a développées.
- C'est encore Ziryab qui introduit à la cour le système des noubas, fondement de la tradition musicale andalouse. Nouba veut dire "attendre son tour". Chaque musicien, en effet, attendait son tour pour chanter devant le calife. Indissociable de la danse, la nouba est une suite de pièces vocales et instrumentales dont le nombre de mouvement et de pièces, basé sur les modes, s'est enrichi au fil des siècles.
Ziryab jouit d'une grande influence
- Grâce à son excellente mémoire, il savait par cSur plus de dix mille chansons et leurs mélodies correspondantes.
- Considéré comme le meilleur chanteur de l'Espagne musulmane et l'auteur de réformes ayant profondément marqué l'art musical de l'époque, Ziryab est devenu l'idole des foules.
Arbitre des élégances
- Par son charisme et son talent, il devint l'arbitre de l'élégance d'Al-Andaluz, y révolutionna les modes vestimentaires et la cosmétique. Il imposa à la Cour l'art raffiné de la cuisine irakienne, celle des Mille et Une Nuits, et un ordre protocolaire strict pour l'ornement de la table et l'ordonnancement des mets.
- Par son charisme et son talent, il devint l'arbitre de l'élégance d'Al-Andaluz, y révolutionna les modes vestimentaires et la cosmétique. Il imposa à la Cour l'art raffiné de la cuisine irakienne, celle des Mille et Une Nuits, et un ordre protocolaire strict pour l'ornement de la table et l'ordonnancement des mets.
- C'est au raffinement de Ziryab et à ses préceptes que l'on doit le remplacement des nappes en lin par celles de cuir ouvragé et celui des gobelets d'or ou d'argent par les coupes cristal.
- Il apporta également dans une société musulmane réputée austère et fermée, surtout celle des femmes, et plus particulièrement aux recluses des harems et à leurs eunuques, les recettes secrètes de la magie et de la divination chaldéenne.
- Si en terre musulmane la divination est réprouvée par la religion, l'astrologie traditionnelle reste l'apanage des devins professionnels attachés aux grands de ce monde (un émir ne prend une grande décision, ne signe un traité ou n'entre en campagne qu'au jour et à l'heure propice prescrite par son astrologue).
Magie pratique et Astrologie populaire
- Fort de sa célébrité, Ali ben Nâfi offrit à ses admiratrices une magie pratique et une astrologie populaires moins obscures et moins savantes mais plus intimes que celles de ses confrères, sans renoncer à ses connaissances astronomiques et mathématiques. Ses prédictions chantées, accompagnées de son luth, étaient un régal pour ses auditrices.
- Ziryab, au courant de tous les secrets de la cour, eut une grande influence sur l'Émir Abd al-Rahmân II et fut un de ses confidents et conseillers les plus écoutés.
- La petite histoire lui attribue de nombreuses bonnes fortunes, tant féminines que masculines.
Sources :
Al-Tifashi, Ibn Khaldoun, Idriss Belajoun
Kitab al-musiqi al Kabir, le Grand Livre de la Musique, d'Al-Farabi.
AL FARABI
(Abu Nasr Muhammad ou Wasidji Farab)
(Wasidj près de Farab au Turkestan en 870 mort à Damas en 950)

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