LA FORÊT DE BROCÉLIANDE

De nouvelles croyances

Bien avant que le tourisme de masse ne vienne dénaturer le site, facilitant l'accès des hauts lieux poétiques et magiques à une horde d'abrutis incultes et de moujingues mal élevés, la Forêt de Paimpont - Brocéliande pour les poètes - était une merveille qu'il fallait mériter.

Les elfes et les fées hantaient les halliers aux heures propices, les esprits murmuraient à l'oreille de ceux qui savaient écouter l'Épopée de la Table Ronde, la geste épique du Roi Arthur et de ses chevaliers, les amours de Viviane et de Lancelot-du-Lac. Ils percevaient à minuit le chant ensorcelant de Merlin l'Enchanteur, et à l'aube blanchissante la danse troublante des fées dans les clairières noyées de brume.

Il y a quarante ans, dans les années 70, il en allait autrement. Les visites étaient rares, les promeneurs motivés. Le plaisir de se perdre, de s'égarer dans les halliers sur des sentiers non balisés, faisaient partie du charme de cette quête.


Je me souviens de l'une de ces ballades nocturnes aux lieux magiques où Viviane rencontrait Merlin.

Dans la forêt de Brocéliande en Bretagne, il est un amoncellement de pierres dont la tradition ou la légende affirment qu'il est le tombeau de Merlin l'Enchanteur. Il s'agit d'un point sensible, assez difficile à trouver, même avec de bonnes cartes topographiques.

L'un des lieux magique de la forêt est la Fontaine de Jouvence que tout le monde connaît, mais le témoin le plus extraordinaire est certainement la Fontaine de Barenton. Il faut avoir le courage, disons même la rage de parvenir au but, pour s'y rendre. Loin de toute route praticable, on ne peut y aller qu'à pied.

La source elle-même jaillit près d'un large bloc de pierre.

La légende veut que la fée Viviane y rencontrât Lancelot du Lac et affirme qu'il ne faut jamais jeter de l'eau de cette source sur la pierre voisine, sous peine d'engendrer une terrible tempête.

Trop cartésien pour me laisser intimider, j'ai voulu tenter l'expérience, un soir de juillet, sous une chaleur accablante. Prenant un peu d'eau dans le creux de ma main, je la répandis sur la pierre.

Je précise que je n'ai nullement accompli ce geste dans un but sacrilège. Seulement à titre expérimental.

Comme le soir tombait, après quelques instants de receuillement dans ce haut lieu de la "Vieille Religion", je voulus regagner ma voiture garée assez loin de là. Le ciel, si pur toute la journée, commença par se couvrir. Le jour tomba rapidement, et je dus hâter le pas. Je n'étais pas encore parvenu à mon véhicule qu'un orage formidable éclata dans un ciel zébré d'éclairs, m'obligeant à me réfugier sous un vieux chêne plusieurs fois centenaire. De là j'assistai à un spectacle grandiose, à un formidable déchaînement des forces de la nature.

Lorsque l'orage se fut éloigné je pus gagner mon auto et allai dîner dans une auberge.

Le Val sans retour


Situé près de Tréhorenteuc, à l'ouest de Paimpont, le Val sans retour est une vallée encaissée aux paysages contrastés, creusée dans le schiste rouge, (c'est le minerai de fer qui donne au schiste sa couleur rouge ; ce même minerai qui fausse les boussoles des randonneurs).

Selon la légende, Morgane la fée, demi-sœur du roi Arthur, trahie par son amant, décida de retenir prisonniers dans ce val les chevaliers infidèles. Seul le Lancelot, fidèle à la reine Guenièvre, parvint à rompre l'enchantement, échappant au sortilège et alla délivrer les chevaliers.

Le Miroir aux fées

C'est au fond de ce Val que le miroir aux fées, lac aux eaux lisses, sans une ride, dans lequel les fées lisaient l'avenir en y jetant un grain de blé. On l'avait appelé ainsi car la forêt qui l'entourait était tellement dense que le vent n'y passait pas, rendant la surface de l'eau tout à fait immobile.

L'atmosphère étrange dans lequel baigne le Val sans Retour est une des impressions les plus sereines et les plus fortes qu'il me fut donné d'éprouver.

Château de Trécesson

Derrière l'imposante façade de cette altière demeure logent plusieurs fantômes. On dit que le parfum des dames de jadis en imprègne encore les murs et peut être fatal aux amoureuses chastes qui s'y aventurent imprudemment. C'est l'un des plus beaux manoirs de Brocéliande. Environné des cr&ecrc;tes rocheuses de Coëtquidan, des buttes des Tiot et des landes de Saint-Jean, le château de Trécesson reflète dans l'eau de ses douves profondes ses hauts murs de schiste pourpre, ses tourelles en encorbellement reliées par une galerie à màchicoulis et sa porte en plein cintre, souvenir d'un ancien pont-levis.

