Histoire des sciences divinatoires
 

 

VOYANTS, ASTROLOGUES
PROPHÈTES ET DEVINS


 

 
Antiquité légendaire

 
Kassim - Végoïa (Vegoia - Begoia - Begoe) - Astarkès - Zoroastre (Zarathustra) - Thalès de Milet

 
Dans la haute antiquité, tant dans l'ancienne Perse qu'à Babylone ou dans l'Égypte des Pharaons, les sciences divinatoires étaient un domaine réservé aux prêtres. La "haulte science" demeurait secrète et anonyme. Le nom des grands initiés n'était pas connu du public.
Science savante entre toutes, l'astrologie se confondait avec l'astronomie et les mathématiques. Mais il existait à côté de l'Astrologie savante, des traditions populaires plus frustes dont les devins exerçaient l'art de prédire de mille façons, des plus simplistes aux plus élaborées.
Ainsi, dans la Grèce antique ou en Étrurie, cohabitaient de savants astrologues philosophes et d'incultes "Daphéphages" ou "Coprophages", dont les prédictions reposaient sur les transes hallucinatoires induites par l'absorption de feuilles de laurier ou de défécations humaines.

 
Kassim
Connu aussi sous les noms de El-Kassim, Bel-Kassim ou Kassem
(vers 1793 - vers 1750 av. J.-C.)

Grand-prêtre du dieu Shamash fils de Sîn et frère d'Ishtar, le Dieu-Soleil des Mésopotamiens le Babbar des Sumériens, ce devin légendaire fut l'astrologue et le conseiller occulte d'Hammourabi, roi de Babylone à qui l'on doit le célèbre code de loi qui porte son nom.
Shamash, juge suprême, en vertu de sa position dans le cosmos qui lui permettait de voir tout ce qui se passait dans le ciel et sur la terre, était la divinité qui inspirait aux prêtres-devins la connaissance de l'avenir et leur permettait d'en révéler le contenu aux hommes, par l'examen des entrailles d'un mouton et la comparaison de la position des astres au jour de la naissance.
Grâce à son don de devin formé aux techniques antiques de l'extispicine (examen des entrailles) et à la lécanomancie (observation des taches d'huile sur l'eau), Kassim prédit à son roi qu'il conquerrait toute la Mésopotamie en battant l'un après l'autre tous les souverains de la région, ce qu'il devait réaliser.
Il prédit également à son roi que les lois qu'il édicterait resteraient dans la mémoire des hommes pour l'éternité.
Des textes anciens affirment que Kassim, appelé aussi Bel-Kassim ou Bel-Kassem, fils d'un noble d'origine Kassite (peuplade indo-européenne), fut l'homme qui incita son souverain à restreindre le nombre des dieux, en les regroupant autour de Marduk, à adopter dans son royaume une langue unique, l'akkadien et à édicter des lois justes valables pour tous les peuples qui lui étaient soumis.
La petite histoire prétend que le roi Hammourabi et son conseiller seraient nés et morts le même jour de la même année.
Nous connaissons peu de choses de la vie de Kassim sinon qu'il fut un conseiller sage resté fidèle à son roi jusqu'à sa mort.

 
Devins étrusques: les haruspices

Les Étrusques nous ont légué d'immenses trésors archéologiques mais peu de textes écrits aujourd'hui déchiffrables.
Nous savons toutefois, à travers la tradition orale reprise par les auteurs classiques que les arts divinatoires étaient très prisés chez les Étrusques qui pratiquaient la divination par la lecture des entrailles de bêtes sacrifiées par les "haruspices".

 

 
Végoïa
(Bégoia ou Bégoé)
(vers 900-850 av. J.-C.)

Essentiellement divinatoire, comme celle des Égyptiens et des Chaldéens, la religion étrusque pratiquait l'art très ancien de la mantique (art divinatoire requérant l'inspiration divine spontanée ou provoquée).
Religion révélée, d'origine orientale, héritière des panthéons babylonien et phénicien, elle reposait sur deux personnages mythiques: la belle et fascinante prophétesse inspirée, Végoia, mi-femme, mi-nymphe, et Tagès, le demi-dieu facétieux, espiègle, sournois, intermédiaires chargés de transmettre le message divin aux hommes et d'être leurs interprètes auprès des divinités.
Une tradition étrusque bien enracinée, prétendait que Végoia, avait fait don à son peuple d'une révélation écrite qui représentait le fondement même de la religion de la nation.
Son contenu, réparti en quatre livres dont l'un traite de la divination, art d'interpréter les signes manifestés par la volonté divine: foudre, tonnerre, orages de grêle, pluies de sable, de sauterelles, de sang, vol des oiseaux, taches sur le foie ou d'autres organes internes des animaux sacrifiés, mais aussi des prodiges tels que grondements telluriques, chutes d'aérolithes, naissance de monstres.
Dans les temps antiques, les haruspices qui expliquent ces signes, ne sont pas des prêtres professionnels. Chez les anciens Étrusques les fonctions sacerdotales sont exercées par le roi, les collèges de magistrats qui l'assistent, les chefs des grandes familles patriciennes. Ce n'est que plus tard, que le prêtre devient un fonctionnaire désigné par le roi.
Les rituels se déroulent dans le silence et le recueillement, avec prières, invocations, offrandes, libations, sacrifices sanglants ou non, pratiques funéraires.
On attribuait aussi à Végoia la révélation aux hommes de la science de l'arpentage.

