Aleister Crowley, mage et dandy

  ALEISTER CROWLEY
1875-1947
mage et dandy

Crowley jeune

Une famille puritaine

Edward Alexander Crowley, dit Aleister, naquit le 12 octobre 1875 à Leamington Spa dans le Warwickshire (Angleterre) et décéda à Hastings en 1947 (il fut incinéré à Brighton le 5 décembre). Son père, Edward Crowley, était le riche propriétaire d'une compagnie de brasseries et la famille vivait très à l'aise.

Ses parents appartenaient à la secte très puritaine des Darbystes, et le jeune homme dut assister durant toute son enfance aux interminables prières et lectures de la Bible avant chaque repas. La légende familiale affirme qu'excédée par son caractère indomptable et indépendant, sa mère surnomma son fils Edward "The Beast" (La Bête), par allusion à l'Apocalypse, - surnom qu'Aleister conservera avec fierté.

A la mort de son père, Aleister Crowley avait onze ans et sa mère, déménagea à Londres. Elle mit l'adolescent en tutelle chez son frère, T.B. Bishop. L'enfant fit de bonnes mais sévères études dans une école dirigée par les Darbystes, dont les méthodes rigoristes meurtrirent la sensibilité de l'adolescent, lui faisant prendre le christianisme en horreur pour le restant de sa vie. Il acheva brillamment son cursus scolaire au très célèbre «Trinity College» de Cambridge, s'y adonnant déjà secrètement aux sciences occultes et en particulier à l'alchimie.

A sa majorité, il hérita d'une confortable fortune qui lui permit de vivre à sa guise, en dilettante, sans avoir de comptes à rendre à personne.

Crowley jeune

Jeune homme fortuné, il mena une vie de dandy lettré, de séducteur élégant et dépravé, désignant les nombreuses femmes qu'il conquit sous le nom d'«écarlates» (scarlet women), en souvenir de la «putain de Babylone» de l'Apocalypse. Il voyagea beaucoup pour son plaisir, son goût pour l'occulte et la découverte des mystères exotiques. Sportif, il se passionna pour l'alpinisme. Au hasard de ses escapades, il s'initia à toutes sortes de rites orgiaques et adhéra à plusieurs sociétés secrètes. En 1896, il fréquenta l'Église Celtique qui prétendait être l'héritière de Joseph d'Arimathie, dont une légende voulait qu'il ait apporté le Graal à Avalon Glastonbury.

En 1897, souhaitant faire carrière dans la diplomatie, Aleister partit pour Saint-Petersbourg. Curieux de tout, il visita palais et monastères, églises et bordels. En Russie, il fit la connaissance d'un moine de 33 ans, Gregori Raspoutine, membre de la confrérie des «Hommes de Dieu», les fameux «Khlisty». Crowley raconte que le starets l'impressionna par son charisme et qu'il en apprit les rudiments de l'«art magick».

En 1898, à l'âge de 23 ans, le mage adhéra à la Golden Dawn (Aube dorée), société initiatique secrète rosicrucienne, dont il assimila l'enseignement de magie opérative et dont il gravit rapidement les degrés. Il y fut reçu sous le nom de Perdurabo (je persévérerai). (Voir encadré).

Boleskine house

Sa demeure londonienne, Boleskine House, devint un haut lieu ésotérique à la mode, fréquenté par la gentry.

Touche-à-tout, il s'exerça à la peinture, à la poésie, se proclama devin, astrologue, écrivain, mage, aventurier mystique.

En 1899, partisan anglais de Don Carlos, prétendant au trône d'Espagne, il lui servit d'intermédiaire pour acquérir des armes.

En 1902, au cours d'un voyage en Orient, il tenta l'escalade du Chogori (K2), second sommet de l'Himalaya, atteignant l'altitude fantastique pour l'époque de 6.500 mètres. Il parcourut la Chine et l'Inde d'où il ramena la pratique du Yoga, technique qu'il adapta à la magie cérémonielle occidentale. Un an après son mariage, (1903), il se rendit au Caire avec son épouse Rose Kelly. Au cours de ce voyage, Rose, être sensible et fragile un peu médium, eut une vision du dieu Horus.

Crowley-Kelly

Aleister Crowley en famille

Magie sexuelle

A leur retour d'Égypte, il écrivit son "Livre de la Loi", en quelques heures, sous la "dictée" disait-il, des Supérieurs inconnus. En 1905, il fonda sa propre «loge», l'Argentinum Astrum, l'A.A., où, selon ses détracteurs, il enseigna ses fumeuses théories antichrétiennes et la magie sexuelle.