Les parties les plus anciennes de l'actuel château datent du XVe siècle. Mais les archives attestent que ce lieu fut, dès le VIIIe siècle, la demeure des seigneurs de Ploërmel et Campénéac.

La Dame Blanche de Trécesson

Deux gentilshommes, mécontents de la mésalliance d'une jeune femme de leur famille qui allait se marier, vinrent ici en pleine nuit, et après avoir creusé un trou au pied d'un chêne, enterrèrent tout habillée la malheureuse qui se débattait.

Témoin de la scène, un braconnier craignant pour sa vie s'il était découvert, attendit le lever du soleil pour aller déterrer la jeune victime qui vivait encore. Mais la pauvre expira peu après entre ses bras.

Le seigneur de Trécesson, très affecté par cette histoire, fit enterrer religieusement la dépouille sans que celle-ci puisse être identifiée. Jusqu'en 1789, la couronne et le voile nuptial de l'inconnue demeurèrent sur l'autel de la chapelle du château. Les jeunes filles venaient les toucher après la messe espérant que la Dame Blanche leur apparaisse pour leur désigner un bon époux.

Le Jardin aux Moines

Un jour Saint Méen les surprit sur la lande et les somma de se confesser, de cesser leurs orgies, ce dont ils n'eurent cure. La punition divine ne fit guère attendre, ils furent foudroyés, changés en pierres à l'endroit même leur péché.

Ce lieu ne fait pas partie des légendes arthuriennes, mais c'est un site spectaculaire de Brocéliande. Situé à Néant-sur-Yvel, il est aussi appelé "Jardin aux tombes". C'est en fait un site mégalithique daté de 3000 à 2500 avant notre ère. Long de 27 m sur 5 ou 6 m de large, il est constitué de 27 blocs de schiste rouge et de quartz. Il a été fouillé en 1983 sous la direction de M.J. Briard et l'on y retrouva des silex datant de 5000 ans av. J.-C.

Le chêne de Guillotin

La forêt de Brocéliande renferme de très beaux et très vieux arbres. Le plus célèbre d'entre eux est un vieux chêne âgé d'environ 1000 ans et faisant plus de 9 mètres de circonférence : le chêne de Guillotin. Il est situé entre Concoret et Tréhorenteuc. Selon la légende, Pierre-Paul Guillotin, un prêtre réfractaire (1750-1814) se réfugia pendant la Révolution française à l'intérieur de cet arbre creux. Il continua son ministère, administrant sacrements et bénédictions dans la région, rédigeant un précieux journal des événements révolutionnaires.

Le tombeau de Merlin

Le tombeau de Merlin et la Fontaine de Jouvence. Selon une légende, après l'avoir séduit Viviane endormit Merlin avant de le ravir dans une nuée. Puis elle l'emmura vif dans un tombeau. L'ayant allongé dans une fosse, la fée rabattit sur lui deux énormes pierres.

Dynamité par le propriétaire des lieux en 1892 qui croyait trouvé de l'or en dessous, il ne reste aujourd'hui plus rien du majestueux tombeau d'alors. Le tombeau de Merlin est donc une déception mais n'empêche pas les supersticieux d'y laisser des mots ou des prières en tout genre, voire même des... chèques en échange d'une faveur. Je suis curieux de savoir si Merlin possède un compte. Mais je laisse l'imaginaire prendre sa place et chacun est libre de s'exprimer. Je déplore seulement qu'en plus de deux pierres piteusement appuyées sur un vieux houx, des tas de petits bouts de papiers font ressembler l'endroit plus à une poubelle qu'à un tombeau...

Près du Tombeau de Merlin se dresse un autre arbre très ancien appelé "chêne des Hindres", mesurant environ 5 mètres de circonférence.

Château de Trécesson «la Dame blanche de Trécesson» jeune mariée enterrée vivante le matin même de son mariage. un chasseur vit la scène, mais quand on déterra la jeune femme, elle était morte. Depuis, elle hante le domaine.

La Fontaine de Barenton

La fontaine de Barenton dont nous avons parlé plus haut, est un lieu à la fois pittoresque et modeste de Brocéliande. Située à l'ouest de la forêt, près du hameau de "Folle pensée", elle était jadis assez difficile d'accès. Décrite dès le douzième siècle par le poète normand Robert Wace, elle a perdu beaucoup de son mystère. Mais c'est ici qu'une tradition situe la première rencontre entre Viviane et Merlin.