 
La prophétie de Végoia

Une prophétie de Végoia a beaucoup marqué ses compatriotes, car elle traduisait notamment les inquiétudes des propriétaires étrusques devant la politique agraire romaine. Elle nous a été relatée par l'écrivain Tarquitius (IIe siècle av. J-C.) qui en avait lu une copie conservée dans le temple d'Apollon. Cette prophétie prédisait que le peuple et la nation étrusque dureraient 900 ans.
Il en existe plusieurs versions, généralement concordantes. Végoia (Bégoé) aurait prédit avec une remarquable précision le siècle de la fondation de Rome, la fin de la civilisation étrusque, la chute des dieux et la naissance d'une nouvelle religion universelle.
Les pratiques divinatoires étrusques ont été pérennisées par Tarquin l'ancien, cinquième roi de Rome mort en 579.

 
Livres sacrés

La religion étrusque était donc fondée sur ces livres sacrés, qui ont fortement influencé la religion romaine.
Le premier concernait l'haruspicine (interprétation de la volonté divine exprimée par des prodiges ou l'apparence des entrailles des animaux sacrifiés), et même plus précisément l'extispicine (examen des attitudes précises des viscères des victimes, de la couleur de la flamme et de la fumée des bûchers, et d'autres indices) un ensemble des techniques divinatoires liées aux sacrifices.
Ces pratiques sacerdotales et divinatoires, réputées d'inspiration divine, ressemblaient à celles des devins babyloniens, et comme eux, les haruspices toscans utilisaient des maquettes précises de viscères d'animaux pour se préparer minutieusement à leur fonction.
Les rites et les pratiques, qui permettaient de modifier éventuellement un destin défavorable ou funeste, étaient parfaitement codifiés.

 
Un traité d'art fulgural

Le second ouvrage enseignait la divination par l'observation du ciel par temps d'orage. L'officiant interprétait la forme, l'intensité et la direction des éclairs ainsi que le grondement du tonnerre. Partagé en seize parties déterminées par les quatre points cardinaux et l'axe Nord/Sud, le ciel était scruté avec attention, la moindre lueur, le plus petit nuage avait son importance.
"L'observateur se plaçait face au Sud. Les indices étaient favorables à l'Orient, et défavorables à l'Occident. La signification des éclairs et du tonnerre était définie pour chaque jour de l'année. Onze sortes de foudres étaient associées aux différents dieux toscans concernés, dont les maladroites approximations romaines étaient Jupiter, Junon, Mars, Saturne, et Minerve."
Un autre livre donnait la signification des prodiges et des phénomènes extraordinaires rencontrés dans la nature. Tout était soigneusement réparti et catalogué: plantes, animaux, ou événements insolites tels que tremblements de terre, pluies de sang ou chute de grêle.

 
Traité d'arpentage

Le troisième ouvrage réglait la répartition des terres et des propriétés entre les membres des communautés, selon un code très rigide et précis. Il régissait également la disposition et l'orientation des différents édifices lors de leur construction.
Les livres sacrés enseignaient que le sang des sacrifices et la stricte observance des rites permettaient à l'homme d'accéder après sa mort à une forme d'immortalité, paradisiaque ou infernale, selon les pratiques, les cas, ou les époques.
En réponse aux inquiétudes humaines face au destin individuel et de la communauté, le prêtre étrusque prétendait accéder à la connaissance de l'avenir et de la volonté divine. Il affirmait disposer du pouvoir d'influencer le cours des choses, en apaisant les dieux par des offrandes, des rites et des sacrifices, et en organisant très soigneusement les éléments de la vie civile.
Des vieilles cités étrusques, peu d'édifices ont subsisté. Il semblerait que les temples étaient construits par groupes de trois, correspondant aux triades honorées, et que ces groupes étaient disposés aux points cardinaux près des quatre portes des cités bâties selon des règles géométriques.
Vaincus par les Grecs à Cumes en 474 av. J.-C., puis par les Romains en 350 av. J.-C qui les chassèrent de Rome, les Étrusques ont cependant profondément influencé leurs arts, leur architecture, et surtout leur urbanisme.

 
Astarkès
(vers 820-740 av. J.-C.)