Insolent, provocant, Crowley aimait que l'on parle de lui, en bien ou en mal. Il ne voyait pas le danger où le conduisaient ses fanfaronnades. «Il n'imaginait jamais pouvoir perdre. Il prétendait toujours que toute publicité était préférable à l'anonymat.»

Pourtant, selon ses amis, l'Astrum Argentinum, était dans son esprit un phalanstère destiné à regrouper initiés, prophètes et visionnaires. Mage, occultiste et sataniste, il se proclame prophète de "la nouvelle loi" et du "nouvel éon", affirmant incarner la Bête de l'Apocalypse 666.

Charmeur et provocateur

A la fois charmeur et provocateur, Crowley suscita quelques amitiés fortes mais aussi de formidables inimités. Il possédait le don inné d'attirer les femmes qu'une fois conquises, il aimait (disait-on) à dévoyer au cours de cérémonies magiques et secrètes.

Avide de publicité, le parfum de scandale qu'il répandait autour de sa personne et de ses activités, dressa contre lui les journaux "convenables" dont les pamphlétaires s'en donnèrent à cœur joie.

Ses écrits volontairement provocateurs tels «De ma tête de faucon je crève à coups de bec les yeux de Jésus alors qu'il pend à la croix» et ses poèmes pornographiques attirèrent sur sa personne les foudres de la critique bien-pensante. Ce qui est sûr c'est que les gazettes populaires lui attribuèrent beaucoup plus de méfaits ou de crimes qu'il ne fut capable d'accomplir.

Rose Kelly

Rose Kelly

Ce que je veux je l'obtiens

Mais, Crowley n'était pas qu'un amuseur de galerie. Il était aussi le théoricien et le chantre d'une magie nouvelle, à la fois blanche et noire, la Magick, magie qui selon lui devait libérer l'homme en lui permettant de canaliser sa volonté, sa volonté véritable (true will), en vue d'obtenir une fusion totale entre l'objet et le sujet. «Ce que je veux, je l'obtiens !» affirmait-il, «Vous aussi, le pouvez !»

Le récit des turpitudes vraies ou supposées du mage faisait monter vertigineusement le tirage des gazettes où l'on parlait de lui et les folliculaires s'en donnèrent à cœur joie.

Crowley espion ?

En 1912, Theodor Reuss, haut gradé de la franc-maçonnerie germanique, fondateur de l'O.T.O. (Ordo Templi Orientis ou Ordre des Templiers d'Orient), intronisa Aleister Crowley à la tête de l'ordre en Angleterre. On a dit que, sous la couverture d'un grand maître de l'ésotérisme, Theodor Reuss, fut surtout un agent de renseignement très efficace qui enrôla Crowley. Ayant gravi tous les échelons de l'initiation de la Golden Dawn, il se proclama grand mage et troqua son prénom d'Edward pour celui d'Aleister.

Anarchiste et marginal

Vers la fin de la Grande Guerre, de retour des Etats-Unis en compagnie de Leah Hirsig sa conquête du moment, il s'installa avec elle à Cefalu en Sicile où ils fondèrent «L'Abbaye de Thélème», une université occulte où les deux amants et leurs amis donnèrent libre cours à leurs phantasmes. Le parfum de scandale et de provocation qui entoura cette fondation amena Mussolini et les autorités italiennes à expulser le mage et son amie. Sa réputation sulfureuse, ses proclamations insensées et ses continuels esclandres le firent chasser de partout même de l'accueillante Côte d'Azur où il avait squatté la mystérieuse Grotte de Falicon.

Provocateur dans l'âme, il défendit tour à tour les drogués, les homosexuels, les lesbiennes, les disciples de Lucifer, les défroqués, les satanistes, les ivrognes, les assassins, s'attirant de la part des médias de nouvelles volées de bois vert. Son goût de la somptuosité et sa proverbiale générosité ainsi que, il faut bien le dire, le désordre de ses finances, finirent par ruiner en peu d'années le sulfureux dandy.

La ruine

L'entre-deux-guerres deviendra plus difficile pour le mage, et Crowley finit par être obligé de monnayer ses écrits, ses scandales et ses intrigues.

Se proclamant avec fierté drogué, ivrogne, saint de Satan, pornocrate, mage luciférien, pédophile, il se prétendit amateur de tous les vices et de toutes les perversions.

Pourtant, sous cette façade d'histrion, Crowley, selon ses adeptes, était un mage sérieux, un véritable initié, possédant de véritables pouvoirs occultes.