La légende affirme qu'un jour que Merlin cheminait sous les ramures de Brocéliande, il rencontra Viviane près de la fontaine de Baranton ; il la salua bien bas, et comme la jeune fille se mit à le questionner, il se rendit compte qu'il avait affaire à une fée. En effet, en ce temps-là une jeune fille sage ne se serait pas permis d'adresser la parole à un jeune homme, sans y avoir été invitée !

- Belle demoiselle, je suis un écolier, dit-il, qui va retrouver son maître.

- Et que vous a-t-il enseigné, votre maître ?

- Oh ! bien des choses, demoiselle.

- Mais, encore ? Que savez-vous faire ?

- Je pourrais bâtir, ici, devant vous, un château et le peupler de tant de chevaliers, que celui qui voudrait l'assiéger ne viendrait jamais à bout de le prendre. Je pourrais encore, par exemple, faire couler une rivière là où jamais goutte d'eau ne coula, et même je traverserais l'onde à pied sec, sans enfoncer ni me mouiller les chausses.

- Certes, dit la demoiselle, vous me semblez bien savant, et je donnerais beaucoup pour en savoir faire autant.

- Ce ne sont là que jeux d'enfant, fit Merlin ; j'en sais bien d'autres pour divertir rois, gentes dames et hauts barons.

Comme Viviane parut s'étonner d'un tel pouvoir, Merlin s'éloigna de quelques pas et traça sur la bruyère un cercle du bout de son bâton.

Aussitôt, apparut sur la lande, un château magnifique, et, devant le château un jardin romantique dont les arbres portaient autant de fruits délicieux que de fleurs, et de fleurs que de feuilles, et d'où émanait un parfum suave, qu'on respirait jusqu'à la fontaine.

Le château magique disparut comme il était apparu, en un clin d'œil, mais pour le jardin, à la prière de Viviane, Merlin le conserva, et ils l'appelèrent le Jardin de joie, car ce fut là qu'ils s'aimèrent pour la première fois.

Les légendes associées à ce lieu sont nombreuses. Outre la rencontre de Merlin et de Viviane c'est là qu'eut lieu le combat opposant Yvain au Chevalier Noir. Là que Blaise l'ermite mit son protégé en garde contre les sortilèges de la fée.

On dit que l'eau de la fontaine de Barenton permet de déclencher la pluie, de guérir les meaux d'amour ou les maladies mentales.

Déjà connue au Moyen-Âge pour ses innombrables vertus, c'est au-dessus d'elle que se penchaient les devins et les sorcières les nuits d'orage où son eau "bout à froid", que des chapelets de bulles montent à sa surface exhalant ses fragrances de connivence et ses parfums d'attirance.

Légendes du chevalier Ponthus fils du roi Thibur de Galice

Proche de la Fontaine Barenton, le hêtre de Ponthus éleva ses ramures sur les vestiges d'un château détruit, jadis, par Dieu lui-même. Comme nous le raconte Yves Thétiot, en ces temps-là, le chevalier de Ponthus désespérait de ne point avoir de progéniture. Il me faut un enfant, qu'il vienne du diable ou de Dieu ! s'écria-t-il du haut de la plus haute des tours de son château. Dieu fit la sourde oreille. Mais le diable l'entendit.

Le Malin prit le chevalier au mot : neuf mois plus tard, à la faveur d'une éclipse de lune, la châtelaine accouchait d'un petit monstre velu. A peine sorti du ventre de sa mère, le petit diable sauta sur le haut d'une énorme armoire puis se blottit sous un buffet. Sinistre présage ! prophétisa la sage-femme avant de s'enfuir à toutes jambes.

En ces temps là, il fit grand vent. La tempête venait de l'océan. Elle épargna la forêt, mais détruisit le château qui, emporté par une bourrasque, s'écroula sur ses occupants. Le souffle de l'apocalypse avait renversé les remparts pour laisser place à un magnifique hêtre qui se laisse encore admirer en forêt de Brocéliande.

 

Une autre légende, raconte les amours de Ponthus et de la belle Sydoine. Fils du roi de Galice, Ponthus est chassé de son pays par les Sarrasins. Le prince fuit par la mer et rejoint le port de Vannes. Il y est accueilli par le roi de Bretagne.

A la cour du monarque, Ponthus rencontre Sydoine : ils se plaisent. Or les Sarrasins débarquent à Brest. Ils menacent la Bretagne. Une violente bataille s'engage. Ponthus fait preuve d'une grande bravoure : l'envahisseur est vaincu.

En récompense, le prince est fait connétable et le roi lui accorde la main de Sydoine. Mais jaloux, le propre ami de Ponthus, Guennelet, trahit son maître. Il le calomnie : le prince est banni de la cour.