Une légende rapporte que lors de l'examen des entrailles d'un lion, un grand prêtre du nom d'Astarkès, l'un des rares devins étrusques dont le nom soit parvenu jusqu'à nous, annonça publiquement «la naissance prochaine de jumeaux mâles qui seraient abandonnés au caprice des eaux du fleuve pour avoir été enfantés par une Vestale. Une louve allaiterait les deux garçons dont l'un tuerait son frère et fonderait une ville à laquelle il donnerait son nom et dont l'empire durerait plus de mille ans.»
La tradition légendaire de la fondation de Rome par Romulus, neveu du roi d'Albe Amulius, allait confirmer cette surprenante prédiction, mais la plupart des historiens la considèrent comme apocryphe.
Pourtant, un chercheur britannique, Theodor B. Symmons, affirme dans une lettre à B. O'Brien, avoir retrouvé une mention de l'existence d'un prêtre du nom d'Astarkès, dans un tombeau étrusque près de la ville d'Albe, confirmant ainsi son existence.
Autre indice, dans les années 70, des plongeurs italiens remontaient à la surface au large du port d'Ostie, un vase très ancien au décor étrusque, portant la mystérieuse inscription latine:
« Astarkes vates», Astarkès prophète.

 
Zoroastre ou Zarathustra
(628-551 av. J.-C.)

Fondateur du mazdéisme (dont sont issus les Parsis de l'Inde), le Persan Zoroastre (ou Zarathoushtra) fonda sa religion à la suite d'une vision au cours de laquelle lui apparut Mazdâ, le Seigneur de la Sagesse qui l'invita à prêcher la bonne parole et à annoncer la grande vérité : Mazdâ est le souverain des dieux, le seul digne d'adoration, la divinité qui surpasse toutes les autres...
Il semblerait, selon quelques historiens, que la tribu des Mages fut l'une des premières à se convertir à la religion prêchée par Zoroastre. Les pratiques occultes et le pouvoir que l'on attribuait aux Mages (maga en persan, d'où vient le mot "magie"), leur réputation de sorciers et de devins, leur auraient permis de prendre le monopole du pouvoir sacerdotal.
Leur emprise et leur influence sur Zoroastre furent telles qu'ils semblent être parvenus peu à peu à convertir le visionnaire en prophète.
Zoroastre instaura ainsi la première théocratie, gouvernant ses adeptes au travers de ses visions et des ses rêves, prédisant l'avenir en consultant les astres.

 
Thalès de Milet
(625-547 av. J.-C.)

Astronome, philosophe et mathématicien grec, la tradition affirme que Thalès rapporta en Grèce la géométrie et l'astrologie qu'il avait étudiées à Babylone. Selon Diogène Laërce, il fut considéré par les anciens, comme l'un des sept sages de l'antiquité.
Il étonna ses contemporains en prédisant avec une stupéfiante exactitude, l'éclipse de soleil qui eut lieu en l'an 585 av. J.-C.
Grand voyageur, il écrivit un traité de navigation dans lequel il expliquait aux marins comment calculer la position de leur navire et la route à suivre, par l'observation des astres dans le ciel. On lui attribue aussi l'hypothèse de la sphéricité de la Terre.
De nombreuses anecdotes illustrent la vie du mathématicien philosophe. Au cours d'un voyage, une mule lourdement chargée de sel perdit pied au passage d'un gué. Se relevant de sa chute, l'animal se sentit plus léger.
Aussi, dès lors, à chaque nouveau passage de cours d'eau, la mule fûtée se laissait volontairement tomber à l'eau afin d'alléger sa charge.
Pour la guérir de ce vice, Thalès ordonna que l'on échangeât le sel contre un énorme sac d'éponges. Lorsque, au gué suivant, la mule renouvela sa fantaisie, elle eut grande peine à se relever, son fardeau alourdi par l'eau se révélant écrasant.
Séjournant en Égypte, Thalès précisa la hauteur d'une pyramide à partir de son ombre et de celle de son bâton, illustrant ainsi le fameux théorème sur la proportionalité qui porte aujourd'hui son nom.

 
La réputation de "magicien" de Thalès fut confortée par une brillante spéculation à laquelle il se livra. Fin observateur du ciel, des nuages, et des vents, il sut prévoir une abondante récolte d'olives après des années de sécheresse et de pénurie.
Aussi paya-t-il et réserva-t-il d'avance l'usage de tous les pressoirs à huile des environs pour en avoir le monopole au moment de la récolte. Cette opération commerciale réussit au-delà de ses prévisions et augmenta encore sa renommée.
Platon raconte dans le Théetète l'anecdote suivante : «Tout occupé à regarder le ciel, il arriva un jour que le brave Thalès féru d'astronomie tomba à la renverse dans un puits. Or, sa servante, une jolie et spirituelle servante thrace qui l'accompagnait cette nuit-là le tira de ce mauvais pas tout en se moquant gentiment de lui, disant qu'il ferait mieux de regarder autour de lui et à ses pieds, plutôt que d'avoir toujours la tête dans les nuages.»
Consulté davantage par les puissants du moment pour ses connaissances prédictives que pour ses connaissances scientifiques, Thalès ne s'en formalisait guère et formulait des réponses dictées par le bon sens accueillies comme des oracles. On appela dès lors familièrement les astrologues : les "mathématiciens", car ils étaient pour la plupart d'éminents savants avant d'être des devins.

 



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