Kurt Seligmann, auteur du Miroir de la Magie, parlant de Crowley, dit : «Cet homme est sans doute le plus grand et le plus inquiétant, peut-être le seul magicien du XXe siècle occidental.»

État supérieur de conscience

Crowley étudia la magie de la musique et des couleurs permettant d'accéder à des états supérieurs de conscience; puis il s'intéressa aux ondes de forme, aux miroirs et tableaux magiques. Y allant de plus en plus fort pour épater la galerie et faire parler de lui, Crowley proclamait aussi qu'il était la réincarnation d'Edward Kelly, l'assistant de John Dee.

Chambre des cauchemars

Do what you will

Fils et successeur

A la fin de la décennie, Crowley décida de se donner un successeur de sa propre chair. Ainsi, le 26 janvier 1930, une certaine Stella donna naissance à «Amado», Andrew Standish. Ce n'était pas son premier enfant naturel, mais sa légende prétend que celui-ci il le voulut vraiment, choisissant avec précaution la mère, l'heure et le lieu de sa conception, puis l'initiant personnellement durant sept années.

Son penchant pour le vice et à la mystification médiatisés, son sens inné de la provocation en avaient fait l'un des personnages les plus sulfureux et les plus scandaleux de son temps.

Quelques-uns de ses éclats restèrent célèbres.

La publication de White Stains (Taches blanches) ouvrage dans lequel il faisait l'éloge de l'érotisme le plus effronté lui valut une démolition en règle par la presse britannique. Il répondit à ces critiques par une nouvelle provocation. Convoquant les journalistes chez Veronica Lind, sa maîtresse, il fit un speech sur la "misère sexuelle en Grande-Bretagne".

A l'époque, son attitude libertaire, ses proclamations enflammées avaient encore de quoi scandaliser l'aristocratie et la bourgeoisie de la puritaine Angleterre. Exhibant ses scarlet women de rencontre dans les salons les plus huppés, il attirait sur lui la haine des douairières et les libelles sanglants des journalistes qui le surnommaient aimablement : «La Bête humaine», «L'Homme à pendre», «Le Roi de la dépravation», «Grande bête 666», «Porc universel», titres de gloire dont il se montrait très fier en rajoutant quelques autres, plus énigmatiques, dont il s'affubla lui-même en se présentant sous divers déguisements : Maître Thérion, Prince Chioa Khan, Comte Svaroff, Milord Boleskine.

magick

Crowley "Magick"

En 1940, selon des rumeurs persistantes mais aucune preuve, Aleister Crowley aurait été approché par l'Intelligence Service pour organiser une cérémonie magique en vue de déstabiliser dans ses croyances Adolf Hitler, que l'on prétendait entouré d'astrologues et de mages. C'est ainsi, affirment ces initiés, que Rudolf Hess fit défection et atterrit en Angleterre où il fut interné.

Le récit vraisemblablement mythique de cet épisode de la guerre secrète, nous est conté par son fils Amado.

«Après le départ de Hess, Hitler épura l'Allemagne de tous ses mages et prophètes. Il décida de gérer sa guerre sans l'assistance magique sur laquelle il avait tant compté jusque là. Il n'osa même plus se fier à ses propres pouvoirs psychiques. Alors qu'il avait l'habitude de prévoir certaines choses et de prendre des décisions avec une réussite étonnante, il commettait maintenant des bévues. Les énergies déplacées affectèrent son cerveau et la conduite de la guerre devint catastrophique. Ce fut le commencement de la fin.(1)»

L'étrange de cette affaire c'est que jusqu'à ce jour aucune explication cohérente n'a été apportée à l'énigme que pose la défection du dauphin présumé d'Hitler, décédé il y a quelques années dans sa prison berlinoise.

La Wicca

De la rencontre entre Crowley et Gerald Brosseau Gardner, membre de L'O.TO. naquit The Book of Shadows (Livre des Ombres), qui devint la Bible de la Wicca (nouvelle sorcellerie occidentale comptant aujourd'hui des dizaines de milliers d'adeptes à travers le monde, mais surtout aux USA).

Un certain nombre de spécialistes estiment que la paternité du renouveau de la sorcellerie moderne appartient à Crowley plutôt qu'à Gardner, ce dernier se contentant de transcrire la pensée de son ami en la retouchant dans sa forme. Mais la controverse demeure entière.

Brosseau-Gardner

Gerald Brosseau-gardner

Crowley mage ou fumiste ?

William Seabrook, écrivain américain, spécialisé dans le fantastique et la sorcellerie, rapporte comment un jour, à New-York, sur la Cinquième Avenue, Crowley suivit un passant en imitant sa démarche.