Il se réfugie dans la forêt de Brocéliande. Sept ans se passent. Guennelet, n'ayant pu obtenir les bonnes grâces de Sydoine, décide d'en finir avec Ponthus. Le traître se rend en Brocéliande où il défie le valeureux chevalier. Un combat à mort s'engage. Plusieurs jours durant, les deux hommes s'affrontent dans un terrible et singulier duel. Au soir du douzième jour, Ponthus tranche la tête de Guennelet épuisé. Il regagne la cour du roi de Bretagne où il épouse Sydoine en justes noces. Pour commémorer sa victoire, Ponthus fera planter un hêtre sur le lieu même du combat.

Incendies de 1976 et 1990

En septembre 1990, la forêt de Paimpont a brûlé pendant cinq jours. Après cette catastrophe, les dons ont afflué de toute la France pour financer le nettoyage et la replantation. Pour marquer cet évènement, l'artiste François Davin a créé l'Or de Brocéliande, souvent appelé "Arbre d'Or". C'est un châtaignier doré à la feuille d'or (90 grammes d'or le recouvrent), et il est entouré de cinq arbres noirs qui symbolisent la forêt brûlée ainsi que toutes les forêts détruites par négligence ou profit. L'or symbolise l'immortalité, notamment celle de la forêt. L'Arbre d'Or est devenu la nouvelle légende de Brocéliande. L'artiste a voulu évoquer les bois d'un cerf des anciennes religions et symbolise Merlin.

Hotié de Viviane

L'hotié ou maison de Viviane est situé près du Val sans Retour. On le découvre en s'enfonçant dans les sous-bois, sur une charmante colline. Appelé aussi "Tombeau des Druides", c'est un mégalithe datant d'environ 2500 av. J.-C. De nombreuses fouilles y ont été faites et ont permis la trouvaille de nombreux objets anciens comme une hache polie en dolérite, des tessons de poteries, des éléments en silex, des pointes et des bijoux rudimentaires.

Brocéliande reste en grande partie une forêt privée. L'étang du Pas du Houx, le plus étendu de la forêt,

 

Le Pont du Secret

Pont du secret (Plélan-le-Grand au sud de la forêt) sur un affluent de l'Aff. La légende nous dit que le roi Arthur, au faîte de sa gloire, choisit Guenièvre pour épouse. Il envoie Lancelot du Lac, son meilleur chevalier, escorter la jeune femme au travers de la forêt de Brocéliande, jusqu'à son château de Camelot où seront célébrées les noces. Ils chevauchent côte à côte, et, franchissant le Pont du Secret, Guenièvre demande à Lancelot : «Seigneur qui est ta Dame ?» Lancelot lui répond en rougissant: «Mais c'est vous, ma Reine, et pour l'éternité...»

 

Forges de Paimpont (1653)

«Pour le promeneur qui savoure aujourd'hui le calme et la douceur du lieu, il est difficile d'imaginer que pendant près de trois siècles ce fût le siège d'une formidable aventure industrielle,» nous dit Philippe Boussin. Les Forges de Paimpont ont été parmi les plus importantes de Bretagne. Leur renommée dépassait largement les frontières de la région. Patrick de la Paumelière, propriétaire des lieux, a engagé le projet d'une complète restauration de ce site.

Lorsqu'il reçoit en héritage, il y a quelques années, les vieilles bâtisses en ruines qui bordent la digue de l'étang, il a conscience de la richesse patrimoniale dont il est alors dépositaire. Mais comme beaucoup de gens de la région, il y voit d'abord un lieu totalement à l'abandon où l'on fabriquait jadis (jusqu'en 1954) de vulgaires objets en fer et en fonte.

En 2004, il s'intéresse alors à l'histoire des Forges, consulte les archives et les plans d'époque, visite d'autres forges en Bretagne et en France. Il se «forge» ainsi la conviction de détenir un patrimoine unique qu'il est urgent de sauvegarder. Le site industriel de Paimpont est unique par sa beauté architecturale, sa forêt, les étangs formant un réseau hydraulique remarquable, deux hauts-fourneaux, un laminoir, une fonderie, et l'organisation de forges anciennes.

Mais la commune de Concoret qui abrite ce lieu prestigieux vit un drame épouvantable, depuis juillet 2004, un projet de création d'un important site d'enfouissement de déchets ultimes a vu le jour, un stockage permanent de déchets non retraitables au sein de la forêt merveilleuse, centre des légendes arthuriennes, de l'imaginaire féérique et lieu de visite de centaines de miliers de touristes chaque année...


 


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