«Soudain, il plia les genoux, s'accroupit vivement, fit semblant de glisser. Le passant qui était devant lui fit de même, il glissa et s'écroula sur le trottoir. Le malheureux regarda autour de lui d'un regard effrayé, cherchant une peau de banane ou quelque chose d'approchant... En vain, comme bien l'on pense.»

(Source : René Louis : Dictionnaire du Mystère Editions du Félin).

Voyage dans le temps

Alexandra David-Neel, elle, rencontra Crowley en Suisse, au milieu des années 30. Elle raconte comment, après qu'elle lui eut décrit quelques phénomènes de magie tibétaine à laquelle elle avait personnellement assisté, Crowley lui fit une curieuse démonstration de ses pouvoirs occultes.

Le mage la pria de noter le jour et l'heure de leur rencontre. Elle consulta sa montre. Son chronomètre indiquait : mercredi 11 mai, 16 heures. Fixant alors Alexandra dans les yeux, Crowley l'hypnotisa un instant, et, sans qu'elle puisse résister, elle perdit connaissance. A son réveil, son chronomètre indiquait lundi 9 mai, 16 heures.

Elle pensa qu'il avait triché et tripoté son chronomètre durant sa léthargie. Sonnant sa domestique, elle lui demanda quel jour et quelle heure il était.

- Lundi 9 mai, 16 heures vingt, Madame...

(Source : Evan Hampton : Magick)

crowley mage

Le Mage d'Aleister Crowley

Une vie flamboyante et satanique

La vie satanique et flamboyante d'Aleister Crowley fut certainement beaucoup plus prosaïque que ne le proclamèrent les livres et les gazettes qui parlèrent de lui en bien et en mal. Aucune de ses œuvres artistiques, poétiques, littéraires ne marqua son époque. Sa vie véritable fut probablement moins scandaleuse que l'époustouflante légende que Crowley bâtit de toutes pièces. Il est probable qu'il séduisit moins de femmes que la vox populi ne lui en attribua. Et, s'il s'adonna à tous les vices, goûta à toutes les drogues et à tous les alcools, s'il testa tous les rituels secrets et toutes les formules magiques, il ne resta jamais longtemps fidèle à aucune habitude.

Une drôle de réputation

Il est certain qu'il ne tua, ne pollua et ne dévora pas d'enfants au cours des messes noires qu'il pratiqua, se contentant de sacrifier des poules noires. Qu'il ne cloua vivante aucune de ses maîtresses pour lui faire l'amour sur la croix. Qu'il ne déféquait pas à chaque fois sur les tapis des salons où il était invité. Qu'il ne profana pas des centaines de tombes pour en saccager les croix et en déterrer les cadavres.

Seule sa légende demeure, de plus en plus enjolivée, de plus en plus fantastique, inspirant et flattant ce qu'il y a de plus trouble et de plus noir dans la jeunesse déboussolée de notre époque.

Wicca

La Wicca se prétend la plus vieille religion de la Terre, bien antérieure au christianisme. Dans les années 20, Margaret Murray, une universitaire anglaise, étudia la sorcellerie, et ses ouvrages passionnèrent ses lecteurs. A la fin des années 30, l'idée de faire renaître la Witchcraft, antique et mythique confrérie des sorcières, vint à l'occultiste Gerald Gardner qui en parla à Aleister Crowley, lui proposant le plus sérieusement du monde de faire revivre le culte des sorcières. Du fruit de leur travail allait naître The Book of Shadows, probablement écrit par Crowley, complété et remanié par Gardner.

GOLDEN DAWN

L'Hermetic Order of the Golden Dawn in the outer, ordre initiatique rosicrucien fut fondée par S.L. Mathers, W.W. Westcott et W.R. Woodman en 1887. La tradition voudrait que ce fût Anna Sprengel, une rosicrucienne berlinoise qui initia Mathers, traducteur en anglais de textes de magie opérative, notamment Les Clavicules de Salomon et La Magie Sacrée du Mage Abramelin.

La Golden Dawn compta parmi ses adeptes des écrivains et poètes illustres comme Yeats, Arthur Machen, Bram Stocker mais également des hommes de science comme l'astronome William Peck.

Les adeptes de la Golden Dawn étudiaient la Kabbale à laquelle se rattachaient les dix grades de la hiérarchie de l'ordre. Son ambition était d'enseigner la théorie et la pratique de l'occultisme occidental sous tous ses aspects, en particulier la magie cérémonielle.

(Marc Schweizer - Science & Magie, 1993)

 

Crowley-Pessoa

Aleister Crowley et Fernando Pessoa


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